Billet invité.
Une vraie course de vitesse s’est engagée qui se joue à plusieurs niveaux. Sur le plan économique, la poursuite d’une politique vouée à la résorption des déficits et au maintien de la compétitivité entraîne inexorablement les populations vers la voie de la pauvreté. Sur le plan politique, les mauvais génies de la droite extrême surfent sur un discours social dans une stratégie de passager clandestin schizophrène qui les rapproche dangereusement du pouvoir.
Le contre-discours existe, on peut le trouver sans trop chercher, son problème est qu’il n’a droit de cité qu’à la marge dans les médias de masse.
L’option d’une dénonciation sur un mode sensationnaliste, c’est rejoindre les discours populistes dont le positionnement primaire est essentiellement le « contre » (c’est ce qui en fait un mauvais populisme). De tels discours cristallisent les mécontentements mais cachent le manque de caractère opératoire des programmes proposés. Au final, c’est adopter le positionnement d’imprécateur qui n’est pas sans rappeler celui de Jean-Marie Le Pen au début des années 2000.
L’angoisse qui saisit les individus n’est pas de nature collective, elle est d’abord individuelle : de quoi demain sera-t-il fait ? Comment vais-je assurer mon existence ? Comment préserver le niveau de confort matériel péniblement construit ces dernières décennies (quand on n’a pas basculé du mauvais côté de la barrière) ? C’est sur ces peurs très concrètes que prospère les discours de type TINA, ou pire encore, celui préconisant le repli et le sacrifice de boucs-émissaires.
Le vrai travail à réaliser, c’est un exercice de prospective pragmatique : dessiner un paysage global pour le futur et un chemin pour y parvenir. On ne peut combattre les discours de type TINA sans proposer un véritable programme suffisamment précis pour permettre au citoyen de se faire une représentation mentale du futur. Le travail, le logement, les revenus, les formes de consommation… Au-delà d’un chemin vers la sortie de crise, cela passe par un exercice secteur par secteur pour dessiner un paysage dans lequel chacun puisse de projeter. Et quand ce travail sera fait, encore faut-il une structure pour porter le programme, la question du « qui » reste une question cruciale.
Les élections successives ne font que traduire ces angoisses. En croyant défendre un bien-être matériel chèrement acquis et aujourd’hui menacé, les citoyens sont en train de préparer les conditions d’un effondrement généralisé. A ceux qui rêvent du grand soir et d’une reconstruction sur les ruines de l’ancien système, rien ne dit que les conditions soient remplies pour un tel chantier si le pire devait arriver. L’aventurisme du chaos est une option trop risquée pour être envisagée.
Votre esprit comptable-logico-rationnel m’a soudainement rappelé Primo Levi… (excusez) : « Auschwitz, un de ces noms qui définit à lui seul…