Une brève histoire des gaz de combat, par Cédric Mas

Arme figeant les combattants dans l’horreur, transformant l’air respiré en danger mortel, les gaz de combat ont marqué dès leur premier emploi les contemporains.

Au-delà des aspects terribles d’une arme de guerre qui symbolise les plus sombres aspects d’un progrès technique présenté au début du XIXème siècle comme immuablement bénéfique pour l’Humanité, il n’est pas inutile de rappeler quelques faits historiques sur l’usage des gaz de combats.

Découverts à l’occasion de recherche sur la teinture des textiles, les gaz chlorés furent les premiers gaz de combat identifiés et dont l’emploi militaire fut envisagé. Ces gaz sont toujours utilisés (gaz lacrymogènes).

Il est intéressant de noter que le caractère immoral de l’usage militaire des gaz apparut si évident, qu’ils furent interdits avant même d’être employés.

C’est ainsi que la première conférence de La Haye de 1899 proclama dans la deuxième déclaration spécifique annexée : « l’interdiction de l’emploi des projectiles qui ont pour but unique de répandre des gaz asphyxiants ou délétères »

Nonobstant cette prohibition, les futurs belligérants de 1914 poursuivirent des recherches. Contrairement aux idées reçues, les Allemands ne furent pas les seuls, les Français ayant d’ailleurs le triste privilège d’être les premiers à employer au combat les gaz, en utilisant dès août 1914 des grenades anti-retranchements contenant du gaz lacrymogène chloré.

Les Allemands développeront ensuite les bonbonnes avec des succès variables (échec à l’Est, et succès à Ypres contre une unité d’infanterie de Martinique), puis les obus avec d’autres gaz de plus en plus dangereux et efficaces (gaz moutarde…). L’emploi sera généralisé même si les Alliés resteront en retrait, sûrement du fait que les combats se déroulent en France et non en territoire ennemi.

Les Français vont utiliser sans hésiter les gaz dans la « pacification » du Rif dans les années 20, comme les Anglais en Irak, les Espagnol au Maroc ou les Italiens en Libye et en Ethiopie.

Le gaz de combat est une technique militaire qui répond à une configuration tactique très précise. Il s’agit d’une arme qui permet de blesser ou tuer des ennemis difficiles à atteindre (retranchements, dissémination, énorme supériorité numérique) en économisant les projectiles et en frappant le moral.

L’effet de terreur psychologique est donc l’un des objectifs, mais dans une configuration sur le terrain assez spéciale : ennemi disséminé (donc guérilla ou population civile), abrité et concentré (zone d’habitat), nécessité d’économiser le nombre de munitions (limites logistiques, économiques ou effet de surprise).

La contrepartie est un « contre-choc » moral à l’égard des troupes qui emploient des armes, qui doivent porter des protections. Ce « contre-choc » se matérialise aussi par l’affaiblissement de la cause vis à vis des neutres. Enfin, dès la fin de la Grande guerre, l’efficacité des contre-mesures prises par des troupes entraînées et protégées prive les gaz de combat d’une grande partie de leur intérêt.

En pratique, les projectiles chargés au gaz de combat sont versatiles, et présentent un danger important pour leurs utilisateurs. Vulnérables comme les lance-flammes au combat, nécessitant des précautions peut compatibles avec des opérations sous un feu ennemi, leur emploi est assez impopulaire au sein de la troupe.

C’est ce qui explique le faible emploi des gaz de combat lors de la Seconde guerre mondiale : les munitions classiques et les systèmes de visée et de guidage des bombardement d’artillerie et aérien ont fait de tels progrès que l’emploi du gaz contre les retranchements n’est plus nécessaire. C’est la principale raison, loin devant un prétendu « sursaut d’humanité » général d’Hitler, Staline et consorts… Le gaz sera tout de même employé par la Wehrmacht à Varsovie en 39 et par les Japonais en Chine. le plan d’invasion du Japon par les USA en 1945 prévoyait l’emploi d’obus à gaz pour neutraliser les attaques suicides des soldats nippons.

Les gaz sont donc une arme surtout utile pour le contrôle des foules dans des zones d’habitat (rappelons que les gaz lacrymogènes font partie des gaz de combat), par la neutralisation mais surtout par le choc de terreur infligé.

Son emploi, prohibé aujourd’hui par des Conventions internationales, se réduit donc à la répression de soulèvements populaires par des dictatures, ainsi que pour des attentats terroristes. Ils ont aussi été employés lors d’opérations contre-terroriste par les Russes (prise d’otage).

Le gaz le plus dangereux n’est pas le Sarin mais un dérivé, le gaz VX découvert par les Anglais dans les années 50. Les analyses semblent hésiter sur l’emploi de Sarin ou de VX à La Goutha.

Il circule actuellement sur le Web une vidéo qui « prouverait » l’emploi de gaz de combat par les insurgés. Si un tel emploi est vraisemblable (des stocks d’armes chimiques disséminés en Syrie ont pu tomber aux mains des insurgés), cette vidéo ne montre qu’un mortier de fabrication locale (« Hell Cannon », dont la fabrication est filmée dans la vidéo ci-dessous) lançant des projectiles bricolés à partir de petites bonbonnes de Butagaz, chargées d’explosifs de fabrication artisanale (à partir de fertilisants, nitrate d’ammonium).

Cette vidéo ne montre donc pas une arme lançant des projectiles chargés de gaz toxiques, mais des projectiles explosifs. On notera que les servants ne portent aucune des protections impératives en cas d’emploi de munitions au gaz de combat).

Enfin, après la catastrophe du 2 décembre 1943 à Bari (une bombe allemande fait exploser un navire anglais, le John Harvey, chargé d’obus au gaz moutarde qui va dévaster la ville italienne), les médecins tenus au secret pour cacher aux Allemands la présence de gaz de combat au sein des Alliés, découvrent les effets de l’Ypérite (la mustine HN2 pour être exact) sur certains cancers, notamment de la prostate. Les chemins du progrès prennent des voies souvent surprenantes.

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