Traité transatlantique et financiarisme totalitaire, par Pierre Sarton du Jonchay

Billet invité.

L’éditorial du Monde en date du 15 mai, intitulé Halte aux fantasmes sur le traité transatlantique est équilibré mais très habilement centré sur une vision purement économiste physique de la mondialisation. La philosophie libertarienne de cette négociation transatlantique n’est pas évoquée comme s’il était absolument évident et définitivement acquis que l’existence nationale de l’État de droit n’est plus une question. Les nationalités du vivre ensemble sont réputées avoir définitivement perdu leur capacité de jugement. La rentabilité financière des investissements et le taux nominal de croissance des échanges monétaires serait le seul horizon raisonnable de l’humanité unifiée.

Ce traité transatlantique ouvre bien des perspectives. Mais s’il ne remet pas en cause l’ordre monétaire actuel, il débouchera sur la consolidation du financiarisme totalitaire : la domination des capitalistes sur les esclaves du travail. Permettre à une firme multinationale ou à une organisation non gouvernementale comme la Commission Européenne de recourir à des arbitrages extra-judiciaires contre des États nationaux, c’est graver un peu plus dans le marbre la supériorité des intérêts du capital sur les solidarités nécessairement nationales des citoyens qui travaillent.

La posture de négociation de la Commission Européenne habille une subtile et transparente manœuvre rhétorique des libéraux-libertariens européens pour consolider la dépolitisation de la monnaie dans l’euro. Comme les États sont réellement en liquidation des deux côtés de l’Atlantique par l’attrition fiscale issue de la crise des subprimes, il ne reste plus qu’à mettre en place des procédures d’arbitrage pour mettre judiciairement en faillite des États qui chercheraient à restaurer la souveraineté de l’intérêt général contre des intérêts financiers particuliers.

Mettre sur un même plan d’arbitrage les intérêts de nationalité et les intérêts de rentabilité financière sans régulation publique des changes et des monnaies, est un moyen pratique de pérenniser la domination des oligarchies du capital sur le fonctionnement des sociétés. Si la rentabilité des investissements n’est pas calculée en intégrant un risque de change signalant publiquement le coût des réglementations et solidarités du vivre ensemble, les intérêts privés n’auront aucune difficulté à se faire restituer en indemnités d’arbitrage tous les surcoûts d’un bien commun mutualisé par la responsabilité publique.

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