Espirito Santo : CONFLIT D’INTÉRÊT POUR LA BCE, par François Leclerc

Billet invité.

En matière financière, suffit-il de s’en tenir aux pires intentions, de suspecter des abominations cachées et ne pas soulever les coins de tapis pour le cas échéant le démontrer ? En d’autres termes, le pire est-il toujours sûr ? Il n’est pas discutable que le plus intéressant est souvent dissimulé et vient souvent à être découvert tardivement, comme l’illustre la suite du feuilleton Espirito Santo (suivi avec un certain acharnement, il est vrai !): le filon continue de se révéler bon et mérite de continuer à être exploité.

Cela ne va pas toutefois sans mal : « La Banque du Portugal ne commente pas les opérations de financement des banques » a été la seule réponse obtenue par les journaux portugais qui cherchaient à connaître le destin du prêt de 3,5 milliards d’euros de celle-ci à la BES, juste avant sa déconfiture. Question : si ce prêt devait avoir été transféré à Novo Banco, comme cela est vraisemblable, que va-t-il en advenir ? La réponse va sans doute être trouvée du côté de la BCE, qui a rapidement accordé le statut de contrepartie à Novo Banco, lui permettant de financer cette dernière, qui pourra ensuite rembourser la BdP… Comme toujours, il suffit de suivre la piste de l’argent !

La BCE a joué dans les coulisses un rôle qui commence à transparaître. Elle s’est en effet trouvée placée au centre d’un dilemme quand il a fallu mettre au point l’opération de sauvetage de la BES. La loi européenne en vigueur prévoit en effet que les créanciers seniors pourront être appelés à contribuer au financement d’une banque en faillite, selon la nouvelle formule du bail-in. Mais ils ne l’ont pas été, car l’un des principaux détenteurs de ces créances n’était autre que la BCE (et pour 300 millions d’euros un fonds souverains chinois) ! Celle-ci détenait en effet à la fin juin 7,4 milliards d’euros d’obligations seniors émises par la BES au titre de collatéral et garanties par l’État portugais, dans le cadre de ses opérations de LTRO (crédit à long terme aux banques). Si les créanciers seniors (et pas seulement les détenteurs des créances subordonnées) avaient été appelés à combler le trou de la BES, cela serait revenu à faire participer les États européens, via l’Eurosystème et leurs banques centrales nationales, au sauvetage de la BES, en totale contradiction avec la directive communautaire et la future Union bancaire.

Une leçon de portée générale peut être tirée de cette édifiante histoire, sachant que l’en-cours de la BCE vis-à-vis des banques européennes était au 1er août de 535 milliards d’euros (prêts dits LTRO non encore remboursés), auquel il faut additionner 74,2 milliards d’euros d’« autres créances » auprès de celles-ci. Chargée de la supervision des banques, la BCE est donc au centre d’un conflit d’intérêt potentiel : toute évaluation de sa part la conduisant à impliquer les créanciers seniors dans le sauvetage d’une banque, comme il est prévu, la toucherait donc en premier lieu… De quoi douter de l’accomplissement sans faille de sa mission dans l’avenir !

Partager :

Contact

Contactez Paul Jorion

Commentaires récents

  1. Quand des journaux d’outre Atlantique échappent au chauvinisme ambiant de l’hexagone 😉 « Dès dimanche, le New York Times avait donné…

  2. @Rienderien Pour moi, le respect du vivant va bien au delà de reconnaître la sensibilité animale car la encore, on…

  3. J’ai connu une jeune femme qui avait un physique « de rêve ». Elle en était très malheureuse car elle trouvait que…

  4. pas facile à porter aussi, une telle beauté…quand on tombe sur un abruti rêveur dans mon genre…

  5. Quand on associe : croiser, descendances, prédominances, fanatique, antagonistes et voceraux dans une même phrase, a-t-on besoin d’une cohérence pour…

  6. C’est ce que l’on apprend en vieillissant. La passion dévoie le regard et nous projetons sur l’autre une fiction qui…

  7. @Pasal « la beauté du diable » J’ai connu une femme plus belle qu’elle. Elle m’a crâmé, mon jeune cerveau d’artiste est…

  8. @Pascal au sujet de ces propos de Bardot : « (…) laisser croiser à jamais nos descendances par des prédominances…

  9. Il aimait aussi beaucoup les huîtres m’a-t-on dit, on devrait y penser en cette période de fêtes ! (si on…

Articles récents

Catégories

Archives

Tags

Allemagne Aristote BCE Bourse Brexit capitalisme ChatGPT Chine Coronavirus Covid-19 dette dette publique Donald Trump Emmanuel Macron Espagne Etats-Unis Europe extinction du genre humain FMI France Grands Modèles de Langage Grèce intelligence artificielle interdiction des paris sur les fluctuations de prix Italie Japon Joe Biden John Maynard Keynes Karl Marx LLM pandémie Portugal psychanalyse robotisation Royaume-Uni Russie réchauffement climatique Réfugiés Singularité spéculation Thomas Piketty Ukraine Vladimir Poutine zone euro « Le dernier qui s'en va éteint la lumière »

Meta