Les armes des citoyens contre la politique mondiale de délinquance financière, par Pierre Sarton du Jonchay

Billet invité.

L’humanité est poussée dans le vide par le pouvoir mondial de la délinquance financière. Quel est ce pouvoir et pourquoi est-il délinquant ? Comment les citoyens vont-ils se défendre ?

Vérités primaires inaccessibles aux cerveaux oligarchiques

La manifestation la plus explicite du pouvoir de la délinquance financière est l’Union Européenne munie de l’euro. Les banques en euro ont massivement acheté des actifs subprimes librement négociables par le marché unique sans frontière et sans régulation. Pour sauver les déposants de la faillite, les États de la zone euro ont massivement augmenté leur endettement pour prêter gratuitement des liquidités aux banques. Ces liquidités sont reprêtées aux États contre un intérêt qui donne aux banques privées un pouvoir de captation illimité de la ressource fiscale des États. Les États virtuellement en faillite à la suite des banques diminuent leurs dépenses et augmentent les impôts afin de simuler un équilibre comptable des actifs et des dettes en euro. Ainsi le prix nominal surévalué des actifs en euro égale le prix réel sous-évalué des dettes en euro.

La délinquance financière consiste à jouer sur l’écart absolument libre entre le discours de certains et la réalité de tous. A l’actif de la zone euro, ce que les Européens sont réputés posséder est évalué selon la stricte légalité d’un droit de propriété rigoureux. Au passif de la zone euro, les obligations légales qui font la valeur des dettes dues aux prêteurs et aux déposants sont évaluées selon la réalité économique déconnectée de l’interprétation rigoureuse de la loi par laquelle les citoyens sont égaux en droit. Dans la théorie, tous les individus et les sociétés d’individus sont égaux en droit. Dans la pratique, la contrepartie réelle des droits comptabilisés ne mobilise pas la même attention de la puissance publique selon que le titulaire des droits est propriétaire effectif ou propriétaire putatif.

Le propriétaire effectif détient la réalité physique de ce qu’il possède : il a un capital réel. Le propriétaire putatif détient seulement un droit nominal dont la réalité dépend de l’application de la loi commune dans le travail de transformation de la réalité économique. Le propriétaire putatif dépend de la rémunération de ses droits par des biens et services effectivement produits et livrés. Le propriétaire putatif possède son capital sous forme de monnaie déposée à son nom dans une banque ou déposée au nom de l’État. La fonction financière d’un État est d’assurer les propriétaires de droit dans des budgets publics financés par les prélèvements obligatoires et des titres de dette publique.

Une dette publique n’a pas dans la réalité économique et dans la virtualité du bien commun la même nature qu’une dette privée. La dette publique est une anticipation économique de la réalisation future du bien commun au bénéfice des intérêts individuels de tous les citoyens. La dette privée est une répartition juridico-économique du prix global de la dette publique entre les citoyens qui sont en avance sur la production de biens et les citoyens qui sont en retard. Est en avance de production le citoyen adulte héritier de sa famille, bénéficiaire d’une formation professionnelle, citoyen d’un État de droit avancé et bénéficiaire d’un niveau de vie individuel au-dessus de la moyenne des citoyens.

Est en retard de production et donc créancier de droit, le citoyen jeune, malade, fragile, trop faible ou trop âgé pour travailler autant que les autres. Le créancier net de droit est débiteur net en monnaie car la réalisation de ses droits ne peut pas être immédiate mais future ou conditionnée à l’occurrence des événements de la vie. Est donc débiteur réel en monnaie, le citoyen dont le salaire est fixé en dessous du minimum de décence commune ou qui n’a pas hérité de capital réel des générations précédentes. Le débiteur réel en monnaie est reconnu comme tel et invité à travailler pour rembourser sa dette parce qu’il existe un État de droit qui l’assure concrètement dans sa dignité d’humain et de citoyen responsable.

La dette publique est une comptabilité du bien commun qui ne peut pas exister économiquement sans État de droit appliquant une loi d’égalité effective entre les citoyens. La dette privée, dont le remboursement et les intérêts sont réservés à des personnes privées, ne peut avoir de réalité que s’il existe une dette publique déterminant une masse comptable de droits économiques légaux et réciproques entre des citoyens égaux en droit. L’égalité des droits entre les personnes physiques est une loi commune de transformation effective de la réalité par des personnes morales effectivement responsables de leurs actes.

Abolition européenne et mondiale du délit d’usure

Il existait dans le Code Napoléon qui a déterminé le droit des personnes en Europe continentale, un délit d’usure. L’usure consiste à comptabiliser des dettes au mépris du bien commun réellement mesurable et à en exiger le remboursement au-delà des ressources minimales que la loi accorde à tout humain pour vivre décemment. L’interdiction de l’usure n’est applicable dans la réalité qu’à quatre conditions :

  1. que la loi soit la même pour tous les créanciers potentiels dans une monnaie,
  2. qu’il existe un même État de droit unique pour la monnaie comptabilisant les obligations entre citoyens,
  3. que l’État de droit soit doté d’une Police et d’une Justice capable de vérifier la comptabilité des droits et de déceler les abus,
  4. que les créanciers délinquants soient physiquement saisissables afin de réparer les victimes et de dissuader les comportements usuraires.

Les quatre conditions d’interdiction de l’usure ont été abolies par l’euro. Plusieurs systèmes juridiques nationaux sont mis en concurrence dans la monnaie unique. Aucun État commun aux utilisateurs de l’euro n’a été créé pour superviser et garantir la comptabilité des dettes conformément à des principes communs de bien collectif européen. Aucun registre public d’identification des personnes publiques et privées n’a été mis en œuvre pour recenser toutes les obligations légales des détenteurs de droits nominaux en euro. Enfin, la zone euro n’a aucune frontière intérieure ou extérieure qui permette de mesurer et de responsabiliser la circulation du capital réel, financier ou nominal.

Le système de l’usure théoriquement interdite mais financièrement libre, est en vigueur dans les pays anglo-saxons depuis leurs origines. Les États-Unis ont été fondés par les pauvres de l’empire britannique qui ont voulu échapper à la menace de leur créanciers cléricaux, seigneuriaux et ploutocrates. Malgré son origine, le système juridique étatsunien n’a aucun outil pour lutter contre l’usure en l’absence de registre central des personnes créancières et débitrices en dollar. Il n’existe en dollar aucune responsabilité civile publique mesurable de conversion des prix en monnaie, en droits réels vérifiables. L’ordre monétaire du dollar est mondial depuis la victoire des Etats-Unis dans la deuxième guerre mondiale.

Le régime de l’usure libre a été introduit et renforcé en Europe continentale par la monnaie unique qui supprime la responsabilité politique de l’économie des droits à l’échelle des gouvernements souverains. Les gouvernements allemands pratiquent ouvertement l’usure des droits sociaux et salariaux sans en faire payer le prix aux capitalistes allemands par la réévaluation de l’unité allemande de monnaie. Les gouvernements français pratiquent l’usure des contribuables et des épargnants français sans en faire payer le prix par la dévaluation d’un euro-franc aux émetteurs publics et privés de dette publique et aux exilés fiscaux détenteurs de droits réels en France.

L’euro sans État de droit fédératif de souveraineté financière partagée est une escroquerie pure et simple au regard des constitutions et des lois de l’Europe continentale. Cette réalité est reconnue comme telle par la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe depuis septembre 2013. La monnaie unique sans état civil central des personnes physiques et des personnes morales, qui sont virtuellement créancières en monnaie et débitrices en droits humains, fait des gouvernements et des directions d’entreprises multinationales de la zone euro des coopératives de délinquance financière. Et les entreprises et les administrations publiques, sont coupables du délit d’usure ; les premières pour afficher une existence et une augmentation fictives de leur capital et les secondes pour rembourser des dettes comptabilisées illégalement.

Déconstruction du sophisme libéral sur la monnaie

Bien évidemment, adosser le prix d’une dette en monnaie à des droits légaux personnels effectivement livrables en réalité économique est l’opération la plus complexe et la plus objectivement discutable qui soit. Les matérialistes libéraux ont beau jeu de simplifier les choses en disant que le problème n’existe pas puisque la monnaie neutre par nature produit l’identité du discours des possédants à la réalité des possédés. Par l’indépendance des banques centrales et la libre circulation du capital, il ne peut pas y avoir de distorsion entre un discours politique ou scientifique quelconque et la réalité économique qu’il engendre.

Dans la réalité vraie, que nos gouvernants préfèrent ignorer par cynisme, cupidité ou impéritie, il n’y a de monnaie que par le travail d’un humain qui rend des services à un autre humain. Un service n’est monétisable, c’est à dire matérialisable en dette, que si une loi pose la réalité de ce qui peut être considéré comme bien à l’intérieur d’une communauté humaine identifiée et constituée. Une loi n’est transformable en réalité que sous l’arbitrage gouvernemental public des transactions financières, lesquelles règlent l’accomplissement du bien commun dans la production et la livraison des biens et services définis dans la Loi.

Dans un régime de citoyenneté du Droit, une banque qui transforme la monnaie de la loi prêtée en dette de la loi empruntée ne peut pas reposer sur du capital exclusivement privé. Le capital bancaire vrai est nécessairement la prime publique d’assurance de la loi dans le crédit. Cela signifie que le métier de banquier qui calcule l’équilibre monétaire réel en droit, des prix passifs aux prix actifs, est une fonction judiciaire publique. Le vrai banquier ne peut pas être rémunéré par un intérêt privé proportionnel au capital nominal circulant, mais par un impôt proportionnel à la prime nécessaire d’assurance du droit par la puissance publique de la loi.

Un règlement en monnaie est un transfert de quotité de dette publique de l’acheteur d’un droit au vendeur de la réalité du même droit. La fonction monétaire du banquier est de comptabiliser l’égalité d’un passif contractuel au prix réel actuel de l’actif qui en constituera le règlement. S’il est rémunéré proportionnellement à l’actif et non à la réalisation effective du droit, il a un intérêt évident à majorer la réalité des choses dont il est directement ou indirectement propriétaire, et à minorer le droit des humains dont il est obligataire. L’effondrement actuel de l’économie mondiale dans la barbarie financière est mécanique. Les gouvernements libéraux d’Amérique, d’Europe et d’Asie sont monétairement capturés et asservis aux intérêts de l’oligarchie financière globaliste.

La machine infernale est fondée sur la libre circulation du capital et sur la monnaie dissociée de la responsabilité des États nationaux. Tant que la responsabilité des autorités publiques n’est pas mesurable par une monnaie propre à chaque souveraineté, les citoyens n’ont aucun moyen de vérifier l’efficacité réelle des discours politiques et la proportionnalité des dettes à la réalisation effective des droits. Entre des systèmes juridiques souverains distincts, la seule façon de mesurer l’efficience économique de la loi effectivement appliquée est la parité de change calculée publiquement entre des unités monétaires propres à chaque pouvoir politique.

Un vrai marché des changes de l’euro en droit réalisé

Tant que l’euro reste monnaie unique, elle est un instrument d’usure oligarchique de la démocratie. La réalité économique financée en euro use la citoyenneté européenne. La masse des dettes et la rente financière prolifèreront jusqu’à l’anéantissement total de l’économie réelle. La monétisation illimitée des dettes détruira les sociétés politiques de droit. Avant que la guerre civile des classes dirigeantes contre les peuples ne devienne générale et létale, il faut fonder un État confédéral dans la zone euro qui devienne propriétaire et assureur de la BCE sous le contrôle du Parlement Européen. Assurer la BCE et la politique monétaire en euro par une fiscalité financière confédérale implique la création d’un marché monétaire européen fermé où la circulation du dollar, de la livre sterling et du franc suisse soit interdite.

Le contrôle légal de la circulation du capital signifie la taxation des flux de capitaux à l’entrée et à la sortie de la zone euro ainsi qu’à l’intérieur de la zone en fonction d’une appréciation judiciaire confédérale de la légalité des règlements financiers. La légalité d’un règlement financier quelconque exige une domiciliation préalable de tout contrat dans une nationalité juridique désignant l’autorité politique compétente pour juger de la conformité des transactions aux droits humains. Plus une transaction est jugée légalement risquée pour le bien commun et pour l’équilibre de la société où elle est domiciliée, plus elle est taxée pour contribuer aux frais de la justice publique commune.

La « républicanisation » de la banque en euro, implique que les comptes de dépôt sont tenus par des banques de marché qui sont des agences publiques du pouvoir politique judiciaire confédéral. L’État de droit euro-européen est stratifié en États confédéral, nationaux, fédérés et locaux. Chaque entité étatique a son compte de dépôt propre par lequel elle recouvre les taxes qui financent l’assurance des droits dont elle est responsable. Toute comptabilisation de dette implique alors :

  1. la vérification de la justice par une entité étatique fiscalement responsable et assureur des droits du débiteurs comme du créancier ;
  2. l’assurance du prêteur en monnaie par la prime de crédit négociable en euro de l’entité étatique domiciliatrice ;
  3. l’assurance de l’entité étatique par le capital confédéral de la BCE et par la fiscalité financière confédérale ;
  4. l’assurance de la convertibilité extérieure et intérieure des dettes en euro par des primes de change publiquement négociables réglées aux entités étatiques dont la prime de crédit est la plus faible sur le marché monétaire de l’euro.

Le vrai capital en euro ne peut plus exister autrement que comme prix de la prime de crédit réel assuré par la prime de change publique.

Toutes ces règles de justice financière sont parfaitement connues et appliquées depuis le XIXème siècle mais au bénéfice exclusif des intérêts oligarchiques privés niant la réalité possible d’un bien commun économiquement efficient. La rationalité financière est retournée contre la Loi grâce à la privatisation de la monnaie qui est permise par la propriété exclusivement privée, par le pseudo-secret bancaire et par l’absence de registre international commun des créanciers et débiteurs en monnaie. Les élites politiques adorent le système d’irresponsabilité financière qui les dispense de justifier auprès des citoyens la réalité et la légalité des contreparties à la dette publique qu’elles émettent.

La ruine et le déshonneur inéluctables ?

Le ralentissement actuel de la croissance mondiale promet l’effondrement financier du non-système monétaire de libre circulation du capital. L’excès de dettes par rapport à la production mondiale de biens et services est devenu trop manifeste pour que les pays créanciers nets comme la Chine ou l’Allemagne ne cherchent pas à écraser leurs débiteurs les plus faibles pour rester crédibles vis-à-vis de leurs épargnants. A l’inverse les puissants débiteurs comme les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont de moins en moins de scrupules à se renflouer par l’abus de droit ou par la force militaire.

Quelle que soit leur situation financière personnelle nette, le prix de la révolte des citoyens contre leurs élites oligarchiques est en train de s’effondrer soit par le démantèlement des services publics soit par la perte inéluctable dans la guerre civile actuelle de leur épargne et de leurs dépôts. Sil ne veulent pas tout perdre, les citoyens doivent exiger la renationalisation des monnaies, le rétablissement de douanes financières publiques et la responsabilité monétaire publique mesurable des pouvoirs politiques. Si les citoyens ne se révoltent pas tout de suite, ils seront méthodiquement montés les uns contre les autres, nationalité contre nationalité, forts contre faibles, capitalistes contre travailleurs, partisans de l’ordre contre terroristes.

En France, si le Président de la République ne veut pas ou ne sait pas assumer son rôle constitutionnel de garant de la légalité démocratique, il doit démissionner. Le Président de la République Française a le devoir politique constitutionnel de prononcer la faillite de la zone euro si l’Allemagne entend persévérer dans sa politique nationaliste d’usure. Il a le devoir de proposer à ses concitoyens européens une union monétaire confédérale dotée d’un marché monétaire public fermé où les dettes publiques soient calculables ; où les dettes publiques garantissent les dettes privées adossées à une fiscalité effective garante de l’égalité des droits et de la protection sociale des personnes solidaires par la loi commune.

 

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