EN DÉFENSE DE LA « BONNE FINANCE », par François Leclerc

Billet invité.

De l’art d’inventer des dangers imaginaires pour mieux les combattre ! À propos de la taxe sur la transaction financière (TTF), le ministre français des finances Michel Sapin se répand sur le thème « le pire danger, c’est qu’elle ne se fasse pas », afin de justifier une conception a minima qui la vide de sa substance et la dénature. Elle ne devrait s’appliquer selon lui qu’aux transactions portant sur des actions ou sur des CDS échangés de gré à gré, à l’exclusion de toutes les autres…

Contrairement à ce que prétend le ministre, le débat qui va se poursuivre n’a pas lieu avec des collègues décidés à enterrer le projet de taxe, mais au contraire avec ceux qui en définissent le périmètre bien plus largement, comme son homologue autrichien, Hans Jörg Schelling. Celui-ci préconise de ne faire aucune exception à la perception de la taxe, sauf pour les transactions portant sur des obligations souveraines. Mettons les choses à l’endroit : Michel Sapin défend les intérêts des banques françaises, afin qu’elles puissent continuer leurs transactions sur les produits dérivés sans être taxées.

Qu’a dit à ce sujet sur BFM en début de semaine François Pérol, président en titre de la Fédération bancaire française (FBF), dont la bataille acharnée contre la TTF a été visiblement entendue ? « C’est un peu bizarre de taxer ce qui est le plus mobile, c’est-à-dire les transactions financières, alors qu’en France, en Allemagne, alors que les principaux centres financiers ne vont pas le faire et que c’est un peu bizarre de taxer les taxes, les transactions financières alors que l’Europe s’est engagée dans le développement du financement de l’économie par les marchés financiers avec Bâle III. »

On sait que les banques françaises, dont les bilans ont enflé outre mesure, sont particulièrement actives en matière de transactions sur les produits dérivés – ce qui n’est pas sans rapport – que le ministre tente d’évacuer du périmètre de la future taxe.

A ceux qui s’insurgent contre le faible produit financier qui va en résulter – ces ONG qui comme Oxfam luttent contre la pauvreté et les pandémies et espèrent recevoir une partie du produit de la taxe – le ministre français répond, superbe : « Je préfère une TTF qui aurait un produit limité au-delà des actions, mais qui soit efficace et effective et qui progressera, plutôt qu’une très belle idée, mais qui restera dans les nuages ». De fait, les 35 milliards d’euros initialement évoqués par la Commission seront loin d’être réunis, vu le tour que prennent les discussions, posant à certains pays comme la Belgique un problème, car la future taxe pourrait rapporter moins sur leur territoire que celle qu’ils ont déjà mise en vigueur.

Ce n’est pas nouveau, les représentants du gouvernement socialiste français font de la défense des banques la pierre cardinale de leur politique. Le prédécesseur de Michel Sapin, Pierre Moscovici, aujourd’hui en charge de la fiscalité à la Commission, avait déjà brillamment fait adopter une loi de séparation des activités bancaires qui n’en était pas une. De l’art de garder les mots, mais rien que les mots ! Sans doute le ministre aujourd’hui en responsabilité (sic) estime-t-il protéger « la bonne finance », pour reprendre son célèbre distinguo…

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