Billet invité.
Le diable se cachant dans les détails, il faut attendre le plan que proposera Syriza demain à la Troïka, pour voir s’il s’agit effectivement d’une reddition en rase campagne du gouvernement grec. Mais d’ores et déjà, le pessimisme semble être de mise pour deux raisons principales : la Troïka qui n’a aucune légitimité démocratique, reste maîtresse du jeu et Alexis Tsipras s’est engagé – contre un très hypothétique desserrement du nœud coulant -, sur l’objectif d’un excédent primaire de 4,5 % du PIB en 2016.
La Troïka restant aux commandes, son fanatisme économique imposant un excédent primaire irréaliste, on voit mal dans ces conditions, comment Syriza pourrait trouver les marges de manœuvre lui permettant de lutter contre la crise humanitaire artificiellement provoquée, qui ravage le pays.
Le premier sentiment étant donc le bon : un Dogme ne se remet pas en cause, ne s’amende pas, même à la marge. Les Grecs doivent continuer à souffrir dans la zone euro. S’ils en sortent, tout (et cela implique probablement le retour des barbouzeries pour provoquer chaos et coups d’État), devra être fait pour qu’ils souffrent encore plus. Pour que leurs malheurs persuadent Espagnols, Portugais et autres Irlandais, de bien voter. Il ne saurait y avoir de sortie heureuse de la zone euro. La mort est la seule option laissée par la Religion Féroce à ceux qui ne veulent pas, ne veulent plus, se soumettre. C’est ainsi qu’agissent toutes les sectes : quelle meilleure méthode que la peur et la souffrance, pour garder ses disciples et les dissuader de réfléchir ?
Mais même si les choses se passent finalement ainsi, l’expérience Syriza aura été profitable.
– Elle prouvera définitivement, à ceux et celles qui en doutaient encore, que les peuples et leur bien-être, n’ont rien à voir avec la construction de l’UE.
– Que les cliquets mis en place, empêchent tout retour à la démocratie.
– Que le gouvernement français n’a plus que le magister du verbe, qu’il laisse à l’Allemagne et à la BCE, le gouvernement effectif de la zone euro.
– Surtout, et ce sera là le principal enseignement à mon sens, elle prouvera que la Raison est impuissante face à la Religion Féroce. Car enfin, s’il y a bien quelque chose que le programme, les paroles et les actes d’Alexis Tsipras ont démontré, c’est leur rationalité ! (lire à ce sujet la très révélatrice interview – merci Henri ! -, d’Alexis Varoufakis dans le Guardian).
Alors ?
Si l’UE sacrifie le peuple grec sur l’autel de la Religion Féroce, la question de la violence légitime se posera avec de plus en plus d’insistance. 70 ans après la fin de la grande guerre civile européenne (14-45), le choix entre la soumission et la liberté se posera à nouveau.
Et c’est Mme Merkel, MM Schäuble, Draghi et consorts, qui par leur aveuglement, fixeront le prix pour recouvrer cette liberté.
Voilà de quoi Syriza risque fort d’être le nom : de celui du prix que nous allons devoir payer pour détruire la religion féroce.
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