« Ah les cons ! », par Zébu

Billet invité.

« Ah les cons ! », c’est en ces termes peu amènes qu’Edouard Daladier s’est exprimé lorsqu’il descendit de son avion revenant de Munich, s’attendant à être insulté et à recevoir des tomates après avoir signé l’accord du même nom, sidéré par l’accueil exalté que fut celui des foules pensant recevoir le sauveur de la paix.

Pour ceux qui se feraient encore des illusions sur les intentions véritables des créanciers de la Grèce, il serait sans doute nécessaire de dire ce que cela signifie que de recevoir des partis d’opposition, y compris officiellement comme le fit Jean-Claude Juncker en recevant To Potami, quand dans le même temps on ‘négocie’ avec le gouvernement (« malheureusement », n’arrêtent pas de souffler ces créanciers) démocratiquement élu par le peuple grec : une tentative supplémentaire de putsch politique à mettre à leur actif.

Leur grande idée, à ces créanciers, est d’amener le gouvernement grec au renoncement : par le temps, ce temps qui permet aux capitaux de fuir la Grèce (en bonne partie dans les pays des dits créanciers), fuite permettant de mettre en difficulté les banques grecques, difficulté plaçant la BCE de M. Draghi sous pression, seule institution européenne encore réellement européenne et paradoxalement la seule à exercer une mission qui n’est pas la sienne : une mission politique.

Ce renoncement n’advenant point, qu’à cela ne tienne : il faut (faire) changer de gouvernement grec, par sa démission ou par l’établissement d’un gouvernement dit ‘d’union’, ‘solution’ déjà testée et ayant déjà échoué, mais cela se saurait si l’important était de réussir en la matière.

 

Les uns jouent des autres et vice-versa pour continuer à distribuer les cartes, ‘bad cop’ et ‘good cop’ s’échangeant les rôles : le FMI et sa petite écriture sanguine, les États européens et leur refus de céder d’un pouce sur la dette publique grecque. Ce cirque pourrait continuer longtemps pour eux, puisqu’ils le jouent à la perfection depuis 2010, si ce n’est depuis toujours.

 

En supposant même que ces thuriféraires de cette ‘paix perpétuelle’ européenne parviennent à leur fin en faisant céder Tsipras, pour lui faire accoler son paraphe en bas de page d’un accord qui n’en n’a que le nom ou en provoquant une crise politique interne à Syriza ou même en Grèce, ce que ces créanciers se refusent à comprendre c’est qu’ils ouvrent la boite de pandore en lieu et place de la refermer.

Un précédent devrait leur ouvrir les yeux, si tant est que cela soit possible : Lehman Brothers.

 

Et comme il ne faut guère se faire d’illusions sur leurs capacités optiques, c’est bien aux citoyens européens qu’il s’agit d’ouvrir les yeux, ceux-là même dont les créanciers disent agir en leur nom et dans leurs intérêts :

« Mesdames, Messieurs, ‘petits épargnants’ ou simples citoyens, aujourd’hui comme en 1938, on vous vend la paix pour gagner du temps ; vous n’aurez au mieux qu’un drôle de sursis, avant que de subir l’effondrement, avec l’amertume du déshonneur aux lèvres.

Sachez, braves gens, que la dette grecque ne sera pas remboursée, certainement pas en tout cas en sa totalité. Jamais.

Il vous ment donc celui qui prétend ‘défendre les intérêts des contribuables européens’, celui-là même qui avait accepté il y a quelques années de reprendre les créances des banques européennes pour les sauver comme « Boudu sauvé des eaux » par celui-là même que les banques ne considéraient pas mieux qu’un clochard bon à assurer leur ordre social : l’Etat, donc vous, Mesdames, Messieurs, paraît-il.

Que l’accord proposé n’est qu’un baiser de Judas pour un condamné grec qui risque de se débattre pendant la pendaison lente qu’on lui propose : il vous faudra alors avoir le courage d’assister à sa lente agonie. Qu’ensuite, tous les discours politiques prononcés sur la démocratie européenne seront nuls et non avenus, puisque quoi qu’il advienne, seul comptera le seul choix qui vaille, le seul possible puisque le seul à exister dans cette réalité là : celui des créanciers. »

 

A partir de là, qu’on ne vienne plus nous parler du ‘danger de l’extrême droite’ et nous appeler au secours quand ce que les créanciers dénomment les ‘populistes’ seront aux portes du pouvoir : « Allez au diable ! », comme le dit si bien Helmut Schmidt, un Allemand et un Européen convaincu (un vrai).

Le diable s’en frotte déjà les mains, lui qui sait si bien accueillir ceux qui l’ont bien servi.

 

Et à ceux qui viendraient brailler dans nos esgourdes en acclamant la signature (éventuelle) d’un tel ‘pacte’ (et non accord), ô combien faustien, sachez que les mots de Daladier valent pour vous.

 

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