La proposition de trois chercheurs britanniques [*] de partir à la recherche des traces de civilisations extra-terrestres éteintes plutôt qu’en activité se situe dans la ligne droite de l’hypothèse pessimiste de l’Astronome royal britannique Martin Rees selon qui, comme nous l’avons vu, si les civilisations d’animaux inventeurs et producteurs de machines précèdent nécessairement celles-ci, ces civilisations s’éteignent lors du passage du flambeau pour laisser les machines désormais seules et livrées à elles-mêmes, soit parce que le stade de l’invention de machines intelligentes appartient aux derniers feux jetés par une civilisation en voie d’autodestruction, soit parce que si des machines sont intelligentes, elles chercheront nécessairement à se débarrasser d’une espèce aussi nuisible que la nôtre. Les auteurs de l’article parlent à ce propos de « civilisations qui ont surpassé (ou succombé à) une Singularité technologique [P.J. : le dépassement global de l’intelligence humaine par celle de la machine] », et ils ajoutent qu’« il s’agit alors moins de la mort d’une civilisation que de sa transmutation en quelque chose de fondamentalement différent ».
Ceci dit, les auteurs concluent rapidement que les autodestructions de civilisations ne sont susceptibles que de créer des événements difficiles à observer d’une grande distance. Ainsi les rayons gamma produits par un holocauste nucléaire total ne seraient détectables que si notre Armageddon impliquait un arsenal un milliard de fois plus important que celui dont nous disposons aujourd’hui, tandis que si la décomposition simultanée de sept milliards de cadavres humains produirait 10 000 tonnes de méthanethiol, un chiffre impressionnant en soi, elle serait là aussi insuffisante pour être détectable d’une très grande distance. Seul un hiver nucléaire, l’opacité soudaine de l’atmosphère à la suite d’un conflit majeur, serait aisément décelable de très loin mais il faudrait encore que la belliqueuse planète ait été observée préalablement pour que cette opacité ne soit pas interprétée ailleurs comme un événement naturel. Il en va de même pour un anneau de débris autour de la planète : si la source peut en être l’incurie d’une civilisation « intelligente », elle peut tout aussi bien être due, comme pour Saturne, à des facteurs naturels.
La distance demeure donc un obstacle important à la détection de la disparition d’une vie intelligente puisqu’il faut pour qu’ils soient détectables par des extra-terrestres, qu’interviennent des événements cataclysmiques bien plus considérables que ceux qui suffisent à l’éradiquer.
Quant aux machines que nous avons conçues, mis à part le fait qu’elles émettent des signaux, elles n’ont pas encore eu d’impact significatif en-dehors de la sphère terrestre : quelques-uns des objets que nous avons conçus sont bien stationnés sur d’autres planètes ou sur une comète de notre système stellaire, et quelques uns – comme les sondes Pioneer 10 et 11, Voyager 1 et 2 et New Horizons, y ont effectivement échappé.
Quoi qu’il en soit, cette étude désenchantée par trois chercheurs britanniques de la tendance probable des civilisations « intelligentes » à s‘autodétruire du fait qu’une espèce intelligente découvre un jour ou l’autre la puissance formidable de la fission et de la fusion nucléaire et finit tôt ou tard par y trouver le moyen par lequel s’immoler, et du fait qu’elle prend au sérieux le présupposé pessimiste que « les civilisations présentent des vices sociétaux ou structuraux intrinsèques qui leur interdisent de se maintenir sur de longues périodes », constitue, en apportant ici l’écot de la communauté scientifique, une manifestation de plus du fait que notre espèce a entrepris le processus de deuil d’elle-même.
===========================================
* Adam Stevens, Duncan Forgan and Jack O’Malley James, « Observational Signatures of Self-Destructive Civilisations », 30 juillet 2015
125 réponses à “Trois chercheurs britanniques : « Si l’intelligence extra-terrestre est très répandue, sa tendance à l’autodestruction l’est sûrement également »”