IlS ONT OSÉ !, par Marc Le Son

Billet invité.

Dans un article publié il y a plus de deux ans (Gazette des Communes du 09/10/2013), nous écrivions :

« la SFIL émet actuellement des offres de taux fixes confinant au seuil de l’usure ; tous versements complémentaires (IRA) qui porteraient le TEG au-delà de celui-ci seraient interdits : faut-il alors étendre le dispositif en détruisant aussi la législation sur l’usure, applicable aux collectivités territoriales comme le reconnaît le portail CEDEF du ministère de l’Economie et des Finances ? »

Voici qu’une disposition cavalière vient encore piétiner l’ordre public :

L’article 9 du projet de loi de finances pour 2016 adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 17/11/2015 modifie comme suit l’article 92 de la loi de finances pour 2014 créant le fonds de soutien :

« Par exception au premier alinéa de l’article L.313-3 du code de la consommation, le taux d’usure applicable aux nouveaux emprunts consentis est celui qui était applicable à la date à laquelle le prêt ou le contrat financier faisant l’objet de la renégociation a été initialement consenti. »

L’exception « applicable aux nouveaux emprunts consentis » est insérée dans le dispositif d’un fonds de soutien qui n’a pas vocation à consentir des prêts et n’est donc pas concerné par l’usure.

A l’évidence destinée à la SFIL via sa filiale CAFFIL, la mesure n’a pas sa place dans ce dispositif et parait peu soucieuse de la censure précédente du Conseil Constitutionnel.

En dépit des difficultés agitées par certains pour ne pas voir l’évidence, il est désormais manifeste que la législation sur l’usure est applicable aux prêts consentis aux collectivités publiques puisqu’une loi est jugée nécessaire pour en réduire les effets.

On comprend aussi que, le taux de l’usure au jour de souscription de ces « contrats toxiques » étant bien supérieur à ce qu’il est aujourd’hui, le Parlement vient encore d’être appelé à la rescousse pour permettre à la SFIL d’engranger ces indemnités de remboursement anticipé (IRA) scandaleusement indues en leur principe et hautement critiquables en leurs modalités de calcul.

On notera enfin que la disposition n’est pas rétroactive et ne pourra s’appliquer qu’à compter du 1er janvier 2016 : les « nouveaux emprunts » contractés en 2015, i.e. avant promulgation de la loi de finances, se heurteront alors au seuil de l’usure au jour de leur conclusion en créant une disparité de traitement avec les collectivités qui n’emprunteraient qu’ensuite.

Le fonds de soutien décidera donc avec la SFIL de séparer le bon grain de l’ivraie : les collectivités qui seront privilégiées (celles souscrivant de nouveaux prêts en 2015 sous la limite actuelle de l’usure) et celles qui seront pénalisées (en empruntant en 2016 pour un TEG beaucoup plus élevé).

Très bien, mais sur quels critères ?

La démocratie s’accommode mal de ce nouveau coup bas et l’histoire qui s’écrit pourrait juger sévèrement ceux qui creusent le fossé entre le peuple et ses élus puisque, une fois encore, on pourrait se demander à quoi servent les lois, ceux qui les votent et ceux qui les appliquent si tout l’équipage doit abdiquer devant le fait du Prince.

Le cheminement de nos institutions pourrait s’éclairer d’un meilleur désir de dignité.

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