Billet invité.
Nouvelle manifestation de la crise politique européenne, le parti travailliste britannique s’achemine vers une scission, suite à l’échec intervenu hier du coup d’état de son establishment contre Jeremy Corbyn. Plus généralement, le renouveau de l’action politique est devenu dans toute l’Europe un thème à la mode se traduisant rarement dans les faits, et la conquête du pouvoir politique fait l’objet de discussions dont les plus avancées ont lieu en Espagne. Mais la réflexion sur ce que le pouvoir est devenu est étrangement absente, se limitant le plus souvent à une simple référence aux oligarchies. Mais encore ?
La réflexion peut être alimentée par les récentes révélations sur la mansuétude dont a bénéficié la mégabanque britannique HSBC en 2012. Eric Holder, alors ministre de la justice, avait renoncé à engager aux États-Unis des poursuites pénales dans une affaire de blanchiment et de viol d’embargo, pour se limiter à infliger une amende pour solde de tout compte. Pour colossale qu’elle ait été – 1,9 milliards de dollars – la banque évitait des poursuites au pénal et aucun de ses dirigeants n’était inquiété.
À Washington, les élus de la Commission des Finances de la Chambre des représentants ont la semaine dernière fustigé l’ingérence du gendarme boursier britannique à cette occasion, et cité une lettre du chancelier de l’échiquier George Osborne adressée à Ben Bernanke, alors président de la Fed, et à Timothy Geithner, secrétaire au Trésor de l’époque. Dans celle-ci, le ministre britannique mettait en garde sur le fait que des poursuites pénales contre HSBC pourraient avoir de « graves répercussions » économiques et financières en Europe et en Asie. Il a été entendu.
Cet épisode montre comment tout ce petit monde patauge dans la même mare quand les projecteurs sont éteints et que les vraies questions sont abordées. Il n’est pas inutile à cet égard de se rappeler que le ministère américain de la justice a été très critiqué pour n’avoir poursuivi aucun banquier ou institution financière depuis 2008, date officielle du démarrage de la crise financière, accréditant les soupçons de collusion.
« Les ministres européens ont adressé un signal fort au Comité de Bâle sur la protection du financement de l’économie européenne », s’est félicitée hier mardi la Fédération bancaire française, à la suite de leur réunion de Bruxelles. En effet, ceux-ci n’y ont pas été avec le dos de la cuillère en enjoignant dans un communiqué le Comité – qui regroupe les représentants des banques centrales et des régulateurs – de ne pas imposer aux banques « une augmentation significative des exigences en capital ». L’argument donné est sans surprise : cela donnerait aux banques américaines un avantage concurrentiel. On se souvient que les deux fédérations bancaires allemande et française s’étaient rendues en délégation rencontrer Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des finances. Elles aussi ont été entendues, suite à quoi les représentants des banques centrales n’ont maintenant qu’à obtempérer, en toute indépendance.
Nul n’ignore plus l’importance dans les discussions à venir avec le Royaume-Uni de l’obtention ou non du passeport qui permettrait à la City de continuer ses activités au sein de l’Union européenne, bien que n’en faisant plus partie. Les discussions vont être particulièrement serrées sur ce chapitre et les détails auront leur importance. Il va falloir notamment prêter attention aux recommandations à la Commission que l’Autorité européenne des marchés financiers – ESMA, pour European Securities and Markets Authority – devrait rendre publiques à la fin du mois. Car il n’est pas exclu qu’une porte d’entrée soit laissée ouverte à la City dans le cadre de l’adoption d’une politique à portée plus générale. Les juridictions (les pays) pourraient l’emprunter, à condition d’avoir adopté des mesures de régulation similaires à celles de l’Union européenne. Seraient déjà concernés l’Australie, les Bermudes, le Canada, les Iles Caïmans, Hong Kong, l’Ile de Man, le Japon, Singapour et les États-Unis. La décision concernant Jersey et Guernesey est encore en attente. La City n’a pas encore perdu.
Sur le papier les mondes de la politique et de la finance sont séparés, mais dans la réalité les passerelles entre eux ne manquent pas. Le déroulement des plans de carrière d’aujourd’hui l’exprime sans ambages. Il n’y a pas deux côtés où se situer, mais un même monde qui joue de moins en moins la comédie et s’affiche pour ce qu’il est, désormais sûr de son pouvoir, celui ne pas être atteint mais au pire égratigné.
L’IA et nous. Pour nous en sortir, dans notre société, l’IA va-t-elle aider les travailleurs à continuer à travailler, les…