Non, je n’ai pas lu entre hier et aujourd’hui un livre de 663 pages. Tout ce que je peux dire de l’ouvrage de Gérard Davet et Fabrice Lhomme : Un président ne devrait pas dire ça, c’est ce que j’en ai lu dans les journaux. Je m’abstiendrai donc soigneusement de dire quoi que ce soit de son contenu, je me contenterai de commenter à mon tour ce commentaire lu quelque part mais qui semble véhiculer le sentiment général de ceux qui ont lu le livre : qu’avec ses entretiens, le Président, « s’est torpillé ».
Or, et tout le monde le note : en ayant accordé hier 13 octobre un entretien « de présidentiable » à l’Obs, François Hollande se plaçait avec autorité dans sa seconde course à l’Élysée. La question se pose alors : comment fait-on pour se torpiller en imaginant faire le contraire ?
L’explication – s’il y en a une – est bien entendu plutôt d’ordre psychologique que politique. Elle se situe me semble-t-il du côté de L’apothéose d’Auguste, cette pièce inaboutie qu’écrivit Claude Lévi-Strauss alors qu’il se retrouvait isolé au Brésil et dont il révéla l’existence dans son récit autobiographique Tristes tropiques.
De quoi s’agit-il ? D’Octave à la veille du jour où – comme le Sénat romain en a décidé – il deviendra Auguste. Ce qui est très loin d’être innocent car cette « apothéose » va faire de lui un demi-dieu : tout ce qu’il fera, dira, sera dorénavant auguste, son rapport au monde en sera métamorphosé : rapport aux hommes bien sûr, mais aussi aux animaux, aux végétaux, à tout ce qui nous entoure…
La lecture de Merci pour ce moment (2014) de Valérie Trierweiler évoquait déjà quelque chose de cet ordre : que l’accession à la charge de Président a été vécue par François Hollande lui-même comme lui ayant conféré une qualité quasi surnaturelle : un président de la république cesserait selon lui d’être « n’importe qui », il serait à sa façon, précisément, « auguste ».
Et voilà qui expliquerait peut-être ce naufrage que les premiers lecteurs du livre nouvellement paru disent observer : la dissonance qui existe entre l’observateur lambda qui juge pour ce qu’ils sont des comportements et des propos médiocres, et un Président qui imagine que sa fonction – quasi divine à ses propres yeux – leur donne une qualité auguste qui les situe sur un plan où des notions mondaines – la médiocrité, par exemple – n’ont absolument pas cours. Le torpillage par lui de sa propre image serait alors totalement involontaire : le Président aura pensé de bonne foi accorder 61 entretiens composés d’une suite de propos augustes. Les deux journalistes, Gérard Davet et Fabrice Lhomme quant à eux, ont dû se faire 61 fois la même réflexion qu’un petit garçon de légende devant un certain empereur.
Avouer qu’il ne peut croire en une censure, est le symptôme d’un décalage de la réalité dû à une vision…