LES JUGES BRÉSILIENS NE DÉSARMENT PAS, par François Leclerc

Billet invité.

Les épisodes de la lutte contre la corruption qui oppose les autorités judiciaires aux plus hauts dignitaires de l’État se poursuivent au Brésil, à la manière d’une telenovela. À ceci près qu’il s’agit de la réalité et que cette série est sans fin, étendant même ses effets dans d’autres pays latino-américains via les entreprises brésiliennes du BTP.

Renan Calheiros, le président du Sénat, est le personnage principal de l’épisode en cours, suspendu de ses fonctions par le juge de la Cour Suprême Marco Aurélio Mello, avant que celle-ci ne revienne sur cette décision qui était « à effet immédiat », afin de désamorcer la crise institutionnelle qui menaçait de paralysie le gouvernement de Michel Temer, le président qui a constitutionnellement succédé à Dilma Rousseff, suite à sa destitution. Le président du Sénat, troisième personnage de l’État, restait toutefois exclu de la ligne de succession présidentielle, en attendant un vote de la majorité de la Cour Suprême.

Hier, un nouveau rebondissement est intervenu avec l’annonce par les procureurs de l’État en charge de l’opération « Lava jato » que des soupçons pesaient sur Renan Calheiros dans une nouvelle affaire – il est déjà sous le coup de douze procédures pénales – pour avoir reçu des pots-de-vin. Ils ne lâcheront pas l’indéboulonnable cacique de la vie politique brésilienne, sénateur depuis 1994, artisan avec Michel Temer de la chute de Dilma Rousseff. Afin de la destituer, les deux compères ont joué sur la fibre du rejet de la corruption, dont elle n’était pas accusée, et se trouvent aujourd’hui atteints par son retour de flamme.

Michel Temer pourra-t-il s’en tenir longtemps aux dénégations à propos de son implication présumée dans le scandale Petrobras ? Il nie avoir demandé à l’entreprise de BTP Odebrecht près de 3 millions de dollars pour des campagnes de membres de son parti, le PMDB, mais le PDG de cette entreprise a signé un accord de collaboration avec les autorités judiciaires qui va alimenter leurs dossiers.

Déjà, il ne bénéficie d’aucun soutien populaire. Selon un sondage publié dimanche dernier, à peine 10% des Brésiliens soutiennent sa gestion et 63% souhaitent qu’il démissionne avant la fin de l’année, afin de permettre la tenue d’élections présidentielles. Car passée cette date, sa démission intervenant dans les deux dernières années de son mandat – il accomplit celui de Dilma Rousseff – il reviendra au Parlement d’élire le prochain président en vertu de la Constitution. Dans ce cas, libre cours sera donné à la poursuite des pratiques politiques qui sont aujourd’hui sur la sellette, mais cela finira mal.

Si Michel Temer allait jusqu’au bout de son mandat, que donneraient aujourd’hui les élections présidentielles de 2018 ? Un premier sondage donne Lula vainqueur au premier tour, mais défait au second derrière Marina Silva, une ancienne députée du Parti des travailleurs qui a été ministre de l’écologie. Celle-ci est forte du soutien des églises évangélistes, ce qui additionné à sa popularité et son charisme donnerait tout le poids nécessaire à une très probable nouvelle candidature de sa part. Lors des élections de 2004 et 2014, opposée à Dilma Rousseff, son score avait déjà surpris, et elle a désormais l’avantage supplémentaire de ne jamais avoir été citée dans un scandale de corruption. Rares sont ceux qui peuvent en dire autant.

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