DONALD TRUMP, EXPRESSION ABOUTIE DE LA CRISE, par François Leclerc

Billet invité.

Les minutes de la dernière réunion de la Fed de mi-décembre font part de « l’incertitude considérable sur le calendrier, l’ampleur et la nature de toute mesure budgétaire future » du président élu, et la difficulté d’en mesurer les effets. Sa réaction n’est rien comparée au sentiment de catastrophe qui s’est emparé des très nombreux Américains se sentant désormais pris au piège.

Se jugeant lui-même « imprévisible », et en jouant, Donald Trump n’a pas attendu d’occuper la Maison Blanche pour passer à l’acte dans la continuité des thèmes de sa campagne. Le président élu sera officiellement investi le 20 janvier prochain et il donnera auparavant une conférence de presse le 11 à New York. Sans renier sa stratégie de communication basée sur des coups de gueule sur son compte Twitter.

Après avoir déjoué les pronostics en remportant l’élection présidentielle, Donald Trump a décidé de rompre avec tous les codes en intervenant à tout bout de champ sur les sujets les plus variés. Il espère ainsi répondre à l’attente de son électorat en tranchant le plus possible avec ce monde bureaucratique de Washington tant haï et en passant par dessus les médias, dont pourtant il est désormais entouré. C’est sa manière à lui de masquer que les Républicains, qui ont fait de sa dénonciation leur credo, vont pour la première fois depuis onze ans occuper le pouvoir politique fédéral dans son intégralité…

Autour de lui, aux plus hauts postes de son gouvernement et de son administration, Donald Trump a sélectionné avec soin, et non sans un art consommée de la provocation, une brochette de militaires et hommes d’affaires connus pour leurs convictions ultra-réactionnaires. D’eux, tout peut-être attendu s’ils peuvent laisser libre cours à leurs penchants, le rêve américain tournant alors au cauchemar.

Tout à la fascination réciproque qu’ils ressentent l’un pour l’autre, Donald Trump et Vladimir Poutine se voient jouer les premiers rôles dans un monde de voyous et de trafiquants, où domine la corruption et où tout se règle au rapport de force. Celui-là même dans lequel le président élu a fait son marché pour faire ses affaires et où il se sent visiblement à son aise. Raison de plus pour nier l’interférence électorale présumée de l’équipe au pouvoir en Russie, avec la publication par Wikileaks des mails piratés d’Hillary Clinton, car Donald Trump pourrait sinon devoir reconnaître à qui il doit son élection…

Inutile, dans ces conditions, de s’appesantir sur les conflits d’intérêts dans lequel lui et son équipe vont nager. Avec en prime une touche de ce népotisme dont les milieux d’affaire sont familiers – on parle alors de dynastie. Promesse a été faite de « curer le marigot » de Washington, mais c’est pour y accueillir de nouveaux crocodiles. Donald Trump envisage de confier la direction de ses affaires à trois de ses fils et à garder ses deux autres enfants, dont sa fille Ivanka, comme proches conseillers politiques. On ne voit pas comment le délit en question pourrait ne pas être constitué.

Donald Trump a annoncé que « plusieurs grandes choses » allaient intervenir dès sa prise de fonction. Il n’a pas attendu pour obtenir de l’industrie automobile des mesures symboliques de rapatriement de sa production, en attendant la dénonciation de l’accord de libre-échange nord-américain (Aléna), qui lie les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. Ce qui laisse peu de chance pour qu’intervienne la ratification par le Congrès de son équivalent asiatique, en état de mort clinique, et par la poursuite des négociations pour sa version européenne.

Sur quoi portera demain la vague prévisible de décrets présidentiels  ? Il y a l’embarras du choix entre le démantèlement d’Obamacare (la réforme de l’assurance-santé), la suppression de réglementations fiscales, énergétiques et environnementales de l’administration précédente, ainsi que la mise en oeuvre du mur séparant totalement les États-Unis du Mexique… Trois grands dossiers vont par la suite occuper le devant de la scène : la mise au point d’un plan de relance budgétaire massif prenant le relais de la politique monétaire de la Fed, le détricotage plus ou moins prononcé de la régulation financière, et la diminution de la pression fiscale pesant sur les entreprises.

Des effets combinés de ces mesures sur la croissance sont attendus, mais la Fed a déjà fait part de ses inquiétudes devant le recours massif à l’endettement qui en résultera, ainsi que devant une politique expansionniste susceptible de générer une poussée inflationniste… Pratiquant l’art du réglage fin et progressif de sa politique monétaire, elle voit arriver avec ses gros sabots une politique ne s’embarrassant pas de ses propres précautions, qui risque de rompre une stabilisation chèrement acquise de la situation.

Au plan international, un premier effet ne s’est pas fait attendre, une poussée des taux obligataires est enregistrée qui, si elle devait se poursuivre, aurait des conséquences déstabilisatrices en Europe. Par ailleurs, les grandes banques centrales ne vont plus unir leurs efforts dans le cadre d’une même politique, compliquant la tâche de chacune d’entre elle et laissant au final une plus grande latitude aux marchés. Dans le contexte de crise financière chronique que nous connaissons, c’est donner à celle-ci l’occasion de se rappeler au bon souvenir de ceux qui en prendront la responsabilité.

Par l’outrance de sa politique comme de son personnage, Donald Trump est l’expression aboutie de cette crise qui n’en finit pas, donnant à celle-ci l’occasion accrue de rebondir.

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