Trends – Tendances, Xi Jinping à Davos : « La Chine a su trouver la voie », le 26 janvier 2017

Xi Jinping, le président chinois, s’est rendu au forum de Davos. Le 17 janvier il y a fait un discours remarqué. Il n’était pas venu seul : il s’était fait accompagner du gratin du monde des affaires de son pays : MM. Jack Ma d’Alibaba (vente en ligne), Wang Jianlin de Dalian Wanda (le plus grand promoteur immobilier et la plus importante chaîne de cinémas au monde) et Zhang Yaqin de Baidu (les Google + Wikipedia chinois).

La présence à Davos d’un président chinois est une première. Une telle délégation en ce moment de l’histoire ne devrait pas surprendre étant donné le vide au sommet créé par l’annonce en fanfare par M. Trump que les États-Unis entreprendront sous sa présidence un grand repli sur eux-mêmes : protectionnisme, dénonciation de traités commerciaux existants et abandon de nouveaux projets, mise à l’écart de l’OTAN, construction d’une muraille de 3.201 kilomètres à la frontière commune avec le Mexique.

De même que M. Trump entérine – inconsciemment bien sûr – une perte de vitesse historique des États-Unis, M. Xi veut faire connaître au monde – délibérément quant à lui – l’ascension de la Chine, encore deuxième puissance économique mais déjà premier exportateur mondial. Les commentateurs ont saisi l’occasion pour baptiser M. Xi de « Timonier Global », sur le modèle du titre de « Grand Timonier » accordé autrefois à Mao Zedong.

La presse a rendu compte du discours de M. Xi essentiellement pour sa composante « occidentale ». Les références proprement chinoises ont été gommées, sans doute pas d’intention délibérée mais faute d’avoir été comprises.

Les propos de M. Xi ont ainsi été parfaitement rapportés lorsqu’il a expliqué que « La crise financière internationale […] n’est pas l’aboutissement inévitable de la globalisation économique, elle est plutôt la conséquence de la chasse au profit excessive menée par le capital financier et d’un échec profond de la régulation financière ». Ou quand il déclara – propos parfaitement clairs – « Il nous faut découvrir un équilibre entre efficacité et équité ». Ou bien encore lorsqu’il expliqua de manière très imagée : « Une attitude protectionniste, c’est comme s’enfermer délibérément dans une chambre sans éclairage. Oui, le vent et la pluie auront bien été contenus dehors, mais l’air et la lumière seront eux aussi restés à l’extérieur de cette chambre noire. Une guerre commerciale ne connaît pas de vainqueur ».

Aucun commentateur ne s’est cependant intéressé au passage suivant :

« Pour que son économie croisse, la Chine doit avoir le courage de nager dans le vaste océan du marché global. […] Oui, il nous est arrivé souvent d’être sur le point de nous noyer ; nous avons affronté des tourbillons et une mer mauvaise, mais c’est ainsi que nous avons appris à nager. »

Or tout Chinois entendant ceci se souvient d’une petite histoire où le taoïste Tchouang tseu se moquait gentiment de Confucius :

« Confucius admirait la cataracte de Lu Liang. Tombant de trente fois la hauteur d’un homme, elle produisait un torrent écumant sur une longueur de quarante lis ; ni tortue, ni caïman, ni poisson d’aucune espèce ne pouvait y nager. Soudain Confucius vit un homme qui nageait parmi les remous. Le prenant pour un désespéré qui avait voulu s’y noyer, il enjoignit à ses disciples de suivre la berge et de l’y ramener s’il passait à portée. Or à quelques centaines de pas en aval, l’homme sortit lui-même de l’eau et, ayant défait sa chevelure pour la sécher, il se mit à suivre le pied de la digue en fredonnant. Confucius l’ayant rejoint lui dit : « Quand je vous ai aperçu nageant dans ce courant, j’ai pensé que vous vouliez en finir avec la vie. Puis, en voyant l’aisance avec laquelle vous sortiez de l’eau, je me suis dit que vous étiez un esprit. Mais non, vous êtes un homme en chair et en os. Dites-moi, je vous prie, comment se jouer ainsi de l’eau. – Il n’y a pas de recette, dit l’autre. Dans mon enfance je m’appliquai ; avec le temps, la chose me devint aisée ; quand je parvins à l’âge d’homme, elle m’était devenue une seconde nature. Je me laisse aspirer par l’entonnoir du tourbillon, puis rejeter dans le remous autour. Je me contente de suivre le mouvement de l’eau sans faire moi-même aucun mouvement. Je ne peux rien dire de plus. »

Le Confucius de l’anecdote, c’est le monde sidéré au spectacle du nageur intrépide, tandis que lui, c’est la Chine ayant appris à survivre au sein des remous les plus violents, en suivant le mouvement tumultueux du monde, en y découvrant la voie, le tao.

 

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