Trump tombe le masque

Il y avait eu un moment de flottement entre lundi et la conférence de presse du Président hier à la Trump Tower : cédant apparemment aux pressions de son entourage, Trump avait fait mine avant-hier de condamner les identitaires défilant samedi à Charlottesville en Virginie et dont l’un d’entre eux avait utilisé sa Dodge comme bélier, percutant la foule des contre-manifestants, faisant une morte, Heather Heyer, et une vingtaine de blessés.

Trump allait-il véritablement trahir la confiance de son électorat fait d’identitaires, de Néo-Nazis, de membres du Ku Klux Klan et des bataillons de l’Armée sudiste en déroute ? La réponse est venue hier lors de la conférence de presse à la Trump Tower : non, l’ennemi véritable du peuple américain, selon son président, c’est l’extrême-gauche qui, après s’en être prise à la statue de Robert E. Lee, généralissime des troupes confédérées, s’en prendra bientôt à l’image de George Washington, prétextant que le premier président des États-Unis indépendants était lui aussi propriétaire d’esclaves.

Aux yeux de ceux qui pouvaient encore croire que Trump jouait le jeu de la démocratie, il tombait le masque, il se rangeait dans le camp de son père Fred, arrêté dans les rangs du Ku Klux Klan lors d’une manifestation en mai 1927.

Clipping from the Daily Star June 1, 1927

Mais l’étonnement n’était que relatif pour ceux qui avaient vainement attendu durant les journées de lundi et mardi le limogeage annoncé comme imminent du « stratège en chef » du Président : Stephen K. Bannon.

Âme damnée du Président pour ceux qui lui marquent encore quelque respect, son marionnettiste pour les moins charitables, « Steve » Bannon dispose d’une équipe autonome au sein de la Maison Blanche et ne cache pas son jeu lui puisqu’il se revendique haut et fort comme porte-parole de l’« Alt-right », la « droite alternative » ou, dit en français : l’extrême-droite. La disgrâce annoncée de Bannon n’est pas venue, ni lundi, ni mardi et, Trump ayant désormais clairement proclamé son camp, il est permis de penser qu’elle n’aura pas lieu non plus aujourd’hui mercredi : Bannon ne quittera désormais la Maison Blanche que lorsque son patron en fera autant.

On aimerait dire qu’il s’agit maintenant du Peuple contre son Préseident, mais peut-on faire confiance au Peuple alors que Trump dispose toujours en son sein de 30% d’opinions favorables ? 30%, ce n’est pas une majorité, mais c’est une minorité plus que confortable, et qui – comme on a pu le constater dans les rues de Charlottesville samedi – présente comme avantage pour son führer d’être armée jusqu’aux dents. Et quant à ces 30%, il s’agit d’un chiffre pour l’ensemble de la population, mais quelle est la proportion des milliardaires américains qui soutiennent Trump, est-ce seulement 30% ou bien davantage ?

Face à Trump, combien de divisions ? Les institutions démocratiques, les contre-pouvoirs, les 70% de la population sans armes, une partie de son entourage, y compris une partie de sa famille, qui n’attendent pas qu’on lui passe les menottes pour avoir été à la tête d’un empire financier entièrement bâti sur les sables mouvants de l’argent sale, et qui l’ont déjà laissé tomber. Voyez le tweet dimanche de sa fille Ivanka, au message sans équivoque : « Il ne devrait pas y avoir de place dans la société pour les racistes, les identitaires blancs et les Néo-Nazis ». Voyez aussi la photo du général John F. Kelly, Chef de cabinet de la Maison Blanche, durant la conférence de presse fatidique d’hier. Quand le sort de la démocratie repose sur la détermination des généraux authentiquement républicains, c’est qu’elle n’est plus qu’en toute petite forme.

John F. Kelly, the White House chief of staff, on Tuesday during Mr. Trump’s news conference at Trump Tower in Manhattan. Credit Al Drago for The New York Times
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