Trump : Giuliani aggrave involontairement les dégâts, le 5 mai 2018 – Retranscription

Retranscription de Trump : Giuliani aggrave involontairement les dégâts. Merci à Pascale Duclaud !

Bonjour, nous sommes le samedi 5 mai 2018 et je continue de vous raconter les aventures de M. Trump, que j’ai baptisé désormais l’Ennemi public n° 1 du genre humain. Pourquoi ? Parce que non seulement nous sommes sur une voie de garage et nous avançons comme un bolide vers le gouffre mais lui, il [appuie] sur l’accélérateur. Il essaye de renverser, d’annuler, toutes les mesures que nous essayons de prendre pour au moins essayer de limiter les dégâts, et voilà : il enlève tous les freins donc on va tout droit vers le gouffre.

Comme je l’ai déjà dit, je ne crois pas que ce soit un imbécile absolu : il a choisi la politique du pire ; il a choisi la politique (consciemment ou inconsciemment) du bouquet final. Ou au moins ce sont les gens comme lui, les perdants, parce que malgré ses milliards il se considère comme un perdant parce qu’il n’a pas la légitimité culturelle : il vient d’un milieu où on a fait beaucoup d’argent sale, y compris peut-être lui-même mais ça on n’en sait rien mais en tout cas cela a été le cas de son père qui a été condamné pour ça et de son grand-père qui a gagné de l’argent de l’autre côté de la légalité.

Alors, où est-ce qu’on en est ? Eh bien, j’ai essayé de faire une petite vidéo hier matin, je n’ai pas pu parce que j’étais dans un hôtel où la connexion était à ce point mauvaise qu’il aurait fallu des heures et des heures pour télécharger une petite vidéo. Et en plus, je devais me rendre à cet évènement Télérama qui avait lieu dans un lycée dans le 9ème arrondissement. Très, très beau lycée d’ailleurs, avec une belle histoire que j’essayerai de vous raconter rapidement dans les jours qui viennent avec quelques photos.

Heureusement que je n’ai pas fait cette petite vidéo hier parce que j’aurais dû dire le contraire ce matin. Heureusement que j’ai attendu un peu. Qu’est-ce qui s’était passé : mercredi dans la soirée, M. Rudolph Giuliani, ancien maire de New York, un avocat qui vient d’être recruté par M. Trump dans son équipe, se rend à Fox News qui est la chaîne de télévision extrêmement favorable aux vues de M. Trump. Et dans l’émission de ce Sean Hannity qui est véritablement, je dirais le porte-parole de M. Trump dans la société civile – ils partagent d’ailleurs le même avocat ; cela a été découvert par un tribunal de manière, comment dire, « accidentelle », et puis ça a choqué un peu de le savoir – mais de toute manière, M. Rudolph Giuliani se trouve chez M. Hannity et il arrive avec un scoop : c’est-à-dire qu’en fait, M. Trump à remboursé l’argent que son avocat M. Michael Cohen – les 130.000 dollars que M. Cohen avait dit avoir versé de sa propre initiative à Mme Stephanie Clifford connue dans le milieu du film porno sous le nom de Stormy Daniels – « en fait il s’avère » dit M.Giuliani « que cette somme a été entièrement remboursée par M. Trump lui-même : pas par le financement de sa campagne – par tranches de 35 000 dollars qui ont été payées à la fois.

Alors est-ce que M. Trump était au courant de ça, eh bien pas nécessairement parce que – voilà – son avocat a accès à son compte et puis ils s’arrangent de telle ou telle manière. Alors que M. Trump avait nié savoir quoi que ce soit sur cette affaire, en particulier dans l’encoignure de la porte de son avion présidentiel Air Force One, voilà que son avocat, son nouvel avocat dans sa nouvelle équipe, dit : « Non, l’argent a été remboursé, il n’y a pas de problèmes ». Est-ce que M. Trump était au courant nécessairement des détails ? « Non ! ». Est-ce que ça veut dire qu’il reconnaît avoir eu même une relation sexuelle avec cette madame ? « Non, non plus ». Mais de l’argent à lui a été utilisé pour rembourser son avocat.

Alors, qu’est-ce que fait M. Giuliani en disant cela ? Eh bien il dit (il ne le dit pas explicitement mais il le dit implicitement) qu’il n’y a pas eu infraction en tout cas aux principes du financement des campagnes électorales.

Bon alors, c’est comme ça que tout le monde comprend ça. On est quand même un peu choqués parce qu’il dit clairement des choses qui vont entièrement à l’encontre de ce que Trump a dit jusque-là, au point d’ailleurs que ce M. Sean Hannity est manifestement un peu choqué au moment où il entend ça dans la bouche de M. Giuliani (rires). Il le lui fait répéter : il lui demande de reformuler ce qu’il vient de dire et il le fait.

Là, on est mercredi soir. Jeudi toute la journée, tout le monde dit (tous les analystes, juristes et autres : politiciens, commentateurs de télévision, de radios, etc., et de journaux) : qu’est-ce que M. Giuliani a fait ? Eh bien il fait du « damage control » : il essaye de limiter les dégâts. Voilà !

Cette histoire de financement de campagne, ce n’est pas central à l’enquête de M. Mueller sur une collusion éventuelle avec la Russie mais c’est très gênant aussi parce qu’il pourrait y avoir condamnation. Condamnation, si j’ai bon souvenir : jusqu’à [5] ans de prison, 50 000 dollars associés au fait d’enfreindre délibérément le financement des campagnes et de le cacher. Donc tout le monde se dit : « Eh bien, M. Giuliani a fait un truc pas mal ! »

Il a raconté d’autres choses aussi : il a raconté un truc qui est un peu gênant par la suite parce qu’il a dit que M. James Comey, l’ancien patron du FBI qui avait été licencié, révoqué, par Trump, c’était quand même en rapport effectivement avec cette enquête, avec la Russie. Les commentateurs, dans la journée de jeudi expliquent tous que M. Giuliani, en essayant de limiter les dégâts, en fait a probablement donné encore davantage d’arguments aux gens qui voudraient incriminer, inculper, M. Trump. Et on interroge pas mal de professeurs de droit qui soulignent effectivement toutes les erreurs involontaires qui ont été faites par M. Giuliani, qui est pourtant un avocat… pourtant un avocat connu !

Alors, qu’est-ce qui se passe dans la journée hier ? Dans la journée hier, vendredi ? M. Trump dit : « Mon ami Rudolph Giuliani est un type sympathique. Il n’a pas encore tout à fait compris exactement ce qui s’était passé mais enfin bon, il est dans l’équipe et puis il a fait de son mieux, ce n’est pas trop gênant » etc. Alors c’est-à-dire que donc (rires), donc Trump revient sur ce qu’a dit Giuliani, probablement parce que lui, à ce moment-là, essaye (lui aussi !), de limiter les dégâts, les dégâts qu’a fait involontairement Giuliani. Et à la suite de la déclaration de Trump, il y a effectivement Giuliani qui dit « Oui mais enfin bon, vous avez bien compris, je suis nouveau dans l’équipe : il y a un peu d’interprétation de ma part de choses que je crois comprendre sur le fonctionnement de M. Trump mais je ne connais pas encore tout », etc. : il fait machine-arrière.

C’est-à-dire que depuis trois jours, depuis mercredi soir dans l’émission sur Fox News, dans les déclarations de [jeudi] et surtout dans celles de [vendredi] parce que le [jeudi] c’est surtout des analyses par des commentateurs, juristes, etc. qui montrent qu’en fait Giuliani a peut-être fait pire que ce qu’il croyait (il croyait limiter les dégâts) : il a peut-être encore accru les dégâts. Et puis dans la journée d’hier : Trump d’un côté, Giuliani de l’autre, qui essayent de détricoter ce qui s’est passé mercredi.

Il y a d’autres éléments : il semble que Giuliani n’a absolument pas (et en fait il l’a reconnu), il n’a absolument pas coordonné son intention de faire ces déclarations qu’il a faites devant la télé mercredi soir. Il n’a absolument pas coordonné ça avec les autres avocats de Trump, ni même avec la pauvre Mme Sarah Huckabee Sanders qui est la porte-parole officielle de Trump et qui s’était déjà vraiment faite étriller, et de propre manière, par la comique… la…comment on appelle ça ? la « chansonnière » Michelle Wolf, lors de la petite fête qui avait eu lieu, la petite fête annuelle des correspondants de presse à la Maison-Blanche. La pauvre Mme Sarah Huckabee Sanders se retrouve une fois de plus en position de faire des déclarations et que le lendemain, cinq minutes plus tard, trois minutes plus tard, M. Trump dise exactement le contraire. Elle n’est absolument pas « in the loop » : elle n’est pas du tout apparemment mise au courant par tous les gens qui prennent des décisions en sens divers et assez désordonnés autour de M. Trump. On parle ce matin de… enfin, il y a pas mal de gens qui lui conseillent gentiment qu’il vaudrait mieux peut-être qu’elle donne sa démission avant d’être entièrement discréditée.

Il y a un autre problème, un autre problème assez sérieux : c’est que M. Trump vient de recruter (enfin, la chose n’est pas encore tout à fait… je crois que toutes les signatures ne sont pas sur tous les papiers) mais il a demandé à M. Emmet Flood de rejoindre son équipe. Alors M. Emmet Flood, c’est une personne qui a défendu Clinton à l’époque où – pas Hillary Clinton : Bill, William Clinton – à l’époque où il était président des Etats Unis et où lui aussi était sous… il y avait une enquête du même type que celle sur Trump mais là c’était à propos d’affaires qu’il avait faites dans l’état d’Arkansas, Arkansas dont il était le [gouverneur]. Et donc ce M. Emmet Flood, on considère, tout le monde considère qu’il a fait un excellent job à essayer de défendre M. Clinton. M. Clinton finalement a été « impeached », depuis… bon, là, la décision a été renversée par le [Sénat]. Mais donc, ce M. Emmet Flood qui est donc un juriste extrêmement apprécié, considéré comme – voilà – un vrai professionnel, lui non plus n’a pas été mis au [courant]… n’a pas eu accès à l’info de M. Giuliani, à son initiative, etc.

Alors tout ça fait très désordre. Qu’est-ce que les commentateurs disent : eh bien ils parlent de « climat de panique », c’est-à-dire que chacun essaye de faire ce qu’il peut pour aider et se retrouve, pour ceux qui sont encore proches de Trump, chacun prend des initiatives de son côté mais cela va dans tous les sens et en fait dans des tentatives de limitation des dégâts on ne fait encore qu’augmenter les dégâts. Et là aussi, les commentateurs disent : « M. Emmet Flood, réfléchissez à deux fois avant de vous retrouver avec un client qui n’est pas comme M. Clinton, c’est-à-dire quelqu’un qui écoute ce qu’on lui dit et qui suit les instructions de ce qu’on lui recommande, de M. Trump qui est un « loose cannon », un électron libre, qui est de prendre toutes les décisions qu’il veut sans plus consulter personne. Tout le monde sait que dans son cabinet, il n’y a pratiquement plus personne, enfin je dirais « qui aurait une connaissance quelconque sur un sujet quelconque » (rires) et qui prend ses décisions – voilà – comme ça lui vient, de manière impulsive, intuitive, parce qu’il est convaincu que son intuition le conduira à la victoire.

Même chose pour ce qui est des élections qui vont avoir lieu en novembre : les « midterms » qui renouvellent une partie du Sénat et [le] Congrès, [le] Parlement. Là, au lieu d’essayer de soutenir au moins tous les candidats Républicains parce qu’ils auront déjà du mal a retrouver tous leur poste – parce que c’est une constante dans ces « midterm elections » que tout le monde est toujours un peu déçu par le Président et qu’on vote toujours un petit peu contre son parti – mais là M. Trump fait encore autre chose : il essaye de trier parmi les Républicains ceux qui sont selon lui ses amis et pas ses amis et là, il essaye de… voilà… il va torpiller, lui, un certain nombre de personnes dont il considère qu’ils ne sont pas loyaux à son égard, que ce ne sont pas des béni-oui-oui vis-à-vis de lui et donc là, on considère qu’il va encore faire tomber quelques têtes involontairement en essayant de faire le tri dans les Républicains, entre les Républicains populistes qui sont sa base et les Républicains de « l’establishment », les Républicains du – comment dire – des zélites, de la – comment dire – de la politique traditionnelle aux États-Unis.

Tout le monde lui dit : « C’est très dangereux parce que vous avez besoin d’une majorité au Congrès et au Sénat ! Parce que sans cela, s’il y a une majorité de type Démocrate, elle n’hésitera pas une demi-seconde à lancer une procédure d’« impeachment », de révocation de vous, alors faites très très attention ».

Alors l’opinion donc, c’est : « Est-ce que M. Trump tombera avant novembre ? Ou est-ce qu’il tombera en novembre ? Ou encore, troisième hypothèse parce qu’on est tout à fait dans [l’inédit], tout à fait dans l’inattendu, dans le non vu, dans les choses qu’on a jamais rencontrées qu’il passerait avec les élections de novembre, et qui sait ! qu’il pourrait se représenter pour un deuxième mandat ! Euh, je ne crois pas que les « bookies », que les « bootleggers », pardon ! (rires) que les gens qui prennent les paris [les bookmakers], les paris pour les clients, encaissent les paris et déterminent les « odds » – comment dire – les chances de gain, je ne crois pas qu’ils donnent beaucoup de chances à M. Trump de survivre à toutes ces épreuves jusqu’à la fin.

Une chose est sûre en tout cas, quoi qu’il arrive, si le but de M. Trump est qu’on se souvienne de lui, alors là, oui ! L’histoire du XXIème siècle, alors qu’il ne vient que de commencer, aux États-Unis en particulier et dans le monde en général on se souviendra de M. Trump ! Quand on le critique, eh bien, il double la mise. Il avait déjà demandé l’autre jour que les Chinois diminuent de cent milliards [de dollars] leurs importations aux États-Unis. Et comme les Chinois ont un tout petit peu [froncé] les sourcils, il a doublé la mise : c’est passé à deux cents milliards. J’ai fait un article là-dessus qui paraît dans Le Monde, c’est lundi, après-demain, en France, et dans l’Écho en Belgique. Alors voilà ! M. Trump, c’est quelqu’un comme ça : de toute manière, on se souviendra de lui.

Ah oui ! Il y a aussi… il « exige » aussi de la Chine qu’elle ne subventionne absolument pas ses nouvelles technologies et en particulier celles (rires) qui sont consacrées aux nouvelles énergies et aux énergies naturelles renouvelables. Voilà ! Voilà la personne dont il est important que nous tous, chacun à sa manière, essayons de faire tomber au moins cet ahuri. Ce n’est pas un imbécile ! Il n’est pas fou ! C’est un type, simplement…  il est dangereux ! Ce n’est pas un fou-dangereux, c’est un fou machiavélique et sadique et tout ce que vous voulez. On ne peut pas le mettre à l’hôpital psychiatrique parce qu’il n’est pas… ce n’est pas un cas de psychose, mais c’est un type extrêmement dangereux néanmoins.

Voilà ! Allez ! Passez un bon week-end !

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