Le Monde : Quand Donald Trump combat « l’injustice »
L’Écho : Les combats sélectifs du Président Trump contre l’injustice
Polonius, vieux conseiller et père d’Ophélie, ayant écouté Hamlet, pense à part : « Il s’agit sans doute de folie, mais il y a en elle de la méthode ». Les agissements et les propos de Donald Trump nous font revenir en mémoire ces lignes de Shakespeare.
Quant à la méthode, on la découvre dans l’évocation constante par le président américain de l’« unfairness », c’est-à-dire, de l’injustice en général, et plus particulièrement du manque de « fair-play ».
Le 27 avril, lors de la visite à Washington de la chancelière Merkel, M. Trump a insisté sur le fait que les relations commerciales entre l’Europe et les États-Unis étaient « injustes » parce que déséquilibrées. « Il nous faut une relation réciproque, et nous ne l’avons pas », a-t-il déclaré. « Nous en avons longuement débattu aujourd’hui, la chancelière et moi, et nous travaillons là-dessus. Nous voulons la rendre plus juste et la chancelière veut la rendre plus juste ».
Une relation « juste » est la condition de la réciprocité et le combat de Donald Trump est selon lui d’éradiquer « l’injustice ».
Il y revient souvent. Alors qu’un journaliste l’interrogeait sur la violence avec laquelle il s’en était pris à un juge au nom à consonance hispanique, le président des Etats-Unis s’était défendu : « J’ai été traité très injustement par ce juge. Or il se fait qu’il est d’ascendance mexicaine. Et je construis un mur [entre les États-Unis et le Mexique], vous avez compris ? Je construis un mur ! ».
En une autre occasion, il caractérisait ainsi son combat : « Je ne pense pas que j’insulte les gens. Je vais droit aux faits et je n’ai pas le sentiment d’insulter les gens. Évidemment, si je suis insulté, je contre-attaque, ou si quelque chose est injuste, je contre-attaque. »
Une relation déséquilibrée – alors que les plateaux de la balance que brandit la Justice devraient être équilibrés – voilà donc ce qui ferait sortir Donald Trump de ses gonds, qui s’emporte alors d’une sainte colère.
Et c’est ce qui expliquerait pourquoi, lorsqu’Emmanuel Macron a rappelé dans son allocution du 25 avril devant le Congrès : « Ce sont les États-Unis qui ont inventé le multilatéralisme, c’est vous qui devez aider à le préserver et à le réinventer », ces paroles sont tombées dans l’oreille d’un sourd. Car le président américain ne se sent nullement lié par les engagements de ses prédécesseurs. Bien au contraire : ceux-ci ont été les artisans des nombreuses injustices qu’il a à cœur de réparer. L’accord sur le nucléaire iranien en particulier. Et quand le président français a dit, à propos de l’Organisation mondiale du commerce : « Nous avons écrit ces règles, nous devons les suivre », son hôte a haussé les épaules, puisqu’il s’agissait pour lui d’un marché de dupes.
Le comble de l’absence de fair-play, c’est bien entendu la Chine qui l’incarne aux yeux du président américain. « Voyez le déficit de la balance commerciale entre les États-Unis et la Chine, dit-il : 375 milliards de dollars chaque année ! C’est trop injuste ! Réduisons ce scandale de 200 milliards ! ».
La somme est considérable, admettent les Chinois, mais à qui la faute ? Les salariés chinois épargnent 40 % de leurs revenus et il faut bien placer cet argent là quelque part ! En achetant par exemple des usines, des firmes de haute technologie et des Bons du Trésor américains. Les classes moyennes américaines, en revanche, sont aux abois… A qui la faute si la moitié la moins riche des concitoyens de M. Trump se partagent 1,1 % du patrimoine national, tandis que les 40 % les moins riches n’ont rien car les dettes des plus pauvres annulent les médiocres avoirs des autres [chiffres officiels pour 2017] ? Pourquoi s’en prendre aux Chinois ?
Ce genre là d’injustice, nul ne l’ignore, retient bien moins l’attention du Président Trump, lui qui, avec sa récente reforme fiscale, vient encore de donner à la concentration de la richesse, un grand coup d’accélérateur. Comme si, dans une économie mondiale grippée par de telles disparités, il restait encore la moindre marge pour les aggraver encore.
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