Saint Paul, pôle politique
Lorsque saint Paul est tombé de son cheval, il n’est manifestement pas tombé sur la tête. Bruegel a beau relativiser sa chute, en la rendant à peine visible dans son tableau, l’accident étant à peine discernable dans la foule qui l’entoure (c’est tout le relativisme bruegélien qui est à l’oeuvre, comme dans la représentation d’une autre chute célèbre, où l’on ne voit qu’un mollet pas encore englouti dans les flots de ce pauvre Icare, tandis que les laboureurs s’obstinent à remuer la terre), on peut même dire qu’il a eu l’illumination de sa vie, qui en fut par ailleurs prodigue, Paul de Tarse étant un des plus grands esprits que la Terre ait portés.
Si l’on en doutait encore, que l’on soit chrétien ou non, un autre Paul nous en ferait souvenir. Il s’agit de Paul Jorion, autre esprit des plus éclairés, né dans nos contrées (ce qui n’a strictement aucune importance sinon anecdotique), qui, ces derniers temps, n’arrête pas de nous prodiguer des livres des plus éclairants. Sa méthode ? Tout simplement l’intelligence pure, libérée des conformismes les plus divers, qu’ils soient académiques, universitaires, idéologiques, toutes méthodes de surveillance de la pensée qui prennent bien soin de mettre les idées en alignement » correct « .
» Boîte à outils » : c’est ainsi que Jorion désigne son équipement intellectuel. Lorsqu’il s’agit d’éviter l’inéluctable, peu importe l’instrument dont on se sert, puisqu’il faut parer au plus pressé. Aussi, se moquant de ce qui est plus ou moins bien porté dans la sphère pensante, notre homme va-t-il puiser dans les Ecritures. Pourquoi pas, après tout ? A une époque où l’on se gave du Tao d’un côté, où l’on s’abreuve du Coran à s’en vider le cerveau de l’autre, n’y aurait-il plus rien à glaner dans la Bible ? D’autant que plutôt que d’un livre, il s’agit d’une bibliothèque où il y a à boire et à manger, puisqu’elle n’est pas l’oeuvre d’un auteur, mais d’une kyrielle d’esprits souvent des plus éclairés, voire des plus audacieux.
Parmi eux, il y a ce fameux Paul de Tarse, qui, d’ailleurs, en tant que Juif, s’appelle aussi Saul, et a cette particularité de n’être pas un des douze apôtres, d’être citoyen romain, et pharisien au surplus, à savoir pas vraiment adepte au départ de Jésus de Nazareth. Aujourd’hui qu’une partie du sort du monde se joue en Palestine, il est peut-être bienvenu de se documenter sur ceux qui ont fait de cette terre plus disputée que jamais un berceau majeur de notre civilisation.
Parmi les apports de la pensée qui s’est élaborée là, notre contemporain, armé d’un discernement dont l’éloge n’est plus à faire, se penche sur la parabole des talents, dont il nous démontre qu’elle n’est pas une leçon de sagesse, mais une injonction capitaliste dont le Livre des livres propose plutôt la condamnation que la célébration. Il développe par ailleurs le concept de » réciprocité positive « , celle qui enjoint de tendre l’autre joue, manière paradoxale qui semble n’être plus de mise chez les maître du monde, à commencer par le duc de Washington.
En soulignant ces deux points, on n’a pas épuisé, loin de là, ce que contient Défense et illustration du genre humain par Paul Jorion (Fayard, 284 p.), on a seulement signalé que voilà un accélérateur de pensée des plus grisants.
L’IA et nous. Pour nous en sortir, dans notre société, l’IA va-t-elle aider les travailleurs à continuer à travailler, les…