« Mes vacances à Morro Bay » : à lire d’une seule traite, par Arkao

La première impression que l’on ressent physiquement en tenant entre ses mains l’objet livre « Mes vacances à Morro Bay » est la légèreté de l’ouvrage, contrastant avec les essais denses auxquels l’auteur nous avait habitués. Légèreté de bonne augure puisque l’on nous annonce par le titre et la quatrième de couverture ce dont il s’agit.

Un récit de vacances de six cents pages, franchement, qui aurait envie de s’y plonger. À lire donc d’une seule traite, comme un Teulé, ce qui nécessite préparation en veillant à débrancher le téléphone, à éloigner famille et marmaille.

Dès les premières lignes on comprend, par la crudité du vocabulaire, qu’il s’agit d’une autre facette de Paul Jorion, éloignée de l’image académique de l’intellectuel en cravate allant de colloques en symposiums.

On dit des gens qui au cours de conversations passent rapidement d’un sujet à l’autre, qu’ils sautent du coq à l’âne ou qu’ils se perdent en digressions. Presque pas une page du livre où l’auteur ne nous emmène ailleurs que ce qu’on croit être le cœur du récit. C’est pour cela qu’il faut le lire sans s’arrêter. Car sous cette apparence de digression constante, brouillonne diraient certains esprits chagrins, il y a un fil à percevoir. Ou plutôt de nombreux fils.

Paul Jorion nous raconte ces petits riens de la vie quotidienne qui font revenir en surface des situations similaires que l’on a vécues soi-même et qui se trouvaient enfouies au plus profond de notre mémoire. Une rencontre fortuite, extraordinaire de coïncidence, un sourire, un regard, une main effleurée il y a trente ans déjà mais dont la sensation est tellement ancrée que l’on en tremble encore à son simple souvenir. Et puisqu’il est question de Baudelaire dans ce livre, comment ne pas évoquer son magnifique poème « À une passante » :

Un éclair… puis la nuit ! – Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?
Ailleurs, bien loin d’ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !

De petits riens en petits riens, de souvenirs en souvenirs, Paul Jorion déroule les fils d’Ariane de nos vies, au pluriel car il serait présomptueux de penser qu’il n’y en a qu’un de fil ou qu’une de direction. Comme à son habitude, il nous parle de choses essentielles et graves. Ici sur le ton d’une légèreté dont on ne saurait dire si elle est sincère ou s’il s’agit d’un cadeau qu’il nous fait, d’un remède pour ne pas désespérer de la vie. Jusqu’à la dernière ligne de la dernière page on pourrait croire que le fil serait entièrement déroulé, d’un point A à un point B. Ce serait sans compter sur la malice de l’auteur qui nous laisse entrevoir la naissance d’autres fils d’autres pelotes qui ne demandent qu’à être dévidées.

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