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Cette mobilisation massive pour sauver le climat, l’environnement et donc l’espèce humaine ne s’est toujours pas déclenchée. Il existe quelques foyers de conscience mais ce n’est toujours pas à l’image du déclic qu’a représenté pour les Américains l’attaque de Pearl Harbor en décembre 1941. Au début de la Seconde Guerre mondiale, l’opinion publique américaine était divisée sur l’idée de s’engager ou non dans la lutte contre le nazisme. Le président Franklin D. Roosevelt, était particulièrement préoccupé par le sentiment d’opposition à la guerre des importantes communautés d’origine allemande et italienne aux États-Unis. Cette attaque a fait basculer l’opinion américaine.
L’économiste américain Lester Brown utilise ce parallèle historique pour décrire nos attitudes actuelles face au dérèglement climatique : « bien que nous ayons l’impression que nous n’arriverons jamais à faire face au changement climatique, nos sociétés sont capables en réalité de mobilisations extrêmement puissantes une fois qu’elles ont décidé de prendre un problème à bras-le-corps », note Guillaume Duval (2019). Pour lui, l’été 2019, avec notamment une fonte des glaces exceptionnelle au Groenland et les incendies géants en Sibérie et en Amazonie, aurait pu être ce déclencheur dans l’opinion mondiale. Mais il n’a pas eu lieu : cela doit-il nous faire sombrer dans le pessimisme ? Non !
De nombreux indices semblent montrer que nous sommes très proches de ce moment Pearl Harbor pour le climat dans l’opinion publique. L’environnement est aujourd’hui un sujet au centre des préoccupations des populations à tous les niveaux, notamment en France. Selon l’édition 2019 de l’enquête « Fractures françaises » réalisée par Ipsoso Sopra-Steria, « au cours des deux dernières, l’environnement, qui n’avait jamais été la principale préoccupation des Français, a progressé de manière quasi continue pour s’installer à la première place ». En termes de revenus, « l’environnement n’est plus la préoccupation des gens aisés mais de tout le monde » : 55% de ceux qui se considèrent comme appartenant aux milieux populaires citent l’environnement comme priorité, juste devant le pouvoir d’achat (54%). C’est autant que ceux qui se considèrent comme appartenant aux classes moyennes (53%). Pour ce qui est de l’âge, si l’environnement est une priorité chez les jeunes elle est « désormais la deuxième priorité des plus de 60 ans, avec 49% de citations, juste derrière l’avenir du système social ».
Le moment Pearl Harbor est tout proche. Jean-René Bernard, dans son ouvrage de 1953, rappelait deux conditions pour qu’une économie de guerre soit une réussite. Il fallait tout d’abord qu’existe dans la population le sentiment de nécessité. Or, l’idée que nous sommes au pied du mur et qu’il faille agir massivement est assez répandue. Selon un sondage réalisé par Viavoice pour Libération en septembre dernier, 85 % des Français considèrent le dérèglement climatique comme « une réalité », et 77 % d’entre eux affirment que cela les « préoccupe au quotidien ». Les français seraient 80 % à penser que le dérèglement climatique « provoquera des catastrophes » et même 68 % à estimer qu’il « menace à terme la survie de l’espèce humaine ». Durant la Seconde Guerre mondiale, le sentiment de nécessité avait été provoqué par les pénuries, le marché ne pouvant plus garantir la distribution des ressources. Aujourd’hui, il pourrait se déclencher avec la conscience des cataclysmes à venir.
Deuxièmement, selon Jean-René Bernard, il est nécessaire qu’existe un véritable esprit civique et de coopération pour que l’effort de guerre soit un succès. Là encore, des chiffres dans ce sens sont encourageants. Dans le même sondage, 61 % des sondés aspirent à un rôle « beaucoup plus autoritaire » de l’État, imposant des « règles contraignantes ». Cette volonté d’autorité étatique est majoritaire, que ce soit chez les sympathisants de gauche (71%) ou les sympathisants de droite (54%).
Notre société est certainement plus psychologiquement prête qu’on ne le croit pour une telle transformation en profondeur. Aussi, ne tardons plus, mobilisons-nous dans cet effort de guerre contre le dérèglement climatique et la perte de la biodiversité, condition de la survie de l’espèce !
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