Hémorragie sur le marché obligataire

Les obligations se vendent à la pelle, non pas parce qu’elles ne sont pas une denrée précieuse, qu’il serait judicieux de conserver, mais simplement parce qu’un grand nombre de leurs détenteurs ne peuvent faire autrement que vendre. Ils vendent donc « à la casse », dans l’urgence, un produit « liquide » = trouvant facilement preneur à condition que le prix soit attractif.

Pourquoi ont-ils besoin d’argent liquide (l’argent proprement dit est « liquide » : chacun l’accepte en remboursement d’une dette) ? Parce qu’ils doivent s’acquitter de créances que l’effondrement des marchés boursiers leur a causées, ou parce qu’ils doivent répondre à des « appels de marge » : des appels à gonfler les réserves qu’ils ont constituées sur des opérations à terme, ou des options qu’ils ont prises, dont le coût augmente parce qu’il reflète le risque couru (le fameux « margin call » qui a donné son nom à un remarquable film combinant divers épisodes de la chute de Lehman Brothers et des tribulations de Goldman Sachs).

L’afflux des obligations mises en vente bouscule le rapport de force entre acheteurs et vendeurs, et leur prix baisse parce que les acheteurs peuvent se montrer regardants et exigeants. Le taux d’intérêt de la dette pour chaque échéance particulière grimpe en conséquence, par le mécanisme suivant : comme les obligations en vente sont nombreuses, un État qui veut emprunter « émet » donc de la dette qui se trouve en ce moment soumise à une forte concurrence sur le marché obligataire et cet État n’aura pas d’autre choix pour les rendre attractives, qu’attacher à ses obligations un « coupon » (taux d’intérêt) plus élevé que celui des obligations déjà émises.

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4 réponses à “Hémorragie sur le marché obligataire

  1. Avatar de Patrick Rimond
    Patrick Rimond

    Et les centaines de milliards promis par les gouvernement vont couter d’autant plus cher !

  2. Avatar de TRILLO Didier
    TRILLO Didier

    Le risque systémique que vous avez très longtemps évoqué n’est-il pas de retour ? (mais avait-il réellement disparu).
    Il ne vient pas d’où on aurait pu le penser ! Dans une crise financière les états réagissent et soutiennent l’économie. Aujourd’hui l’état enfin nos impôts doivent soutenir les entreprises mais aussi les particuliers alors que la production de richesse a été mis a l’arrêt pour endiguer cette crise sanitaire. Comment fait-on ?

    1. Avatar de timiota
      timiota

      Est-ce que 3% du capital immobilier ne suffit pas « in vitro » aux subsistances de tout le monde ?

      En gros, la fortune privée représente qqs années de PIB, disons 10 (rendement à 5% cf Piketty au XIXème siècle donnerait 20 ans, mais c’est « grévé » par le travail), et la subsistance pour la population pour 3 mois, c’est max 10% du PIB (le « nourri logé blanchi », avec entretien eau, énergie, agro-alimentaires, santé de base, rien de plus). Donc sur le papier, ces 10% sur 3 mois à « bridger » sont 2,5% du PIB. Donc moins de 1% de la fortune immobilière.
      Compte tenu de dégâts et nombreuses imperfections dans ce transfert, je colle un facteur 4 ou 5, et mon estimation au doigt très mouillé donne les 3%.
      Si ce n’est pas cela, c’est qu’il y a beaucoup de nonlinéarité, de chaines éco-financières détruites, etc., de plans sur le futurs remis en cause (ne serait-ce que les vacances d’été que les systèmes éducatifs vont raccourcir d’un mois sans doute).

  3. Avatar de Lagarde Georges
    Lagarde Georges

    Coronavirus : Bruno Le Maire n’exclut pas des nationalisations – Le ministre français de l’économie et des finances est prêt à voler au secours des grandes entreprises du CAC 40 malmenées en Bourse. – lemonde.fr ce 18 mars

    J’ai peut-être mauvais esprit (ou au contraire le pressentiment que c’est pas   forcément aussi simple que ça) mais ne s’agirait-il pas d’indemniser les actionnaires avant de reprivatiser les mêmes entreprises au cas où la conjoncture se redresserait?

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