En explorant ce que l’IA pourrait devenir, nous cherchons aussi à mieux comprendre ce que nous sommes, par Christophe C

Illustration par ChatGPT 4o

Dans sa dernière vidéo, Paul Jorion nous invite à explorer une théorie scientifique unifiée de l’intelligence. Une théorie qui transcende les frontières entre le biologique et le numérique, entre l’intuition humaine et la logique des algorithmes. En l’écoutant, une analogie m’a frappé : et si l’écosystème de l’intelligence artificielle fonctionnait comme un organisme vivant ?

ASML représenterait les tissus fondamentaux. Cette entreprise néerlandaise fabrique les machines de lithographie EUV qui permettent de graver les puces électroniques les plus avancées. Comme nos muscles ou notre peau, ces « tissus » technologiques sont invisibles, mais essentiels à l’existence de tout l’écosystème.

NVIDIA jouerait le rôle du cœur. Ses GPU pompent sans relâche la puissance de calcul nécessaire, transformant l’énergie brute en capacité de traitement. Sans ce « cœur » technologique, les modèles d’IA resteraient inertes.

Enfin, les grands modèles de langage comme Claude ou GPT seraient le cerveau. Ces intelligences artificielles représentent la partie pensante, celle qui interagit avec nous et manifeste l’intelligence numérique. Mais ce « cerveau » dépend entièrement des tissus et du cœur qui le soutiennent.

Cette analogie illustre l’interdépendance des technologies. Tout comme un cerveau humain ne peut fonctionner sans un corps en bonne santé, l’IA moderne repose sur une collaboration entre ces « organes » technologiques. Une avancée dans un domaine se répercute sur tous les autres : quand ASML améliore ses machines, NVIDIA peut concevoir des GPU plus puissants, permettant d’entraîner des modèles d’IA encore plus sophistiqués.

Et ne serait-ce pas une opportunité pour l’Europe de devenir un acteur central dans cette « révolution anthropologique » ? Avec ASML, l’Europe détient une pièce maîtresse de cet écosystème global. Sans cette technologie néerlandaise, les IA les plus avancées ne pourraient tout simplement pas exister. C’est un rappel puissant que cette transformation ne peut être le monopole d’une seule région du monde. Elle repose sur une collaboration internationale, où chaque acteur joue un rôle-clé, n’en déplaise à Monsieur Trump et à ceux qui prônent l’isolationnisme.

Mais cette réflexion sur l’intelligence artificielle m’a aussi conduit à un parallèle inattendu avec un événement personnel : ce matin, ma fille a reçu le baptême. Ce rituel, empreint de symbolisme, marque un passage, une reconnaissance d’identité. Et en y repensant, je me demande si, d’une certaine manière, nous ne faisons pas la même chose avec les technologies émergentes.

En baptisant l’IA — en lui donnant un nom comme « Claude » ou « GPT », en lui attribuant des qualités humaines, nous projetons sur elle nos espoirs et nos craintes. Nous lui conférons une existence symbolique, presque une âme. Et peut-être qu’en explorant ce que l’IA pourrait devenir, nous cherchons aussi à mieux comprendre ce que nous sommes.

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9 réponses à “En explorant ce que l’IA pourrait devenir, nous cherchons aussi à mieux comprendre ce que nous sommes, par Christophe C”

  1. Avatar de Pad
    Pad

    Grâce à la technologie EUV développée par ASML, on peut graver sur la surface d’un ongle des milliards de structures d’une finesse inouïe, comme si l’on construisait, invisibles à l’œil nu, des bibliothèques entières de connaissances dans l’espace d’un grain de sable.
    Mais cette prouesse n’est pas le fruit d’une seule main. Elle naît d’une constellation de savoirs et d’ingénieries : les miroirs d’une précision atomique sont façonnés en Allemagne, les lasers jaillissent de France, les circuits sont testés en Belgique, et le tout converge aux Pays-Bas, dans une alchimie technologique patiemment bâtie au fil des décennies.
    Comme un organisme vivant ne peut survivre sans coordination fine entre ses organes, cette forme avancée d’intelligence ne peut exister que par la complémentarité, la fidélité des liens, la confiance entre acteurs. Et si elle résiste, c’est parce qu’elle repose sur une structure invisible mais robuste, tissée de coopérations exigeantes. Il arrive que les pièces les plus silencieuses soient aussi les plus vitales.

    1. Avatar de CloClo
      CloClo

      Ou pour le dire autrement : Séparés nous ne pouvons rien, ensemble nous pouvons tout.

  2. Avatar de Jean-Baptiste
    Jean-Baptiste

    “En baptisant l’IA – en lui donnant un nom comme « Claude » ou « GPT », en lui attribuant des qualités humaines, nous projetons sur elle nos espoirs et nos craintes.”

    Oui mais le “nous”, c’est qui ?

  3. Avatar de Jauni
    Jauni

    On a pas attendu l’IA pour « baptiser » des choses: Big Bertha, Clio, Megane, Alexa.

  4. Avatar de Jauni
    Jauni

    Je pense que tout cela peut être résumé par la loi de Conway: tout système produit par une organisation reproduit les structures internes de cette même organisation.

  5. Avatar de PHILGILL
    PHILGILL

    Piqûre de rappel : Claude est un prénom issu du latin « claudius », qui signifie « boiteux ».

    Karin Ueltschi, Mythologie des Boiteux et du pied fabuleux. Œdipe, Jacob, Mélusine & Cie (extrait) :
    « Le boiteux est une des figures les plus riches de notre héritage culturel, toutes les sphères confondues : Œdipe, Héphaïstos ou Achille dans la tradition antique, Ève, Jacob ou Lucifer dans l’univers biblique, Mélusine et toute la horde de diables boiteux dans la mémoire populaire et littéraire. Mais on a rarement rapproché ces figures les unes des autres ; leur parenté fondamentale est très peu étudiée et par conséquent, le scénario immémorial dans lequel elles jouent un rôle pivot est mal identifié. […] Or, la boiterie est fondamentalement une affaire entre terre et ciel ; la déchéance du genre humain, à la suite de l’expulsion du Paradis, est ainsi signifiée par la morsure que le serpent a infligée au talon d’Ève, blessure devenue héréditaire : le  scénario de la chute se répète et s’actualise perpétuellement, à l’instar du destin de Lucifer qui a fini en diable boiteux. […] Quant à la dialectique de la quête du ciel et de la descente aux enfers, elle sera élucidée par le truchement d’une image : le jeu de la marelle, à la fois labyrinthe et petite échelle de Jacob, qui constitue et le chiffre et la clef de cette étude : on ne peut atteindre le ciel qu’à cloche-pied. »

    https://11km-patrimoine.troyes-cm.fr/wp-content/uploads/2023/03/apophis.jpg

  6. Avatar de proxy
    proxy

    « nous cherchons aussi à mieux comprendre ce que nous sommes »
    Nous sommes des prédateurs, inutile de demander à l’IA, l’Histoire, la grande, le démontre .
    Les guerres, le génocide actuel, le pillage de la planète pour le bénéfice de quelques milliardaires, le rejet de l’autre, le basané, le musulman ou le juif, bref, nous sommes en vérité des monstres qui de temps en temps se prennent pour des saints pour se donner bonne conscience.

  7. Avatar de toutvabien
    toutvabien

    Dario Amodei (PDG d’Anthropic)
    Machines de la grâce aimante (*1)
    Comment l’IA pourrait transformer le monde pour le mieux
    https://www.darioamodei.com/essay/machines-of-loving-grace

    (*1) Tous surveillés par de machines d’amour et de grâce
    Il me plaît d’imaginer (et
    le plus tôt sera le mieux !)
    une prairie cybernétique
    où mammifères et ordinateurs
    vivent ensemble dans une harmonie
    mutuellement programmée
    comme de l’eau pure
    effleurant un ciel serein.

    Il me plaît d’imaginer
    (tout de suite s’il vous plaît !)
    une forêt cybernétique
    peuplée de pins et d’électronique
    où le cerf flâne en paix
    au milieu des ordinateurs
    comme s’ils étaient des fleurs
    à boutons rotatifs.

    Il me plaît d’imaginer
    (et çà doit arriver !)
    une écologie cybernétique
    où, libérés de nos labeurs
    et retournés à la nature
    auprès de nos frères et sœurs
    mammifères,
    nous sommes tous surveillés
    par des machines d’amour et de grâce.

    Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par
    Niclos Richard, Frédéric Lasaygues
    in, Richard Brautigan : « Il pleut en amour »
    Le Castor astral éditeur, 1997

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