Trump, Xi Jinping et l’équilibre des forces en IA

Une entreprise commune : PJ + OpenAI + Google

Le podcast NotebookLM (beaucoup plus détaillé) :

Trump, Xi et le nouveau rapport de force en matière d’intelligence artificielle

Les États-Unis conservent une avance sur de nombreux plans (notamment la puissance de calcul, les entreprises de pointe, les talents et l’écosystème), mais la Chine rattrape rapidement son retard et déplace le terrain de la compétition vers le déploiement, les écosystèmes et la définition des standards plutôt que vers la seule nouveauté algorithmique.


Ce que montrent les faits

  • Matériel et infrastructures : Les États-Unis gardent une avance nette dans les domaines des puces avancées, des centres de données et de l’entraînement des modèles de très grande taille. Une étude récente note que les États-Unis et la Chine visent la domination dans l’IA, mais que la Chine conserve encore un retard important sur le plan du matériel et des technologies à double usage.

  • Autres dimensions : Sur la production de recherche, les modèles, le déploiement des écosystèmes et l’accès à de vastes ensembles de données domestiques, la Chine progresse à grande vitesse. Un article affirme : « Les récents progrès des entreprises chinoises en IA réduisent rapidement l’écart de performance avec les États-Unis ».

  • Cadre stratégique : Les deux puissances voient désormais l’IA non seulement comme une frontière technologique, mais aussi comme un champ de puissance économique, militaire et normative (standards, gouvernance, usages mondiaux)

  • Autonomie technologique : La Chine mise sur l’autosuffisance (semi-conducteurs, puces) et exporte son modèle, créant des dépendances.

  • Gouvernance et influence mondiale : La Chine se présente comme un « faiseur de normes » proposant l’IA comme bien public international, notamment auprès du Sud global, remettant en question le modèle américano-centré fondé sur l’innovation ouverte et les normes libérales.


Cartographier le rapport de force

  • Innovation technique : Les États-Unis conservent l’avantage dans les percées de pointe (grands modèles, calcul avancé), mais la marge se resserre.

  • Puissance de calcul / infrastructures : Avantage net pour les États-Unis, mais la Chine investit massivement pour combler l’écart.

  • Écosystème, déploiement, standardisation : La Chine gagne du terrain et pourrait dépasser les États-Unis dans certains domaines (déploiement domestique, intégration de l’IA dans l’économie, exportation de sa pile technologique).

  • Influence et adoption mondiales : La question clé devient : de quelle technologie et de quel modèle le reste du monde fera-t-il le choix ? Comme le note un analyste : « Le facteur n° 1, c’est la technologie la plus largement adoptée à l’échelle mondiale. »

  • Gouvernance et normes : Les États-Unis gardent un atout moral (recherche ouverte, démocratie libérale), mais le modèle chinois (piloté par l’État, riche en données, orienté infrastructures) séduit de nombreux pays émergents.


Prospective

  • Dans les 3 à 5 prochaines années, l’écart en puissance de calcul et en modèles de pointe devrait encore se réduire, et le terrain se déplacera fortement vers le déploiement, la verrouillage d’écosystèmes et l’adoption internationale.

  • Les États-Unis conserveront peut-être une avance initiale sur les modèles de rupture, mais la Chine pourrait atteindre la parité — voire la supériorité — en capacités agrégées et en portée mondiale de sa pile d’IA.

  • Si la Chine parvient à exporter une pile complète (puces, modèles, déploiement, gouvernance) vers de nombreux pays, le verrouillage d’infrastructure pourrait déterminer le rapport de force à moyen terme.

  • La bataille des règles et standards deviendra cruciale : la domination dépendra moins de « qui a le plus grand modèle » que de « qui voit son écosystème et son modèle de gouvernance adoptés ».

  • Même si les États-Unis gardent une avance technique, le pouvoir stratégique pourrait basculer si leurs modèles ne s’imposent pas globalement ou si leur gouvernance perd de son attrait normatif.


Facteurs internes américains : conciliation des dirigeants et malaise des chercheurs

Deux dynamiques internes méritent attention :

(1) Les dirigeants d’entreprises cherchant à ménager Trump ou à s’aligner sur le pouvoir politique

  • Les grandes firmes américaines d’IA coopèrent étroitement avec les pouvoirs publics et les dirigeants politiques (y compris Donald Trump).

  • Cela leur garantit un accès privilégié aux ressources, à la réglementation, aux subventions, et à la main-d’œuvre qualifiée. Cette imbrication entre État et entreprises renforce la position américaine : elle aligne l’innovation privée sur les capacités stratégiques de l’État.

  • Mais ce lien comporte un risque : si les entreprises deviennent trop prudentes, cherchant avant tout la sécurité politique, elles peuvent freiner l’innovation de rupture et la recherche ouverte.

(2) Les chercheurs inquiets, certains envisageant l’exil face à un recul perçu de la démocratie et de la liberté académique

  • Des témoignages évoquent une inquiétude croissante : réduction des financements, instabilité des politiques, départs vers l’étranger.

  • Cette fragilité du climat intellectuel pourrait, à terme, affaiblir la recherche américaine. Dans un domaine où le talent, les réseaux et la liberté d’exploration sont décisifs, c’est loin d’être anodin.


Interaction entre ces deux dynamiques

  • L’alignement des entreprises sur le pouvoir politique favorise les projets contrôlables et à rendement rapide, au détriment de la recherche à haut risque.

  • Le malaise des chercheurs pourrait donc réduire la vitalité du « moteur scientifique » américain — ou le pousser à migrer ailleurs.

  • L’écosystème américain demeure fort, mais son avantage pourrait s’éroder si la créativité et l’audace reculent.


Mise en perspective

  • Les États-Unis conservent une avance quantitative et qualitative sur de nombreux plans (calcul, grands modèles, entreprises majeures, profondeur de l’écosystème).

  • La Chine accélère surtout dans le déploiement, les infrastructures et l’influence internationale. L’écart se réduit : l’enjeu se déplace vers « qui fera adopter ses standards et sa pile d’IA ».

  • L’alignement politico-industriel américain est une force à court terme mais un risque à long terme si la créativité s’étiole.

  • La Chine, avec son modèle d’État stratège et son immense marché domestique, pourrait rattraper ou dépasser les États-Unis à moyen terme, notamment sur l’influence normative et l’adoption mondiale.


Points clés

  1. Fin du mythe de la domination américaine absolue.

  2. La suprématie devient multidimensionnelle : matériel, talent, déploiement, gouvernance, standards.

  3. La résilience interne est stratégique : sans liberté intellectuelle, la technologie seule ne suffit pas.

  4. L’alignement État-entreprises : force et faiblesse à la fois.

  5. L’adoption mondiale déterminera le véritable vainqueur : la Chine avance ses pions via l’exportation d’infrastructures et la rhétorique du « bien public ».

  6. Le lien entre démocratie et innovation est central : l’ouverture nourrit la créativité.

  7. La décennie à venir sera décisive.

  8. Prospective : l’avance américaine pourrait devenir une « prime de premier entrant » que la Chine neutralisera par l’échelle, les coûts et une gouvernance alternative — autrement dit : les États-Unis auront peut-être « les plus grands modèles », mais la Chine aura « les modèles les plus utilisés ».

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3 réponses à “Trump, Xi Jinping et l’équilibre des forces en IA

  1. Avatar de bb
    bb

    La Chine vient de créer une puce 1000 fois plus puissante que la Nvidia H100… et elle est analogique !

    https://www.lesnumeriques.com/cpu-processeur/la-chine-vient-de-creer-une-puce-1000-fois-plus-puissante-que-la-nvidia-h100-et-elle-est-analogique-n244691.html

    Je n’y connais rien dans le domaine des puces, mais si cet article est vrai, à la manière de DeepSeek, cette nouvelle technologie rebattrait les cartes de la mainmise des USA sur la tech mondiale.

    1. Avatar de timiota
      timiota

      Voir s’il ne s’agit pas « que » d’une des étapes du calcul, la multiplication de matrice ou le seuillage. J’avoue ne pas connaitre les caractéristique des MEMristors (utilisés dans cette puce) en terme de fréquence max.

      Faire de l’analogique à 100 MHz est à peu près équivalent à faire du calcul 32 bits à 3.2 GHz (horloge typique de toutes les puces, liées à la taille de la puce qu’on veut synchroniser :
      un cm ~ un quart de la longueur d’onde à 8 GHz dans l’air, ~un quart de la longueur d’onde électromagnétique à 4 GHz dans le « milieu moyen » qu’est la puce (silicium, métal, diélectriques autour, epsilon_r ~ 4 à la grosse louche).

      1. Avatar de Bb
        Bb

        @timiota

        Merci pour ce précisions très… « Techniques ». 😃

        C est impressionnant comme annonce?

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