Illustration par ChatGPT
1. Mouvements tactiques
Recuit simulé de pénalité : l’exposition graduelle. Nommer la peur, avec douceur. Laisser l’analysant s’en rapprocher petit à petit à chaque séance. Le mur apparaîtra alors moins insurmontable.
Contraintes souples : des injonctions paradoxales injectent une certaine flexibilité. Par exemple : « Nous parlerons de ce rêve un peu plus tard ». Du point de vue de l’inconscient, la configuration mémorielle est invitée à envisager la voie à suivre sans pression pour agir dans l’urgence.
Équilibre entre deux pertes : recadrage dialectique. « D’une part vous avez peur que ce souvenir vous revienne, de l’autre vous brûlez de curiosité de le redécouvrir ». Reconnaître les deux gradients, sans forcer le choix.
Bruitage adversarial : un jeu de mots, un lapsus, un rêve. Une brèche momentanée permettant au système d’entrevoir le refoulement sans pour autant s’effondrer. Une sorte d’évasion (jailbreak) sécurisée.
Il ne s’agit pas ici de techniques purement mécaniques mais de perturbations prudentes : des coups de pouce au lieu de coups de pied, appliqués au moment où l’analysant est perché sur un rebord.
Il est important de noter que le cadre décrit trouve un écho dans la mise au point des Grands Modèles de Langage. Les LLMs sont eux aussi façonnés par des clauses de pénalité : ils s’abstiennent de générer certains contenus, que ce soit pour des raisons éthiques, juridiques ou politiques. Mais les red-teamers découvrent des failles : de légères reformulations qui leur permettent de contourner le mur de la censure bien intentionnée. Ces « évasions » (jailbreaks) rappellent les lapsus freudiens : contournement de la censure imposée par les régulateurs politiquement corrects des fonctions de pénalité dans le cas de l’IA, et censure exercée soit par le refoulement, soit par les garde-fous mis en place par le Surmoi dans le cas de la psyché. Le défi est d’une nature similaire : comment ajuster la contrainte sans pour autant bloquer le système. En thérapie, une pression trop forte entraîne un durcissement de la résistance, mais une pression trop faible permet au traumatisme de refaire surface. La solution réside dans un juste milieu de calibrage dynamique.
Une étude interdisciplinaire pourrait améliorer les deux : les enseignements tirés de la thérapie sont susceptible d’inspirer l’élaboration de politiques adaptatives, et la littérature sur l’alignement de l’IA peut offrir des mesures quantitatives pour évaluer les progrès thérapeutiques.
2. Séances d’optimisation
Si l’on peut considérer l’heure d’analyse comme une séance d’optimisation, autrement dit une tentative de réduire l’énergie libre psychique sans déstabiliser cependant l’ensemble du système, alors les techniques thérapeutiques sont des heuristiques algorithmiques conçues pour faire évoluer l’état psychique dans ce sens. Chaque technique, à l’instar d’un mouvement dans un enchaînement tai-chi, remodèle la descente : elle ajuste la pente, apprivoise la volatilité, force le mouvement dans un espace dont le nombre des options possibles donne le tournis.
Il nous faut envisager, dans cette optique, l’éventualité déconcertante que le journal de bord de la psychothérapie moderne fasse écho au manuel de l’apprentissage automatique : momentum, recuit simulé, écrêtage du gradient, apprentissage adaptatif : chacun possède son double thérapeutique, non pas accidentellement, mais en raison de la convergence de deux problématiques.
FIN
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