Le miracle de l’intérêt égoïste se transmuant en intérêt collectif n’a pas eu lieu

A la fin des années 1970 s’est ouverte une ère de dérégulation de la finance qui a abouti à la mise en coupe réglée par elle de l’économie. L’expérience était fondée sur la conviction que les marchés ont une tendance naturelle à l’auto-régulation et à l’auto-adaptation. Cette conviction n’était pas folle : elle était soutenue par l’autorité intellectuelle et morale de ceux qui étaient alors considérés comme les plus grands économistes, et en particulier par une série impressionnante de lauréats du prix « Nobel » d’économie, représentants de l’Ecole de Chicago, inaugurée par Friedrich von Hayek et prônant le laissez-faire absolu en matière de finance et d’économie. Le programme de l’Ecole de Chicago fut appliqué aux États–Unis par Ronald Reagan et en Grande-Bretagne, par Margaret Thatcher. Nous sommes aujourd’hui les héritiers du monde monstrueux qui fut ainsi créé.

Au cours des six derniers mois, les comparaisons entre ce qui sera considéré un jour comme le désastre historique de 2008 et la crise de 1929 sont devenues de plus en plus pertinentes. La complexification de la finance au cours de ces quatre-vingt années et le fait qu’il lui ait été donné carte blanche durant cette période fera que le souvenir de 2008 laissera, c’est aujourd’hui malheureusement certain, celui de 1929 dans son ombre.

L’expérience valait-elle d’être tentée ? Jugée à son résultat, sans doute non, mais comment aurait-il pu en être autrement quand les autorités les plus prestigieuses – et l’on aurait ou penser les plus sages – lui avaient accordé leur aval ? Il convient de prendre aujourd’hui la mesure de l’ampleur du désastre et de lui apporter sans plus tarder sa solution.

L’illusion optimiste qui avait présidé à l’expérience était que la défense de l’intérêt collectif pouvait émerger de la poursuite de leur intérêt individuel et égoïste par une multitude d’agents économiques. Adam Smith qui, le premier, avait formulé l’hypothèse y voyait un étonnant paradoxe. Comment est-il possible, se demandait-il, que l’intérêt collectif survive au concours de tant d’avidité individuelle ? La réponse, on la connaît aujourd’hui : parce qu’en son temps, les moyens qu’un entrepreneur pouvait mettre à la disposition de son appât du gain étaient encore à la mesure de l’homme. Au cours des quatre-vingt années récentes ces moyens se sont vus démultipliés par des coefficients énormes, conduisant à une amplification démesurée du bénéfice des avantages acquis ainsi que des effets de la spéculation, c’est-à-dire la ponction par la finance du sang de l’économie. L’univers qui était devenu le nôtre était celui où quelques milliers de jeunes gens fous, s’agitant au sein des salles de marché de New York, de Londres, Paris, Tokyo ou Shanghai, tenaient le monde en otage.

Cette expérience est arrivée à son terme. Elle a eu lieu sous nos yeux et entraîne dans sa chute des milliards d’hommes et femmes. Il est sans doute trop tard pour l’arrêter avant qu’elle n’ait pris toute sa tragique ampleur mais le moment est d’ores et déjà venu pour retrousser ses manches et s’apprêter à, dans un premier temps, ramasser les morceaux, puis, dans un deuxième temps, rebâtir.

Que convient-il de faire ? Rappelons-nous, la situation est plus grave qu’en 1929 : alors que nous rêvions tout enfant au pays de Cocagne que serait l’« an 2000 », le monde est tristement à nouveau menacé par la faim, pire, ce ne sont plus seulement les populations humaines qui sont aujourd’hui en danger, c’est la capacité même de notre planète à assurer la vie qui s’est vue remise en question. Le miracle paradoxal auquel certains croyaient de l’intérêt égoïste se transmuant en intérêt collectif n’a pas eu lieu : l’intérêt égoïste a – comme on aurait dû s’y attendre – conduit au pillage de la planète, transformée en une vaste mine à ciel ouvert, crachant dans le ciel ses scories qui l’empoisonnent petit à petit, mais inéluctablement.

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10 réponses à “Le miracle de l’intérêt égoïste se transmuant en intérêt collectif n’a pas eu lieu”

  1. Avatar de Stilgar
    Stilgar

    J’approuve à 100% ce billet…

    Paul Jorion pose la question « que convient-il de faire »?

    Là, c’est mon pessimisme qui reprend le dessus. Si, comme il le pense, les intérêts égoïstes ne peuvent pas se transmuer en intérêt collectif, seule une « dictature » (même bienveillante) pourrait nous sauver du crash : mais elle ne peut arriver puisque les intérêts égoïstes savent aussi se réunir pour protéger leurs avantages contre les intérêts collectifs.

    Cela rejoint la question sur la décroissance auquel le manque de temps m’empêche de répondre (trop d’articles trop riches sur ce blog 😉 )… il n’y aura pas de décroissance si ce n’est « politiquement volontaire », la seule décroissance que nous pouvons espérer, c’est celle de la population mondiale, quels qu’en soient les « motifs ».

    Nous allons vers une société que je vois ainsi… ( il faut relire « L’horreur économique « de Viviane Forrester :  » les riches n’ont plus besoin des pauvres »)
    – 100 millions de très riches possédants
    – 2 milliards qui travaillent pour eux
    – le reste qui survit dans des conditions de plus en plus dures avec une espérance de vie qui se réduit au fil de l’augmentation des coûts des « ressources rares ».

    Pourquoi je pense qu’il n’y a pas de « décroissance volontaire »? A chaque fois que VOUS faites un effort d’économie quelconque (des ressources limitées), votre « sacrifice » a un effet sur les prix (qui baissent) mais la ressource sera de toute façon utilisée puisque qu’une catégorie qui n’y avait pas accès jusque là l’aura.

    Pas de solution hors la gestion collective ou la charité (égoïste), auto-satisfaction mais sans effet global me semble t-il…

  2. Avatar de Karluss
    Karluss

    bravo, toujours bravo, mais le pain blanc envolé, il ne reste que du pain noir…
    nous subirons la décroissance malgré nous, le ciel étoilé au dessus de nous, et la loi morale un rêve… il faut s’accrocher à ce rêve pour rebâtir.
    la main invisible est gangrenée, il faut scier ce membre et marcher définitivement debout !

    mes applaudissements sont dérisoires, mais il faut s’accrocher à l’intelligence, à la sagesse et l’amour de la sagesse. J’ai envie de citer un bouquin, celui de Marc Sautet : « Un café pour Socrate ».

    bonne journée !

  3. Avatar de SG
    SG

    D’accord les nouvelles sont loin d’être bonnes, mais de là à céder au complexe de Cassandre …

    Un certain penchant pour le catastrophisme tout de même !

  4. Avatar de Jean-Baptiste

    Tristement je ne pense pas qu’il y ait de solution pour rééduquer les générations actuelles à qui l’on a rabâché que plus on pensait à son propre intérêt et plus l’intérêt collectif serait défendu. On en arrive à des aberrations telles que transformer de la nourriture en combustible en laissant mourir de faim des populations sous prétexte que cela « crée » plus d’argent et que l’on confond toujours argent et richesse.

  5. Avatar de Bernard
    Bernard

    J’ai un peu mauvaise conscience d’avoir délivré des messages plutôt négatifs, et je voudrais me rattraper quelque peu.

    D’abord une précision sur Friedrich von Hayek, qu’il convient de dédouaner en partie au moins de sa responsabilité dans la crise financière.

    C’était certes un libéral pur jus mais lucide sur le « scientisme » de l’économie comme il écrivait en 1952, dans « Scientisme et sciences sociales » trad de R Barre et rapporté par J. Généreux dans « Les vraies lois de l’économie »

    « …cette ambition d’imiter la science dans ses méthodes plus que dans son esprit, allait, pendant quelque 120 ans dominer l’étude de l’homme, mais elle a dans le même temps à peine contribué à la connaissance des phénomènes sociaux. »

    Ensuite l’évolution à venir comporte deux étapes à mon sens :

    D’abord, l’écroulement du château de cartes monétariste que nous vivons devrait être globalement une bonne chose, sans aucun doute sur les plans de l’expérience acquise par l’humanité, sans impact sur l’évolution de la vraie richesse mondiale qui n’est quasiment pas touchée, et même positive pour les acteurs concernés, les banquiers ruinés ne se suicidant pas comme des âmes charitables tentent de nous le faire croire, et les « suiveurs », ceux à l’affût de l’aubaine, comme ceux entraînés « à l’insu de leur plein gré » devraient en être quittes pour une bonne leçon, c’est qu’en bons (néo)libéraux ils sont responsables de leurs actes, (même si ce n’est pas entièrement responsables comme le voudrait le dogme), les bons vieux proverbes s’appliquant toujours, « plaie d’argent n’est pas mortelle ».

    Ces proverbes qui devraient à nouveau remplacer les slogans marketing, parmi lesquels je souligne l’exigence d’éliminer l’effet dévastateur du fameux « gagnant/gagnant » qui ne peut être vérifié qu’entre compères.

    Techniquement… on se pencherait sur les pouvoirs de I’IASC, sur l’opacité entourant son statut, la nomination de ses membres, son choix de résider dans le Delaware, … et on créerait une réglementation des outils financiers aussi pointue que celle qui touche aux armes atomiques… on se poserait la question des localisations des chambres de compensation… plein de progrès possibles

    Bien sûr cela ne se passera pas comme cela, trop de gens sont concernés qui verront leur légitimité sociale de « productifs, et même les meilleurs » remise en cause, il y aura forcément des dégâts collatéraux, mais on devrait cependant y arriver.

    La seconde étape, plus lente, mais inéluctable, c’est d’affronter la véritable mondialisation, celle qui fait que la terre est de dimensions finie, que ses ressources sont limitées et que le gâteau consumériste ce qui n’est pas grave, mais aussi le gâteau vital, va se réduire, se réduit déjà par individu.

    C’est là qu’on en revient à une vision anthropologique optimiste de l’avenir.

    Et elle nous impose de rompre avec les caractéristiques de l’économie néolibérale qui voit en l’homme un individu « préexistant à sa liaison à autrui » suivant la formule de J Généreux dans « La dissociété », se comportant en prédateur pour maximiser son avantage, dans un monde concurrentiel où la loi de la jungle ne laisse subsister que le plus fort.

    Or ce que l’on sait de la vraie loi de la jungle dans le livre de JM Pelt « La loi de la jungle ? L’agressivité chez les plantes, les animaux, les humains » (cité par J Généreux) est que la coopération et la solidarité y jouent un rôle aussi important que la compétition et l’agressivité, celles-ci quasiment absentes des zones où l’environnement est pauvre, alors que la compétition est féroce là où les ressources sont abondantes.

    Or, nous quittons la zone riche pour celle où tout est distribué plus chichement, et je me refuse à croire que nous méritons l’Oscar de l’espèce la plus stupide.

    Cela certes risque de n’être pas une promenade tranquille.

  6. Avatar de Babar
    Babar

    bonjour m’sieur Jorion et merci. Ecrire cela il y a encore un an vous aurait valu la corde. Il manque cependant un mot dans votre article : « libéral » –comme on dit improprement– ou « capitaliste boursier » pour être exact. Je voudrais dire que ces gens là n’ont pas uniquement déréglé l’économie, mais ont occasionné des dégâts considérables à des valeurs comme la démocratie, ou la morale…

    Pour la solution ? Bah, je ne m’y entend pas comme vous. Si beaucoup d’argent n’est pas au bon endroit, alors la solution ne serait-elle pas d’aller le chercher là où il est ? Va t’on continuer à demander poliment à des potentats qui s’en tapent (des égoïstes comme vous l’écrivez joliment) ?

  7. Avatar de emmanuel
    emmanuel

    Vivant à Dakar, voilà un aperçu de la condition de « pauvres ordinaires » vivant en ville privilégiés car ils ont un salaire, en l’occurence de… 1000 CFA/jour (1,5 euro), exemple une travailleuse du nettoyage à l’aéroport équipée de matériel et travaillant pour une société, habillée avec une blouse d’entreprise, toutes apparences correctes. Matin et soir, elle marche pour économiser, prend le car rapide pour 150 CFA, à midi elle mange pour 150 un « plat » qui a diminué des 3/4, et puis, nous dit-on, arrivée dans son quartier elle sera l’un des deux seuls salaires de sa famille de 7 personnes. Elle ramène 550 CFA. Un enfant soudainement malade, c’est 30000 CFA de soins. Pendant ce temps, dans mon quartier, les 4X4, split system, antennes, abonnements satellite sont dans toutes les maisons. Et le Sénégal enregistre 20% de baisse de production agricole. Et 4,5 % de croissance, c’est bien. Pour dire que quand on espère encore que Paul Jorion « joue les Cassandre » franchement je ne crois pas et je constate que quand Al Gore dit la même chose mais à propos des manchots de l’Antarctique on le prend pour un Saint. La FAO n’avait pas vu venir la crise alimentaire !!! … nous dit-on tranquillement… J’arrête. Emmanuel

  8. Avatar de Stilgar
    Stilgar

    Paul écrit:
    « Cette expérience est arrivée à son terme. Elle a eu lieu sous nos yeux et entraîne dans sa chute des milliards d’hommes et femmes. Il est sans doute trop tard pour l’arrêter avant qu’elle n’ait pris toute sa tragique ampleur mais le moment est d’ores et déjà venu pour retrousser ses manches et s’apprêter à, dans un premier temps, ramasser les morceaux, puis, dans un deuxième temps, rebâtir. »

    Les commentaires de cet article et particulièrement concernant la phrase  » s’apprêter à, dans un premier temps, ramasser les morceaux, puis, dans un deuxième temps, rebâtir. », se sont, à mon goût, arrétés un peu vite. Sans doute mon premier message a t-il (aussi) été trop pessimiste.

    Les questions restent:
    – quels sont les morceaux à ramasser?
    – que rebâtir, faut-il même refaire les fondations de l’ensemble de nos échanges et de notre économie ?
    – de quels « leviers » disposons-nous, nous qui n’avons aucun pouvoir politique ?
    – faut-il tenter la mise en place d’un système économique « parallèle » ?

    Il y a de multiples autres questions, mais je pense que les intelligences qui se croisent sur ce blog devraient réfléchir à tout cela…

  9. Avatar de egdltp
    egdltp

    Je ne sais pas si il existera des morceaux à ramasser, mais ma vision est que des groupes humains se reforment avec pour but de répondre à leurs besoins et qu’ils ne mettent à l’échange que leur surplus : retour à l’agriculture vivrière, habitat regroupé pour les cellules de solidarité, chercher la prévention plutôt que la réparation, hiérarchiser les besoins…

    Si certains membres de la cellule trouvent à s’occuper dans le « monde extérieur », que leur apport servent à combler les manques de manière pérenne : achat d’outils ou autres moyens de production.

    La mise en réseau de telles cellules de solidarité permettra de reconstruire une société minimisant le rôle des intermédiaires qui ne justifient pas toujours leur utilité pratique et effective. Le problème reste l’échelle de valorisation des échanges. Soit on fonctionne dans la confiance inter–cellule, et on accepte les échanges décalés dans le temps, soit on doit réinventer la monnaie ! Et là on retrouve un autre fil de discussion de ce blog.

    Mais le premier pas est de créer ces cellules de solidarité. Cela peut se faire par une reconnaissance politique, redéfinition de ce qu’est le mariage ou la PACS, ou effective entre gens volontaires avec tous les problèmes d’interaction avec la puissance publique sur le niveau de l’intégration dans les obligations sociales : gestion de l’enfance, de la participation à la communauté nationale, impôts, prestations sociales…

    Déjà chacune de nos familles est une de ces cellules. Elle interagit avec le système actuel par ses engagements vis–à–vis des employeurs, des banques en cas d’emprunt, des fournisseurs d’ »utilities », eau, gaz, électricité, télécommunications. On peut commencer à travailler à partir de là. Sur d’autres blogs, il y a des appels à sortir du système bancaire « commercial », pour se tourner vers le système bancaire mutualiste ou alternatif comme la NEF. On a là une autre piste pour sortir de ce « capitalisme financier mondialisé » selon l’expression de quelqu’un que je ne situe plus, peut–être sur ce blog ?

    Bien à vous.

  10. Avatar de antoine
    antoine

    Je me permets d’ajouter une petite precision. Ce n’est pas vraiment le sujet mais c’est peut etre pas inutile…

    On fait d’Adam Smith le père de cette idée. C’est, à mon avis, un bien mauvais procès qu’on lui fait. Adam Smith, on l’oublie toujours, a aussi écrit une théorie générale des sentiments moraux. Cet ouvrage comptait au moins autant pour lui que son ouvrage sur la richesse et la pauvreté des nations. Il s’agit d’un grand texte de philosophie morale, qui approfondit et reprend les intuitions fondamentales de son maître, David Hume. A. Smith, AVANT d’être un économiste, était surtout un grand penseur. Il va de soi que les deux textes se marrient mal. On doit à Harkonsen une tentative originale pour les harmoniser. Toujours est-il qu’il y a largement de quoi remettre en question l’interprétation nullissime et l’usage théorique que les économistes ont fait de la théorie de la « main invisible » (comme d’habitude serait-on tenter de dire…). Smith était très loin de penser ce qu’on lui fait dire, et il avait de très bonnes raisons pour cela.

    Or, si Hayek développait lui aussi une philosophie originale du droit (c’est en raison du contenu spécifique de celle-ci qu’on parle de lui comme d’un libéral conservateur), et s’il fut lui aussi caricaturé, il n’en est rien des Nobel d’économie libertariens qui lui ont succédé (je pense à Friedman en particulier). Ces derniers sont la plupart du temps incapables ,faute d’avoir le niveau requis, de penser les premisses les plus eloignées qui servent d’assise à leurs raisonnements. Et un Socrate aurait gentiment fait mumuse avec eux sur l’Agora en des temps plus reculés. C’est e qui a manqué dans l’attribution des prix Nobel, un regard socratique. L’idée même d’un « prix Nobel d’économie » est d’ailleurs absurde, si l’on y réfléchit bien.

    La tendance commence à s’inverser, avec les développements de cette branche de la philosophie politique qu’est « l’économie normative », qui a suivi la publication des oeuvres de J. Rawls. En fait l’économie normative scelle le retour de l’économie dans le giron de la philosophie politique… et ce n’est pas un hasard si Sen ou Harsanyi considèrent désormais sérieusement les objections très dures que leur adressent les meilleurs représentants de la philosophie politique contemporaine, voire AMENDENT leurs points de vue en fonction de ces objections venues « d’en haut ».

    L’enseignement de l’économie est partie en sucette parce que la « science » économique est partie en sucette. Et la pseudo science économique est partie en sucette parce-qu’on s’est mis à la considérer comme une discipline ABSOLUMENT indépendante.
    De là le fait que cette discipline, plutôt que de chercher à développer des outils qui rendraient compte du réel, a cherché à développer des outils qui permettraient d’en rendre compte d’une manière formalisable en langage mathématique. On a donc fini par confondre l’instrument et la realité, le jeu de l’offre et de la demande et la complexité des exigences de la coopération sociale.
    Il y a un lien entre la crise et le contenu de l’enseignement de ces disciplines à l université. Et il y a un lien entre la nullité de cet enseignement et le fait que ce enseignement soit dominé par des mathématiciens de seconde zone (soyons honnêtes…) plutôt que par des chercheurs en théorie politique et morale (qui sont malheureusement souvent aussi des idéologues de seconde zone, quand ils s’y intéressent).

    De même que L. Strauss disait que la science politique moderne (depuis Hobbes jusqu’à Weber et Hegel/Marx) était inférieure à la philosophie politique classique, en ceci qu’elle est par nature structurellement incapable de se montrer à la hauteur du danger totalitaire, on pourrait dire de la science économique libertarienne qu’elle est par nature structurellement incapable non seulement de prévoir ce genre de crise, mais en plus de la prévenir.
    Mais l’économie libertarienne n’est-elle pas le produit d’une radicalisation pure et simple de la science politique moderne???

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