Extrait d’un article à paraître dans le numéro du mois de mars de l’ENA hors les murs, intitulé « Les enjeux historiques de la crise »
L’économie sous sa forme naturelle n’est pas seulement darwinienne, elle reflète aussi la nature propre de l’homme en tant qu’espèce. Elle est, pour utiliser le terme qu’emploient les biologistes pour les populations animales qui manifestent ce type d’attitude : « colonisatrice ». Le comportement « colonisateur » conduit à envahir de manière très efficace un espace et à prendre contrôle de ses ressources. Il ne connaît malheureusement pas de frein : lorsque cet espace a été complètement envahi, l’environnement se dégrade en raison de sa surexploitation et l’espèce est forcée d’en trouver un autre, qu’elle envahira à son tour, si elle le trouve ; nous partirons ainsi à la conquête des étoiles, les lemmings eux courent en masse droit devant eux et quand ils atteignent le rebord d’une falaise, ils en tombent et s’écrasent au fond du précipice. Nous en sommes là, nous aussi.
Nos entreprises commerciales, semblables aux lemmings, ne sont pas équipées de freins : elles savent bien comment grossir et devenir plus fortes mais ignorent comment se réguler : elles diminueront de taille éventuellement mais uniquement sous la contrainte : parce que leurs ressources se seront amenuisées (et c’est de cette manière que les banques centrales tentent d’influer sur leurs comportements : en renchérissant le loyer de l’argent qu’elles doivent emprunter pour se financer). Les firmes sont organisées en leur sein sous la forme hiérarchique du commandement militaire et n’ont qu’un seul objectif : l’objectif colonisateur d’envahir complètement leur environnement, cela s’appelle « accroître sa part de marché ». Ne connaissant pas de frein, les entreprises produisent toujours davantage et faute de pouvoir s’arrêter ou de réfréner leur appétit, elles encouragent les consommateurs à acheter leurs produits en quantités toujours croissantes, et ceci quelle que soit la quantité qu’elles en produisent. Pour soutenir cette croissance qui ne peut être endiguée, elles recourent à la publicité et ont encouragé une philosophie du consommer toujours plus appelée « consumérisme ».
Une fois l’environnement complètement envahi, il se dégrade d’être toujours exploité davantage : la stratégie « colonisatrice » a alors atteint ses limites. L’entreprise sans frein a assumé son rôle mais celui-ci a cessé d’être adapté au sein d’un monde désormais pleinement colonisé. En fait, ce qui motive le comportement colonisateur, c’est son présupposé qui n’apparaît en pleine lumière que lorsque son objectif a été atteint : qu’une colonisation complète ne sera jamais accomplie. Ce que les faits démentent bien sûr.
Une telle absence d’anticipation des conséquences à long terme caractérise la nature laissée à elle-même dans ses aspects les plus « physiques » (par opposition à chimiques ou biologiques) : dans les processus purement physiques en effet les particules lancées l’une vers l’autre s’entrechoquent sans pouvoir s’éviter. Dans sa dimension « biologique » la nature fait preuve d’anticipation, et ceci de plus en plus à mesure que l’on envisage des animaux plus avancés. Et c’est ce qui permet de dire que la démocratie que l’homme s’est offert à lui-même comme une institution inédite relève du biologique alors que l’économie qu’il s’est contenté d’hériter d’un stade antérieur de son organisation relève du physique seulement. La démocratie est adaptative mais le capitalisme qui caractérise son économie, n’est pas lui adaptatif. Les événements qui se déroulent depuis l’été 2007 le confirment si l’on devait encore en douter.
64 réponses à “Les lemmings”
Faut-il regretter que la branche pithécanthrope se soit éteinte ? Selon certains spécialistes, le prédécesseur du sapiens aurait été beaucoup plus raffiné que ce que l’on prétend ordinairement. La thèse est finalement plausible : le guerrier sapiens aurait trucidé ses frères (ou cousins) poètes pour imposer son ordre guerrier. Lequel perdure aujourd’hui jusque dans l’entreprise, où les salariés sont supposés « s’épanouir »… Comme les limites de cette démarche colonisatrice sont perceptibles depuis longtemps, comment se fait-il que les élites managériales soient aussi peu nombreuses à en dénoncer l’absurdité ?
Il existe d’autres entités biologiques, moins sympathiques que les lemmings, qui croissent jusqu’à détérioration complète de leur environnement: Les virus… Cela dit j’admets que cette analogie là soit plus difficile à entendre pour les acteurs du monde économique.
Finalement, la firme serait-elle le plus froid des monstres froids ?
« La démocratie est adaptative mais le capitalisme qui caractérise son économie, n’est pas lui adaptatif »
Pourtant les démocraties ce sont bien laissés corrompre et infiltrer par l’économie puisqu’elles n’ont pas su resister aux lobbies financiers et elles n’ont pas su faire des lois régulatrices.
Bravo pour l’image des « lemmings » (qui n’y a pas joué des heures) c’est tellement ça 🙂
L’économie sous sa forme naturelle
Désolé, mais votre paradigme est faux. Ce qui transforme la suite de la démonstration en sophisme puisqu’une des prémisses est bancale.
L’économie n’est pas naturelle, ni dans le fond ni dans la forme. On peut trouver des analogies entre les activités humaines et la nature (règne animal ou végétal) et construire des fables, car l’histoire des hommes a inspiré les biologistes et le monde du vivant a fasciné* les économistes.
L’économie est un produit du comportement humain, donc artificiel, et même si l’homme neuronal est un produit de la nature, ses créations échappent aux lois naturelles.
* si on se trompe et qu’on appuie sur la touche [enter] le commentaire est publié.
@ all
C’est un point de vue théologique, qui n’est pas celui que j’adopte personnellement. Je me réfère plutôt au couple d’opposés nature – culture, communément utilisé dans ma discipline, l’anthropologie. Dans ce cadre-là, il est légitime de distinguer des processus naturels, qui ne sont pas propres aux hommes, et des processus culturels qui sont sui generis et de son invention, comme le langage articulé par exemple. La concurrence réglée par la loi du plus fort se rencontre ailleurs que dans l’espèce humaine et est donc, au sens de l’opposition nature – culture, un processus naturel.
Juste pour info (wikipedia)
« Mythe du suicide collectif
Contrairement à la croyance populaire, les lemmings ne se suicident pas en masse lors des migrations. Il est vrai cependant que des lemmings tombent des falaises ou dans des étangs simplement à cause de bousculades dues à leur grand nombre. Ce vieux mythe a été entretenu et popularisé par l’intermédiaire du documentaire Le Désert de l’Arctique (White Wilderness) de Walt Disney montrant des lemmings se jetant du haut de falaises. Les réalisateurs avaient en fait poussé quelques lemmings vers des falaises surplombant une rivière tout en les filmant sous différents angles.
Plusieurs éléments tendent pourtant à prouver le contraire, le phénomène étant répertorié depuis la première décennie du XXe siècle. Barjavel lui-même était étonné par les études faites à ce sujet. La légende n’en est pas tout à fait une, d’autant que d’autres espèces ont un comportement similaire. Chose étrange, les études montrent que le lemming a commencé à « réguler sa population » lorsque son prédateur, par la faute de l’homme, a disparu de sa zone géographique. »
Néanmoins, je ne suis pas trop étonnée d’apprendre que l’économie n’a aucune « conscience collective »: ça n’a rien d’un scoop…
Mais j’ai des doutes sur le fait que la démocratie soit adaptative; j’ai vraiment l’impression que c’est l’inverse!
Il n’y pas plus d’économie naturelle que de droit naturel, les règles de la richesse n’existent pas dans la nature. Les ressources limitées et la compétition apparente pour leur appropriation ne répondent pas aux normes de l’économie, qui, elle, est régie exclusivement et uniquement par le cerveau humain. Dans la nature ce sont des millions d’espèces qui interagissent entre-elles et avec leur environnement. Chacune avec un comportement ou une particularité biologique différente.
« La concurrence réglée par la loi du plus fort » : l’évolution n’est pas le bellum omnium contra omnes, ici vous rejoignez Hobbes (et donc une forme de théologie)
« La concurrence réglée par la loi du plus fort se rencontre ailleurs que dans l’espèce humaine et est donc, au sens de l’opposition nature – culture, un processus naturel. » et là vous rejoignez plutôt Clément Rosset (un avatar de Nietzsche)
Pour ceux qui aiment :
http://www.numerama.com/telecharger/6162-Lemmings-32k.html
Une proposition radicale pour la Constitution pour l’Economie :
Une entreprise ne peut pas être dotée de la personnalité juridique.
un peu moins radicale :
Une entreprise ne peut être dotée de la personnalité juridique que de manière très temporaire, le temps pour elle d’accomplir les objectifs/missions qu’elle s’assigne.
C’est intéressant comme point de vue, mais j’ai le sentiment que cet esprit colonisateur n’est qu’un aspect d’une compétition exacerbée, parce que sans limites raisonnables. J’entends pas raisonnable ce qui différencierai une guerre de joute rituelles. Cette colonisation excessive devient alors la seule manière de survivre.
@ JJJ
« Comme les limites de cette démarche colonisatrice sont perceptibles depuis longtemps, comment se fait-il que les élites managériales soient aussi peu nombreuses à en dénoncer l’absurdité ? »
Il me semble que la réponse est dans la question. Les élites managériales comme vous dites, sont dans notre société humaine ceux qui se sont fait une spécialité de conduire et gérer la démarche colonisatrice qui consiste à accroître des parts de marché. Ils ont même des écoles, qu’on dit grandes, pour cela. Certains, il est vrai, en dénoncent les absurdités, mais dans la quasi totalité des cas ce sont d’ex managers, des managers repentis. Les autres, quand ils ne sont pas à leurs affaires, écrivent des livres pour dénoncer, superficiellement, les tares d’y système qui les nourrit. L’entreprise est alors purement auto justificatrice.
Le corollaire de l’économie de marché est l’inévitable, indispensable … croissance.
Or la croissance nécessite le crédit.
Le crédit crée la monnaie…et enfante de …la banque.
Il faudrait trouver un moyen d’inhiber la croissance pour une vie harmonieuse et linéaire par gain de parts de marché ou croissance prédatrice externe.
Ce sont les prémisses civilisationnelles qui foirent.
@paul jorion :
« les banques centrales tentent d’influer sur leurs comportements ».
Elles ont tant d’autonomie et d’iniative politique?
A part ça, je ne sais pas si l’economie est naturelle ou pas.
Mais pour alimenter ce débat, je vous propose ceci :
Oui, René Barjavel : ‘La Faim du Tigre’
Henri Laborit aussi non? : ‘Eloge de la fuite’ – Pour la fuite en avant ça marche aussi.
Et puis, blog pour blog : http://www.lesmotsontunsens.com/sciences-homme-est-rat-homme-3185
@Paul Jorion: « Et c’est ce qui permet de dire que la démocratie que l’homme s’est offert à lui-même comme une institution inédite relève du biologique alors que l’économie qu’il s’est contenté d’hériter d’un stade antérieur de son organisation relève du physique seulement.
Si on parle du capitalisme, il relève certes du physique, mais il ne s’agit pas d’un stade antérieur, il s’agit d’une nouveauté délibérément mise en place. L’économie relevait du biologique avant le capitalisme (en gros avant 1789), elle était adaptative et non-colonisatrice. C’est délibérément qu’on a mis en place un système sensé être le plus « naturel » possible (au sens physique du terme, science très à la mode à l’époque, d’où la physique des passions).
Donc en même temps que l’homme s’offrait une institution politique biologique (la démocratie), on enlevait tout pouvoir aux institutions politiques et on instituait un nouveau lieu de lutte non-contrôlée permettant au plus fort de garder le pouvoir réel. Ce qui me fait dire que la révolution démocratique n’a pas eu lieu, ou plutôt que la contre-révolution l’a contrecarrée en changeant le lieu du pouvoir par la mise en place du marché auto-régulé.
C’est bien simple, à chaque fois qu’on est supposé laisser faire Dieu, la Providence, la Nature, le Destin, etc, on aliène sa liberté et c’est au plus fort que l’on donne en réalité le pouvoir. Le pouvoir qu’octroie la loi du marché c’est idem que le pouvoir de droit divin.
Très heureux de voir que l’analogie biologique enrichit le débat, je l’évoquai modestement il y a 3 mois (http://www.pauljorion.com/blog/?p=1013#comment-10516)
Mouai , mouai , mouai …..
La nature propre de l’homme ?
« La nature propre » de l’homme relève du savon!
L’homme agit grâce à son temps de vie, fait des erreurs, et les corrige .
Certes, certains types d’erreurs sont fatales , comme celles qui consistent à tomber d’une falaise .Cependant, l’issue à ce genre de problème vient du nombre et de l’espace.
Du nombre?
Il en est toujours quelques uns pour ne pas courrir avec le troupeau , pas toujours pour raison d’affirmation de soi, mais souvent par paresse, les flemmards en somme .
Qui associés à l’image des Lemmings nous donne les « Flemmings »…
Sans compter qu’ un falaise , çà se comble, surtout quand le nombre de lemmings finit par devenir montagne.
De l’espace ?
La terre est ronde .La nuit d’un côté, le jour de l’autre.
Ou autrement dit, le bonheur des uns peut faire le malheur des autres , et vice-verçà.
Ceci dit , tout environnement surexploité se dégrade éffectivement .
Mais ce n’est pas ni le nombre , ni l’espace qui SONT en cause .
C’est le jardinier du monde, à savoir l’homme .
Comme quoi, quand on ne range pas le purin à la bonne place…
PS :
« Les zhumains? Rien qu’une bande de pommes!
D’ailleurs vous avez qu’à en ouvrir une en deux. »
source « Dialogues angéliques , archives du futur dossier 29854ib « .
Il ne faut pas oublier quand on parle d’entreprise à l’heure actuelle 2 choses :
* la responsabilité limité
* l’externalisation
* et on peut rajouter : le vide juridique international.
responsabilité limité, ça signifie quand même, avec l’aide de quelques bon avocats qu’on peut faire un peu tout et n’importe quoi. Ca serait un lemming qui en plus de son comportement grégaire, serait myope (ou simplement cynique).
externalisation, c’est le principe même de l’entreprise : si je peux faire supporter une part du coup de production à quelqu’un d’autre, je gagne des sous. Exemple : je produit un objet quelquonque, et je déverse dans la rivière tout les déchets industriel. J’externalise une partie du coût de la production (sur le terrain du voisin, sur l’avenir de la planète), le tout sous caution de responsabilité limité.
Ce ne sont pas des épiphénomènes, c’est le coeur de notre système économique.
Du coup oui la proposition de Julien Alexandre prends tout son sens. La personnalité juridique octroie des droits anormaux à des personnes sous couvert d’entreprise.
Donc il n’y a pas que l’aspect « grossir » qui entre en compte, il y l’aspect « au détriment des autres »… sinon la croissance serait en fait une recherche permanente de qualité et non pas de quantité.
dans la continuité de cet article,
– une lecture « alternative » de la trilogie de MATRIX – notamment le 1er volet – nous ramène au contenu de l’article: le scénariste et les frères WATCHOWSKI serait ils des JULES VERNE?
-la comparaison avec les LEMMINGS, leurs ecosystèmes, n’est pas nouvelle…. Il est toutefois bon de reprendre ce type de comparaison ….
– l’economie, de même que l’anthropologie, la philosophie, bref… les « sciences » en général telles que pratiquées par une majorité de ces disciples ( même pour « la » reine des sciences, a savoir la physique) ne révèle que qu’une pensée mécaniste …. Elle ne sont que des sous-systèmes du système écosphérique… bien qu’elles revendiquent et affirment le contraire !!!
De ce fait, la pensée mécaniste , c’est l’entropie accélérée et assurée….
Heureusement que notre écosphère ne raisonne ainsi …. sans quoi…. nous ne serions pas là !
Maintenant, pour quel résultats ???? l’avenir nous le dira …
En attendant, nous pouvons toujours siffloter une p’tite chanson, jusqu’à la tombée de la nuit, et dansant autour du feu , nous tenant par la main…. nous présentons …près de la falaise… et poussons notre cri de ralliement et libérateur, pareil à celui des lemmings : » HUIN ! HUIN! » HUIN! HUIN! »
Bonne journée .
Signé : la tomate HUIN!HUIN!
@ Paul
Je suis d’accord avec votre double parallèle démocratie/biologique et capitalisme/physique. Toutefois la nature fait-elle réellement preuve d’anticipation ?
On sait que le processus évolutionniste du vivant est essentiellement sélectif – les plus forts survivent -, mais également adaptatif, réagissant aux propres évolutions de son environnement. Est-ce pour autant de l’anticipitation ? Quoi qu’il en soit, je voulais seulement faire remarquer que si le capitalisme n’est pas adaptatif c’est peut-être parce que contrairement au biologique il évolue selon ses désirs – colonialistes comme vous dites – sans tenir compte de son environnement au sens large, qu’il soit social ou autre (mauvaises répartition des richesses, changement comportemental des foules, épuisement des ressources naturelles, etc). C’était également le cas du communisme des soviets…
Alors, l’erreur fatale ? Probablement.
Bonjour à tous
la croissance! la croissance! la croissance! Orginet, Porginet!
C’est le leitmotiv des TUMEURS!
« les plus forts survivent » vieux présupposé d’orgueil et de vanité!
D’une population de grains de blé, de souris et de chats qui est le plus fort? lequel survit?
Cordiales salutations.
@Vince
Si depuis le temps que « seuls les plus forts survivent », il ne devrait rester que peu d’espèces sur Terre, non ?
Il ne faut pas oublier la coopération dans tout cela
Voir par exemple http://www.co-creation.net/weid/txt-weid/chap3.htm ( la guêpe et l’orchidée, en milieu de page)
bonjour,
l’image des lemmings me semble la mieux adaptée, alors que Bâle II a montré de manière fracassante son échec on continue à vouloir promouvoir sa version assurantielle Solvency II. Paul je vous assure chaque réunion est surréaliste, frappé d’autisme, on continue d’avancer sans tenir compte du monde qui s’écroule… desespérant
christophe
La chimiothérapie va t’elle être réellement efficace sur les métastases?
Difficile à dire car aucun traitement n’a encore été essayé sur ce genre de cancer.
@ Anne. J
Les plus forts, ou les plus adaptés si tu préfères. « Il ne devrait rester que peu d’espèces sur Terre, non ? » Seules les espèces qui ont la capacité de s’adapter survivent, les autres disparaissent. (Si tu voulais dire que l’homme est responsable de la disparation de nombreuses espèces à cause de ses activités modifiant négativement l’environnement, on est d’accord.)
@ Paul Jorion et all
De la même manière que all, je ne suis pas d’accord avec ça :
« L’économie sous sa forme naturelle n’est pas seulement darwinienne, elle reflète aussi la nature propre de l’homme en tant qu’espèce. »
La première chose qui me vient à l’esprit est de dire : « Pourquoi on se torturerait autant les méninges sur ce blog, si d’aventure il existe une nature de l’homme qui permettrait de légitimer le fonctionnement actuel de l’économie ? »
Si la nature de l’homme c’est de produire une domination totale sur les autres espèces et de créer des rapports de domination au sein même de son espèce, je ne vois pas pourquoi on se fatigue. Les dominants dominent, et les dominés subissent, c’est la nature des choses…
Non, sérieusement…
L’économie tombent dans la catégorie culture, car c’est un construit social. Je ne remets pas en cause le fait qu’elle est aujourd’hui le fruit de tout un système de rapports de domination. Certes… Mais, de là à dire que cela proviendrait d’une nature humaine et que l’on a que l’économie que l’on mérite.
Je pense que d’autres rapports de domination aurait donné une tout autre économie. Imaginons une société où des écolos serait dans une position dominante par rapport aux capitalistes…(C’est beau de rêver). Il me semble que la forme que l’économie prendrait serait tout autre et que cette aspect colonisateur que vous soulignez avec raison n’aurait pas droit de cité…
Non ?
@ Paul et All
J’ai suivi le premier message de All et la réponse de Paul que je trouve très intéressante et que je souhaiterais voir être plus développée.
1. Je partage l’avis de All car il est très aisé, à partir de l’affirmation selon laquelle la concurrence est un processus naturel d’un point de vue anthropologique, de passer à un énoncé impératif : la concurence est un processus naturel donc l’économie est un processus naturel dont les lois nous disent comment organiser nos sociétés. Cette thèse est désastreuse pour la démocratie car elle oppose la vérité revendiquée de ces lois au peuple.
2. En lisant ce qu’écrit Paul, je ne peux m’empêcher de ressentir une forte répulsion car je pense que ce genre de propos pourrait être tenus par Thatcher (There is no alternative) ou Hayek (vu le passé en IA de Paul, ce n’est pas étonnant). En même temps, je songe aux règles de la méthode sociologique de Durkheim. Est un fait sociologique ce qui s’impose à la volonté de l’individu. Si la sociologie est considérée comme une science (c’est le cas pour ma part), alors pour établir des énoncés ayant valeur scientifique il est nécessaire de dépasser ce qu’il considère comme de l’analyse idéologique ( Spencer et Compte) où le discours sociologique ne fait qu’analyser, au sens kantien, de manière philosophique, des notions.
3. Paul écrit que la démocratie est assimilable au bios et peut donc évoluer et que l’économie est assimilable à la phusis. J’ai envie de botter en toucher en disant, à l’instar de Dilthey et de Cristall, que d’un point de vue épistémologique, les sciences de la culture suivent des règles particulières. En économie comme en sociologie, une loi scientifique n’est valable que dans une époque et dans un espace donné.
4. Soit le scientisme, soit un scepticisme nihiliste. Existe-t-il quelque chose entre les deux ?
Très bon texte.
Moi qui ne comprends rien à rien (ne suis ni financier, ni philosophe…), cela me fait penser à une citation de Claude Lévi-Strauss :
« J’imagine que l’humanité n’est pas entièrement différente de ces vers de farine qui se développent à l’intérieur d’un sac et qui commencent à s’empoisonner par leur propres toxines bien avant que la nourriture ou même l’espace physique ne leur manque !
Nous sommes habitués par toutes nos traditions intellectuelles à une échelle de rapport entre l’humanité et la planète qui est en train de se transformer de manière radicale ; je ne suis pas du tout persuadé que nous soyons moralement, psychologiquement, peut-être même physiquement équipés pour y résister. »
Or, non seulement nous empoisonnons notre planète et nous même avec les conséquences délétères que l’on suppose aujourd’hui, émissions de GES entrainant une augmentation des températures moyennes, une acidification des océans, une montée du niveau des mers, une chute de la biodiversité… (ce dont le MEDEF n’a strictement rien à cirer, je caricature à peine), mais nous brûlons aussi à vitesse grand V les dernières ressources fossiles énergétiques qui nous ont permis le meilleur (civilisation matérielle extraordinaire) comme le pire (environnement) ! Mais n’est-ce pas, toute remarque à ce propos fait passer son annonceur pour un écolo, millénariste, alter quelque chose chevelu et encagoulé du fin fond du Chiapaz !
Pour donner à nouveau dans la parabole, je dirais que le vent faibli (les énergies), les hauts fonds et récifs se rapprochent (crise environnementale), mais nos chers économistes de tout poil discourent du réglage des voiles et de la taille du spi alors que nos embarcations n’ont pratiquement plus de coque (un type de société solidaire « à la française » avec assurances chômage et cie) et sont dotés des derniers hydrofoils (les saintes règles de l’ultralibéralisme : moins d’état, moins de taxes et d’impôts, moins de règles…) qui n’ont aucune portance par pétole (vent faible voire nul). Certains continuent à alléger le rafiot en virant rames, pare battes et dérives, en jetant par dessus bord les réserves d’eau douce, d’autres proposent de nouveaux spi en remplacement du génois (grand foc) et tout ce beau monde cause des écoutes (cordages permettant de régler les voiles), des taquets coinceurs et autres winches…
Quant à ceux qui voient le vent mollir, les courants contraires, les écueils proches et le rafiot prendre l’eau… le reste de l’équipage ne les écoutent pas ou se foutent de leur gueule.
Allez les gars ! causez , causez, causez…
Bonsoir à tous.
Bonjour monsieur Jorion,
votre article intitulé « Les lemmings » est discutable à plus d’un titre, essentiellement à cause des concepts apparemment auto-évidents sur lesquels il s’appuie.
La première phrase semble en définir le contexte, et pose un postulat sur la nature humaine, dont on déduit le caractère de l’économie – L’économie sous sa forme naturelle n’est pas seulement darwinienne, elle reflète aussi la nature propre de l’homme en tant qu’espèce. –
J’avoue que je ne comprends pas la pirouette. J’aurais tendance à penser que « l’économie sous sa forme naturelle » est nécessairement pré-humaine (pré-noosphérique, selon Vernadski), et que par ces termes vous faites référence à l’état et à l’activité de la biosphère avant que n’intervienne la cognition humaine. Mais alors, si c’est effectivement ce que vous entendez, comment pourrait-elle refléter « la nature propre de l’homme », même « en tant qu’espèce » ? N’est-ce pas « l’économie sous sa forme naturelle » qui devrait se refléter dans la nature humaine ?
De plus, si Darwin propose une théorie sur la cause de « l’économie sous sa forme naturelle » à travers sa théorie de l’évolution, en se fondant sur les hypothèses malthusiennes de ressources limitées et de survie du plus apte, cette théorie n’est pas la seule. D’autres chercheurs ont considéré que, si l’on constate empiriquement dans la biosphère les faits que Darwin décrits, sa théorie ne rend pas raison de l’orientation apparente de l’évolution de la biosphère pré-humaine, et ils proposent une notion de corridor évolutionnaire et de « feed-back » évolutionnaire, bref de « moindre action » au sens leibnizien.
La biosphère montre un souci d’économie et de recherche d’efficacité dans son évolution.
Je prétends que l’évolution de la biosphère pré-humaine s’est produite selon des « principes » non-malthusiens, et non-darwinien, et que l’économie de la biosphère pré-humaine reflète ces principes. Je crois aussi que l’économie humaine ne fonctionne que lorsqu’elle reconnaît ces principes, et non lorsqu’elle se contente des thèses de Malthus, de Darwin et de Smith, qui ne s’appliquent qu’aux empires, aux marchands et aux pirates, mais nullement aux créateurs, aux producteurs et aux transformateurs.
Voici ce qu’est l’économie :
L’économie est la science de la maîtrise croissante par l’homme des processus physiques et biosphériques.
Maîtrise ne signifie certainement pas dévastation. Les sociétés humaine organisées ont pour but de se conserver, mais plus encore de se perpétuer dans les meilleures conditions possibles, et c’est lorsque que l’économie était dirigée par ces principes que l’on a connu les grandes révolutions, politiques, culturelles et matérielles.
Au contraire, lorsque l’économie fut abandonné à des parasites (féodaux, marchands, spéculateurs, nomenklatura), les effondrements sanitaires, stratégiques, culturels ont été systématiques.
Nous sommes au bord de la falaise, comme vous dites, non pas à cause de notre nature, mais parce que les dernières cinquante années économiques, voire le vingtième siècle entier, ont vu les conceptions économiques impériales dominer sur les conceptions protectionnistes nationales, qui sont pourtant la seule source de la Révolution industrielle et du progrès humain(cf. Friedrich List).
Plus loin dans votre article, vous regrettez que les entreprises commerciales ignorent comment se réguler. Cela n’a pas de sens. Toute entreprise est fondée sur le principe de développement, et la loi protège ce principe. Une entreprise qui « maigrit » est une entreprise en difficulté. Les gouvernements régulant l’activité des entreprises se contentent de les orienter et de leur interdire autant qu’il est possible la tentation du crime.
L’opposition entre démocratie (biologique) et capitalisme (physique) est fallacieuse. Ce que vous appelez capitalisme n’est certainement pas la forme naturelle de l’économie, c’est la structure financière impériale de l’ex-empire britannique. Si cet empire s’est soi-disant dissous en 1945, il n’a par contre rien perdu de sa volonté hégémonique mondiale et de sa puissance.
Les états-nations démocratiques sont en eux-mêmes, par la définition implicite dans leurs constitutions, des projets économiques. Ils sont développeurs, organisateurs et créateurs. Ils n’ont qu’un ennemi, l’empire, dont l’action économique est le pillage et la destruction. Et c’est parce que cet empire essaie à tout prix de se maintenir aujourd’hui que nous sommes au bord de la falaise.
Finalement, je pense que votre article est soit réservé à une caste ésotérique qui comprend votre langage secret, soit le charabia d’un homme trop habitué aux flatteries institutionnelles. Il est anti-historique, en ce que vous remplacez la causalité historique qui est à l’origine de la situation contemporaine par des pseudo-principes « universels » et des analogies bancales.
Sur vos conceptions écologiques (les ressources, l’environnement, le rôle de l’homme), je vous propose de lire deux textes de Vladimir I. Vernadski, que j’ai déterré récemment :
« L’autotrophie de l’humanité », ici :
http://www.larecherchedubonheur.com/article-24980287.html
et
« Sur la différence énergéticomatérielle fondamentale entre les corps naturels vivants et non vivants dans la biosphère », ici :
http://www.larecherchedubonheur.com/article-27522427.html
@ Julien Alexandre
Je ne comprends pas la finalité de votre suggestion. Encore moins la seconde : l’entreprise ne cesse jamais de poursuivre la réalisation de son objet social (ses « missions et objectifs »)…
La lecture de vos derniers billets m’a donné envie de vous envoyer un commentaire « impressionniste ».
Vos lemmings m’ont rappelé un article à propos de ces petites bêtes tendant à expliquer les raisons de leur disparition soudaine et de leur réapparition apparemment tout aussi soudaine sous la forme d’un problème « à trois corps » : les lemmings, leur nourriture et leur prédateur.
En gros, les lemmings se développent lorsque la nourriture est abondante, les femelles pariant qu’elle le sera encore pour l’année suivante. Le prédateur décalé dans le temps augmente sa population, la nourriture de la petite bête reste elle en quantité stable. Périodiquement la population de lemming croît et décroît brutalement jusqu’à donner cette impression de se jeter tous ensemble de la falaise. Bien entendu, quel que soit le moteur, le résultat semble le même.
J’ai l’impression que l’on peut aussi regarder le comportement des entreprises quelles qu’elles soient comme aussi cette sorte de problème « à trois corps ».
Ce qui m’amène à me poser la question de votre présupposé sur ce que devrait être l’entreprise ou, d’une manière plus générale, l’activité humaine. Il se peut que celui-ci apparaisse dans la fable de Schrödinger et dans votre définition de la Raison J mais j’aimerais bien vous voir l’expliquer.
Ce chat, pour autant que je m’en souvienne n’a pas 7 vies pour vous, il a choisi ou, plutôt je crois, le choix a été fait et on en verra, à la fin des temps, sa raison.
Pour quelle raison le chat ne peut-il qu’avoir choisi au lieu d’être de tout temps probablement là ou pas là ? Pourrait-il occuper une position médiane, celle dans laquelle il a choisi tout en n’ayant pas trop choisi et se laissant quelques portes de sorties pour choisir à nouveau ?
Nous avons suffisamment de témoignages comme celui de Lovecraft dans Hypnos (je crois que c’est le titre de la nouvelle) montrant des humains ayant simultanément plusieurs vies, certaines plus actuelles que d’autres mais à quel point ? On dit que le cerveau distingue mal (ou ne distingue pas du tout) ce qui est lui est extérieur de ce qui lui est intérieur. Ne pourrait-il pas mener des vies différentes en profitant de ces deux espaces, enclenchant des variétés autant qu’il le peut ?
Ce qui me ramène à vos lemmings. Combien de vies mènent-ils ? Selon votre fable ils n’en mèneraient que deux, la vie de la mort et la vie actuelle. Selon la mienne ils en mènent au moins trois : la vie de la mort, la vie du futur, la vie actuelle. L’une des fables est-elle préférable, je ne sais pas ? Mais ce que l’on pourrait reprocher aux entreprises (ou à de nombreuses entreprises) c’est de ne mener qu’une vie, la vie actuelle, un présent étendu.
Donc s’il y a crise ne serait-elle pas due à cette forme de pauvreté de vie que certains s’infligent et infligent n’ayant pas alors de vies de rechange. Ceci pour répondre au billet de JM Granier, les auteurs cités me semblant plus pouvoir être classés selon qu’ils croient à la possibilité de vivre une ou plusieurs vies simultanément ou l’une après l’autre, à l’existence de moteurs particuliers pour faire fonctionner cela, certains comme Badiou peut-être, cherchant dans la Révolution le moteur permettant de sauter de la vie actuelle à la vie meilleure.
1) La nature humaine est ce qu’elle est et ne changera pas avant plusieurs dizaines de milliers d’années (si l’espèce existe encore à ce moment). Comme tous les primates, l’homme est un animal (il n’y a que certains philosophes pour prétendre que l’homme est « différent » de l’animal) à la fois social (avec une structure hiérarchique) et grégaire : il aime vivre en groupe, et il a tendance à rechercher une position dominante dans le groupe quand il en a la possibilité (au moins pour les « leaders »).
2) Je lis dans certains commentaires qu’il aurait existé avant le capitalisme un supposé « état » ou l’homme vivait en harmonie avec la nature, en la « respectant », et n’était pas « conquérant ». Ceci est totalement faux et relève d’une idéalisation du passé (au niveau de la psychologie des foules, le repli sur soi et le passéisme sont d’ailleurs caractéristiques des périodes de crise qui reviennent de façon cyclique) : L’espèce humaine faisait moins de dégâts à son environnement simplement parce que les humains étaient beaucoup moins nombreux, et ne disposaient pas d’une technologie suffisante pour le faire. Mais le « respect de l’environnement » était vraiment le dernier des soucis des civilisations de l’Antiquité ou du Moyen-âge. Le « capitalisme » n’a rien à voir avec cela.
3) Des civilisations basées sur la colonisation, la conquête, et des rapports de pouvoir et d’économie bien plus féroces que ceux de la période actuelle existaient au moins depuis l’Antiquité, et sans doute depuis encore plus longtemps. Cela n’a également aucun rapport avec le « capitalisme ».
Une conclusion me semble évidente : l’espèce humaine est sociale-hiérarchisée (avec compétition pour les positions dominantes) et territoriale et le restera, quels que soient les rêves des philosophes, penseurs et intellectuels d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Tout discours niant cette réalité et prétendant construire un modèle social planifié et basé sur un homme au comportement « idéalisé » se soldera donc par un échec total, et aboutira à une situation bien pire (la nature humaine reprenant alors le dessus dans une forme quasiment non régulée).
L’espoir et les changements favorables apportés par l’histoire viennent à mon avis plutôt du fait que grâce au brassage ethnique et culturel qui se développe (grâce au progrès technique et scientifique qui le permet), les groupes humains sont de plus en plus grands (petites tribus -> peuplades -> nations -> groupes d’états type USA ou Eurozone), et l’espèce humaine devient de plus en plus homogène culturellement (ce qui diminuera les conflits dans un avenir encore lointain).
Lorsque nous arriverons au stade où la population mondiale sera organisée en quelques « super-états » (5-6 maximum) dont les embryons actuels sont des associations comme la communauté européenne, il commencera à y avoir une gestion régulée des ressources et de l’environnement à l’échelle de la planète (discuter efficacement de ce sujet à 5 ou 6 est possible, pas à 100 ou 200).
Le stade suivant ou la régulation sera encore meilleure sera le moment où nous arriverons à avoir un seul état mondial, quand le brassage ethnique et culturel sera suffisamment avancé. Cela ne se fera pas avant plusieurs décennies (dans le meilleur des cas), et dans l’intervalle, il peut y avoir « quelques » problèmes.
Dimanche soir
S’étant gavé de G 7 et Drücker
Et bu de la semaine une septième bière
J.C. Dieu— convoque Jean Claude Trichet .
« Des crises de mon Univers, J’en ai bien plus qu’assez.
Je le mets donc en vente et ceci sans bavures.
Soit mille milliards d’euros.
-En pièces ou en petites coupures ?
-En lingots.
Jean Claude très excité piquette sa calculette:
« Tout Puissant je vous donne un siècle de haut salaire,
En euros 100 milliards.
Estimez vous heureux car votre bel univers
N’est que vide et trous noirs.
-Tope donc là, répond Dieu, en ouvrant sa cassette.
-Que ferez-vous Seigneur du magot financier ?
-Je crée un nouvel univers, sans banquier,
Sans guerrier, sans apôtres qui m’assomment
Bref sans hommes…
Donc sans Dieu
Léon L
Il y a activité et activité. Ce que cet article met en lumière, c’est le fait que notre planète soit finie et que nous sommes en train de nous heurter à cette réalité alors que nos concepts philosophiques actifs datent d’une époque où cette « finitude » était bien abstraite. Le premier que j’ai entendu parler de cette question est Albert Jacquard. Pourtant, nous créons de nouvelles activités qui consomment très peu de matière et très peu d’énergie et l’infini réapparaît dans ces domaines. Si nous réussissons à réguler la population vers 8 ou 9 milliards de personnes et à orienter assez notre activité vers moins de voracité en matière et en énergie, ce n’est pas vraiment à un problème de richesse matérielle globale auquel nous nous heurterons, mais à une modification permanente des règles effectives d’accès à l’activité ou à l’existence sociale. Cette modification est beaucoup trop rapide pour beaucoup d’entre nous. La croissance devient de plus en plus inefficace à compenser ce déficit d’adaptation, c’est pourquoi il devient de plus en plus important de diversifier les mécanismes de socialisation. C’est un des fondements de la démarche que je propose dans le blog en lien.
En zoologie et en parasitologie , on parle de « niche écologique ».La niche écologique détermine l’occupant, celui qui a les caractéristiques correspondant à la niche ou qui les a acquis (Pas forcement le plus fort). Si on élimine une espèce ou qu’on la chasse de sa niche , une autre espèce viendra occuper cette niche (comme si la nature avait horreur du vide).A la suite d’une explosion atomique , les blattes nous survivent.
Cependant cette nouvelle espèce apportera avec elle des inconvénients nouveaux. Exemple :sous prétexte de rage on élimine des renards de leur niche en Europe de l’ouest. D’autres renards de l’est viennent coloniser ces niches mais apportent avec eux une maladie nouvelle, l’échinococcose alvéolaire.
La niche écologique reflète la nature propre de son espèce occupante.Je m’avancerai en parallèle au propos de Paul pour dire que l’économie est une niche écologique de l’homme.Les méfaits du capitalisme peuvent nous en chasser .Seule une constitution économique issue de la démocratie peut nous y maintenir.
@Loïc
L’homme serait un animal?
De l’animal , il a encore l’instinct de survie ce qui fait qu’éffectivement , et encore à l’heure actuelle, il utilise une vieille recette d’homme des cavernes à savoir « rechercher une position dominante dans le groupe quand il en a la possibilité ».
Cependant, la particularité de l’homme est UNE ETONNANTE adaptation lié à l’ancestral instinct de survie.
Si le principe même de compétition jusqu’auboutiste devient cause de sa perte programmée , il la remettra en question.
Avec plus ou moins de succès , d’où les difficultés à venir.
Note optimiste : le temps qui nous est offert n’est que l’occasion d’un apprentissage.
…http://www.dailymotion.com/video/x1moe5_lemmings_videogames
Excellent article, qui fait écho aux premiers chapitres de l’excellent essai d’Isabelle Stengers, Au temps des catastrophes – Résister à la barbarie qui vient – paru récemment aux Editions Les empêcheurs de penser en rond/ La Découverte.
Julien Alexandre dit :
20 février 2009 à 08:48
Une proposition radicale pour la Constitution pour l’Economie :
Une entreprise ne peut pas être dotée de la personnalité juridique.
un peu moins radicale :
Une entreprise ne peut être dotée de la personnalité juridique que de manière très temporaire, le temps pour elle d’accomplir les objectifs/missions qu’elle s’assigne.
faut il comprendre que les hommes qui composent ces entreprises doivent être responsables personnellement des actes de ces entreprises ?
qu’on ne peut pas se « cacher » derriere une organisation économique et commerciale pour ne pas porter « personnellemnt » la responsabilités des errances , des erreurs et des nuisances des entreprises ?
@propos des propos de loïc
si la solution à l’impossibilité de dialogue à 100 ou 200 pays pays nétait que la création de quelques supers états ( cinq ou six) , suivi de la naissance d’un état , celà voudrait dire que la force de l’autorité unique serait privilégiée à la créativité du dialogue.
Le vrai dialogue réside dans la compréhension de l’autre .Nier l’autre et sa différence , tenter d’uniformiser les êtres ou les états ne sert à rien.
Un monde avec un seul état serait fragilisé de par même sa consanguinité d’idées.
Si cependant , ce scénario est probable, à terme, il est voué à l’échec.
Tout simplement parce que la fragilité des dinosaures est bien réelle.
Tout comme la puissance sans l’adaptation est illusoire.
C’est le problème de la docilité aux injonctions de l’autorité suprême, jusqu’au jour de l’ordre imbécile , celui où les lemmings , tous autant qu’ils sont, sont invités à sauter dans le vide.
Attn Jean Gabriel :
Je rejoins certains de vos propos quant à l’article « les lemmings ».
Je constate que votre argumentation, basé en partie sur lecture sous un angle résolument différencié .
J’ajouterai toutefois ceci, en complément de vos propos :
– lire egalement de VERNADSKY .V – La biosphère – SEUIL – Points sciences, 2001.
– lire également de Ed. GOLDSMITH – Le tao de l’ecologie – Ed. du Rocher
– lire également de E. ODUM – la statégie de développement des écosystèmes – Science 1969.
Enfin , pour terminer , quelques réflexions :
vous dites – je cite :
» nous sommes au bord de la falaise … parce que les 50 dernières années , voir le 20 ème siècle tout entier… » —> certains proposent plutôt une origine remontant au 17 ème siècle, avec une intensification depuis le début du 19 ème siècle …. ne croyez vous pas … réflexion faite ????
Une entreprise » commerciale » n’a pas pour but de se réguler . Elle l’ignore !!!! Je vous rejoins . Toutefois, ne peut on trouver , imaginer, concevoir, mettre en application , modéliser, définir un mode d’existence d’entreprise non centré exclusivement sur l’aspect « commercial »…. M’est avis que OUI !!! cf observation de la nature, pas très loin de chez vous……
Pour terminer vous dites – je cite : « …l’économie est la science de la maitrise croissante par l’homme des processus physiques et biosphèriques… ». Il faudra me démontrer ou la maitrise de l’homme – croissante ou non , par ailleurs – des processus physiques et biosphériques s’effectue !!!! SVP ! donnez moi, ne serait ce qu’un exemple …
Attn Mr ABADIE Loic :
Vos propos me rappellent un livre – entre autres – :
» Une brève histoire de l’avenir » de J . ATTALI .. . Il y a certains points identiques et convergents dans vos propos …
@Loic Abadie: « Je lis dans certains commentaires qu’il aurait existé avant le capitalisme un supposé « état » ou l’homme vivait en harmonie avec la nature, en la « respectant », et n’était pas « conquérant ». »
J’ai l’impression que vous faites référence à mon commentaire. Si c’est le cas, c’est une mauvaise lecture de ce que j’ai écris: « L’économie relevait du biologique avant le capitalisme (en gros avant 1789), elle était adaptative et non-colonisatrice. » Ceci signifiant non pas un quelconque souci écologique d’une naïveté rousseauiste (la déforestation allait bon train au Moyen-Age, etc) mais que l’objectif économique n’était pas la croissance mais la stabilité (par les corporations par exemple). Cet objectif de stabilité économique découlait naturellement de la main-mise du politique sur l’économique. Et vous avez raison de faire allusion à la démographie et à la technologie, mais il vous échappe totalement que ce n’est pas un hasard si la démographie n’a pas explosé durant des siècles ni la technologie fait des bonds fulgurants. Le contrôle démographique découlait de l’adaptation aux ressources alimentaires disponibles et celles-ci n’ont pas augmenté considérablement pendant des siècles parce que le système bloquait toute innovation technologique trop déstabilisante (par les corporations, où directement par le pouvoir politique, l’exemple de la Chine est frappant). C’est d’ailleurs pour cette raison que les libéraux (les physiocrates) voudront la fin des corporations, cela bloquait l’innovation et l’investissement (les libéraux avaient raison sur le diagnostic, le choix d’un objectif de croissance ou de stabilité étant par contre un choix de société).
Le capitalisme a donc beaucoup à voir avec cela. Je le répète: le capitalisme a déplacé le système de concurrence et donc de la loi du plus fort qui se situait au niveau politique vers l’économique. C’était une volonté explicite des premiers libéraux (des philosophes, et oui!), qui pensaient ainsi éviter les troubles politiques. Ce n’était pas une mauvaise idée, elle était en tous cas louable, si ce n’est qu’elle se fondait sur une prémisse fausse (la main invisible), qu’elle fut dévoyée et que le pouvoir politique se déplaça lui aussi de fait vers l’économique. Au lieu d’une démocratie, nous eûmes donc une ploutocratie et maintenant une kleptocratie pure et simple. Il nous reste maintenant à démocratiser l’économique.
Lorsque je lis « Jorion et les lemmings », je relis très exactement la critique systémique des années soixante, à la différAnce près que l’aspect politique (développé ici, mais ailleurs, sur son blog) était absent. Les conséquences de la prédominance du mode de stabilité par la croissance exponentielle n’étaient analysées, à l’époque, que par quelques « marxistes » un peu sectaires, accumulation du capital, paupérisation, etc.…
Alors voilà, avec le retard, je me dis que l’analyse de Jorion tout aussi juste qu’elle soit, est sans doute déjà dépassée : les « pauv’ cons » que nous sommes sont toujours une guerre en retard sur les manœuvres de petits malins…
@ tomate :
Vous dites : »certains proposent plutôt une origine remontant au 17 ème siècle, avec une intensification depuis le début du 19 ème siècle …. ne croyez vous pas … réflexion faite ???? »
Non, je ne crois pas, et voici pourquoi. L’état-nation agro-industriel en tant que menace existentielle à l’empire n’existe que depuis le milieu du dix-neuvième siècle.
Ce n’est que par la distance et la profondeur du territoire que la jeune république américaine a résisté à la reconquête impériale deux fois (guerre d’indépendance et invasion de 1812). Mais la puissance industrielle et commerciale des Etats-Unis n’a commencé a être une menace vitale à l’empire qu’à partir de l’élan d’industrialisation impulsé par Lincoln et les Whigs, protégé par les politiques protectionnistes inspirées de F. List.
Dans la seconde moitié du 19ème siècle, après l’exposition universelle de Philadelphie en 1876 particulièrement, le modèle américain est devenu la référence mondiale du développement national agro-industriel et a essaimé par exemple en Allemagne avec Bismarck, en Russie grâce au Comte Witte, au Japon avec l’ère Meiji, dans l’empire Ottoman avec Ataturk, et un peu partout en Amérique du Sud.
Si bien que le rapport privilégié (monopole commercial) qu’avait l’empire avec ses colonies fut gravement atteint, les colonies souhaitant s’émanciper avec l’aide du modèle américain. Sans la première guerre mondiale, l’empire britannique aurait sans doute disparu économiquement par faillite, et la réorganisation mondiales des frontières en 1918 ne l’a été qu’au profit de la permanence impériale.
C’est pourquoi je défend l’idée que le vingtième siècle est un siècle de guerre « à mort » entre deux modèles économiques : l’empire mondialisant contre l’état-nation agro-industriel protectionniste. Avec un peu de chance, la désintégration actuelle du système financier international signera l’acte de décès du modèle impérial mondialisant.
Sur la question de démontrer que « l’économie est la science de la maitrise croissante par l’homme des processus physiques et biosphériques », je m’appuie sur le constat de Vernadski de l’accélération croissante par l’humanité des flux biogéochimiques planétaires et sur la densification du flux énergétique par tête et par unité de territoire.
Je ne pense pas avoir besoin de démontrer la question de densification du flux énergétique. Pour l’accélération des flux biogéochimiques, on pourrait regarder du côté de la circulation de l’eau, du carbone, des métaux et de toute une série de minéraux, dont la circulation a été multipliée de plusieurs ordre de grandeur dès la seconde moitié du dix-neuvième siècle.
Ces accélérations et densifications sont le fruit de l’accumulation culturelle de conceptions scientifique, métaphysiques et poétiques, et des organisations sociales et des technologies qui en découlent.
L’économie a pour vue le maintien et la perpétuation de la société, la « reproduction sociale », et s’intéresse au processus physiques et biologiques le permettant. Les questions monétaires et financières sont subalternes à cet objectif, il s’agit, comme disait de Gaulle, de « l’intendance » qui suit. Tenter de traiter une crise financière comme celle où nous nous trouvons aujourd’hui avec des recettes monétaristes, comme c’est le cas depuis le G20 de novembre, est une perte de temps.
Protectionnisme, relance agro-industrielle, création monétaire remise entre les mains du Souverain (banque nationale) et programme internationaux de co-développements infrastructurels sont le bon chemin à prendre au XXIème siècle.
Par delà toute analogie avec un processus biologique ou un processus physique, « La » démocratie (je laisse de côté le problème posé par ses innombrables facettes pour ne pas dormir là cette nuit) reste un processus historique dont il est relativement facile de suivre le cheminement à travers l’âge récent de l’humanité – disons trois millénaires pour être historiquement cohérent et raisonner sans trop rien oublier.
Il me semble que cette histoire là non plus n’a pas été exempte de collisions frontales et d’embardées chaotiques de toute sorte. Pour reprendre vos analogies, elles relèveraient donc pour moi aussi bien de la physique que de la biologie.
Ce qui me gêne en fait dans votre démonstration, c’est que vous ne considérez les espèces vivantes avancées ( ?) qu’à l’aune de leur comportement colonisateur, avec pour principal résultat l’épuisement des ressources naturelles du territoire où il s’exerce.
Dans le cas de l’espèce humaine, vous oubliez une autre forme de comportement qui a sa logique propre par rapport au précédent. Ce comportement a joué d’ailleurs un grand rôle dans l’histoire de la démocratie, dont elle a souvent constitué la trame de fond odieuse, je veux dire odieuse à ceux qui n’aiment pas se pencher sur cette vérité là.
Je veux bien sûr parler de la guerre.
De la « fraternité » (les guillemets sont faits pour nuancer, pas pour nier) du prolétaire, du paysan et du « Monsieur » -patron, intellectuel ou nobliau- dans les tranchées de 14/18, à la grande rédemption démocratique et sociale du Front Populaire, il n’y a qu’une grosse quinzaine d’années. Et l’on peut remplir bien des volumes de bibliothèque en multipliant ce genre d’exemple.
Pour étayer votre pensée, vous avez recours à une allégorie zoologique, la course des lemmings vers l’abîme. Je vais vous parler moi d’une autre bestiole qui a de tout temps accompagné, tel un vieux frère répugnant, les hantises, les peurs, et les catastrophes de l’humanité. Notre cousin le rat.
C’est peut-être ce que Konrad Lorenz (je sais que le personnage ne manque pas de soufre) a démontré de mieux, il n’y a que deux animaux avancés pour se faire la guerre et se tendre des embuscades meurtrières et subtiles : l’homme et le rat. Plus que l’homme encore, l’histoire du rat n’est qu’une longue litanie de guerres de clan, et cela jusqu’au dernier sang.
D’après Lorenz, il ne devrait y avoir au bout de l’aventure plus qu’un seul clan de rat sur la planète, celui du vainqueur, par anéantissement de tous les autres.
Libre à vous de voir, dans ces moeurs désespérants, une analogie d’ordre physique avec la lutte libre permanente des particules. Moi j’y vois quelque chose de fondamentalement biologique, parce que déterminant un comportement inné.
Mais le problème qui nous préoccupe n’est pas là. Il est plutôt dans le fait que l’homme est capable de dépasser autant la physique que la biologie par la CONSCIENCE. C’est par la conscience, et, entre autre, par l’idée démocratique qu’il a pu se forger par sa conscience, que la guerre totale des clans humains n’aura peut-être pas lieu. Sauf bien sûr pour Loïc, qui s’est déjà résigné au triomphe « en douceur » (ben voyons) du clan global, grâce au « métissage » entre autre (jamais en retard d’une tarte à la crème le bonhomme !).
J. Attali dans sa réponse à Jorion –la crise et après – a posé une question très intéressante : comment pour l’avenir gérer les crises résultant de l’asymétrie d’information entre présent et futur ? L’intérêt de l’approche de Paul est que son analyse nous place d’entrée de jeu au niveau systémique, au-delà de la position particulière aux acteurs, c’est l’agencement général du jeu qu’il faut revoir ; c’est le moment de la « nuit du «4 août pour dévots de la croissance» – . Franchement, ce ne doit pas être difficile pour Attali d’imaginer quelques dispositifs tampons d’assez grande généralité, et permettant d’étaler, en prolepse, les temps d’adaptations. Attali voudrait que nous nous résignions à gérer les crises ; certes c’est dans la tourmente que s’affirment les capitaines.
L’équipage terre demande une navigation tranquille…
@ Daniel Dresse
N’y a t-il pas un paradoxe en proclamant que l’homme peut dépasser la biologie par la conscience et le fait de dire cela :
« Moi j’y vois quelque chose de fondamentalement biologique, parce que déterminant un comportement inné. »
Selon vous il serait possible que quelque chose d’acquis (la conscience), prenne le pas sur un comportement inné ?
Peut-être y a t il des exemples qui permettent d’étayer cette thèse, mais je n’en connais pas.
Je suis en désaccord sur le fait de dire que le système auquel nous avons aboutit aujourd’hui est le fruit exclusif de l’innée. Pour ma part, je considère effectivement que les actions de notre espèce sont le produit d’un système de domination. Ce mode de fonctionnement provient de l’innée. En revanche, la nature de nos actions est déterminée par l’idéologie des dominants. Changer la pensée des dominants conduit à un changement de société. C’est donc une caractéristique de l’acquis.
Il est tout à fait possible de changer la logique actuelle du système : soit par un changement disons physique des dominants en place, soit par une évolution de leur pensée (lâchons du lest, conservons l’essentiel…).
@Paul Jorion
Les suisses sont très perturbés en ce moment par les murailles qui tombent elles aussi , aussi ils ont choisi de d’identifier à un autre animal mais la morale , comme dirait La Fontaine , est de la même eau :« Il faut pourtant être réaliste. Nous nous trouvons aujourd’hui dans la situation du coyote qui, dans les dessins animés, continue à courir alors qu’il a dépassé le bord du précipice ». Boris Zürcher, membre de la direction du «think tank» libéral Avenir Suisse
@PAUL !!!!
–> L’économie sous sa forme naturelle n’est pas seulement darwinienne, elle reflète aussi la nature propre de l’homme en tant qu’espèce.
Non. L’économie comme toutes les créations culturelles refléte l’abstraction que fait l’homme de l’espece humaine dans l’ethnie.
–> Le comportement « colonisateur » conduit à envahir de manière très efficace un espace et à prendre contrôle de ses ressources.
L’efficacité c’est le minimum d’effort pour le résultat maximum. C’est du domaine de l ‘industrie, pas des comportements. Je ne vois d’ailleurs aucun autre moyen pour l’homme de survivre sans prendre le contrôle des ressources. L’homme ou qu’il soit crée l’environnement (ET naturel ET culturel) dans lequel il vit.
Il y a des freins à la dite colonisation, les autres ethnies et l’épuisement des ressources. Les entreprises ce n’est pas étonnant subissent ces mêmes freins. La non-consommation actuelle et la déflation sont aussi des freins. Comme pour chacun de nous les freins à nos désirs viennent des autres, des lois et des codes et des réglements. La structure hiérarchique tient elle à la propriété.
–> En fait, ce qui motive le comportement colonisateur, c’est son présupposé qui n’apparaît en pleine lumière que lorsque son objectif a été atteint : qu’une colonisation complète ne sera jamais accomplie. Ce que les faits démentent bien sûr.
Les faits actuels prouvent plutot le contraire. L’effondrement actuel prouve que la colonisation complete ne sera pas accomplie. De même la colonisation par une ethnie d’autres ethnies n’est jamais complète, par exemple les langues des ethnies colonisées par les romains existent toujours.
–> Dans sa dimension « biologique » la nature fait preuve d’anticipation, et ceci de plus en plus à mesure que l’on envisage des animaux plus avancés.
??? Il va falloir étayer ces propos. Si la nature faisait preuve d’anticipation biologique, et étant donné que l’espece humaine est biologique, comment se fait-il qu’elle nous laisse faire. En hypostasiant la nature vous faite de la mythologie. De même seule une météorite à stopper la colonisation de la terre par les dinosaures.
–> Et c’est ce qui permet de dire que la démocratie que l’homme s’est offert à lui-même comme une institution inédite relève du biologique alors que l’économie qu’il s’est contenté d’hériter d’un stade antérieur de son organisation relève du physique seulement.
La prémisse de cette affirmation étant fausse (voir ci-dessus) elle est fausse aussi. Elle est intrinsèquement « tirée par les cheveux ». Une institution étant purement culturelle elle est la contradiction du biologique.
Le plus grave dans votre texte me parait etre d’apporter de l’eau au moulin d’idéeé comme l’eugénisme en voulant faire entrer du biologique la ou il n’a pas sa place.
–> La démocratie est adaptative mais le capitalisme qui caractérise son économie, n’est pas lui adaptatif. Les événements qui se déroulent depuis l’été 2007 le confirment si l’on devait encore en douter.
Démocratie adaptative? Elle adapte l’homme à son environnement ou bien elle adapte l’environnement à l’homme? Une institution fait les deux, toujours, car il n’y a pas d’institution sans institué et réciproquement. Qui plus est l’environnement d’une institution est culturel, pas biologique. En cas de famine (danger biologique) il n’y a plus d’institution qui tienne face aux affamés. La démocratie par ailleurs est aussi hiérarchique, tout en haut il y a Sarko (comme toute les entreprises).
Quant aux évènements actuels ils prouvent que l’économie s’adapte, même si la manière ne vous/nous plait pas.
Bref, je n’irai pas présenter ce texte face à un environnement ENA, car il me semble bien trop léger, orienté, pour ne pas dire dogmatique. Pensez à votre réputation (naissante? confirmée?) qui est le seul garant de votre audience. Il me semble que vous la mettez en danger à travers ce texte.
Cordialement.
@ Crystal (et Loïc again)
Si, il y a un paradoxe, celui qui constitue le sujet même de l’histoire de l’humanité, car, vous en conviendrez (chut ! Loïc dort), il semble que l’être humain ait contracté quelques fiévreux problèmes de conscience au cours de sa longue cavale erratique et fratricide.
Au cœur de notre innéité se trouve en effet la violence comportementale, soit le fil rouge -plutôt une corde à puit en boyaux tressés- qui relie toutes les époques historiques entre elles depuis nos origines.
Je reprends les démonstrations de Lorenz (quant à certaines conclusions philosophiques qu’il en tirées, faites comme moi, flanquez les au panier, avec celles de Loïc). La violence humaine est toujours ravageuse car, à l’image de ce qui se passe chez le rat, elle ignore l’inhibition, soit cette retenue comportementale qui empêche la plupart des mammifères supérieurs (à l’exception des deux espèces déjà citées) de s’exterminer entre eux.
Il est très rare et accidentel, par exemple, que nos prédécesseurs dans la chaîne évolutive en viennent à s’entretuer pour la possession d’un territoire ou d’une femelle. A l’inverse de nos politiques, ils savent très bien se démettre ou se soumettre, plutôt que courir le risque de se faire envoyer de vie à trépas (Il est vrai aussi que nos politiques sont beaucoup plus enclins à perdre toute prudence lorsqu’ils entendent exercer leur puissance de pénétration des femelles).
Les animaux supérieurs ont développé ainsi toute une panoplie de stratégies de substitution –à connotation souvent sexuelle- pour mimer la soumission et entériner la domination d’un membre du groupe sur un autre ou sur tous les autres. Ces stratégies ont cela de fascinant qu’elles nous renvoient à nos propres stratégies de bipèdes en station debout (je n’ai pas dit de singe, les copains de jeunesse de Loïc vont donc me jeter des bananes), chez qui les rapports de domination sous tendent toute vie sociale.
La domination sociale serait donc une tentative générale, sous l’égide de la conscience, de pacifier la violence du groupe en l’accaparant au profit d’une minorité dominante. Stratégie momentanément gagnante, mais dans la seule mesure où les bénéficiaires se donnent les règles qui empêchent la nature humaine de s’abandonner à son travers, qui est l’absence d’inhibition dans la démesure et l’avidité. N’en déplaise à Loïc, qui était déjà né sous les Assyriens, le capitalisme financier n’est pas ce que l’on a fait de mieux pour cela.
D’autres tentatives de dépasser la violence comportementale inhérente à nos semblables ont vu le jour à travers ce cadre général de domination sociale. La religion en est une. Dans le récit judéo chrétien par exemple, depuis le sacrifice détourné du fils d’Abraham à la lecture littérale des évangiles, en passant par l’impératif du décalogue (« tu ne tueras point »), la réflexion sur la violence et sa limitation de par la volonté divine (un truc pas plus bête que l’ONU en fait, et qui coûte moins cher) y est permanente.
La construction de l’état nation fut une autre stratégie, qui connut un long cheminement durant lequel l’ordre des princes s’octroya par une patiente politique du salami, le monopole de la violence aux dépens des seigneurs, depuis leur droit à la guerre privée au moyen âge, jusqu’à celui du duel sous Louis XIII.
L’Etat nation arbitre et son bras armé puissant fut surtout un moyen de mettre fin aux massacres de masse et à l’anarchie qui accompagna les débordements des guerres de religion à la Renaissance (Non Monsieur ! la guerre moderne d’extermination totalitaire n’est pas née durant la Révolution française, mais bien en Europe centrale durant cette terrible période).
L’Etat nation, grand centralisateur et producteur de droit à cet effet, fut aussi le cadre qui vit resurgir l’idée démocratique, enterrée à la fin de l’antiquité. Le processus vit le jour à la fois de par la volonté des corps intermédiaires de limiter juridiquement les pouvoirs des princes (tendance majeure en Angleterre), que de celle des sujets imposables de contrôler l’utilisation des finances publiques dont les mêmes princes étaient prodigues (tendance majeure en France). Notons au passage que l’idée démocratique est aujourd’hui fortement remise en cause par l’irresponsabilité et la prodigalité des nouvelles féodalités financières.
L’économie en général et le commerce en particulier constituèrent encore une autre stratégie d’inhibition de la violence, laquelle accompagna toutes les autres. Je vois déjà d’ici les piques et les faux se lever à l’énoncé d’une telle proposition, mais il est impossible pour moi de ne pas voir dans ces activités une manière de « transiger » au sens propre, c’est-à-dire de proposer d’échanger des valeurs en biens ou en argent plutôt que de sortir le glaive. Prenez la construction européenne ! (En ces veilles d’élections c’est de saison) En 1945, sur les ruines de l’Europe d’après guerre, des gens comme Robert Schumann ou Jean Monet (plutôt issus de la démocratie chrétienne, cela n’est pas un hasard) proclamèrent : « Plus jamais ça ». Et plus jamais ça comment ? En faisant du doux commerce, pardi ! D’où l’élaboration d’une Europe économique, laquelle aura une fâcheuse tendance à se transformer au fil du temps en une Europe du libre-échange exclusif (d’où aussi mon scepticisme dans les capacités de cette Europe là à servir de régulateur ne serait-ce que face à ses propres tensions internes). Cette histoire n’est que symbolique d’un mouvement de désinhibition planétaire de la violence humaine dans le champ économique, laquelle avait pu être relativement canalisée par les états au lendemain de la crise des années trente jusqu’à la fin des trente glorieuses.
Je reviens à mon (votre) paradoxe de départ, l’impuissance de la conscience à modifier un comportement inné, en l’occurrence la tendance inhérente de la nature humaine à la violence sans retenue dans tous les champs possibles. Il est clair que les stratégies d’évitement que je viens d’exposer rapidement ont généralement échoué. Mais « généralement » signifie aussi qu’elles ont pu faire leur preuve partiellement sur certains aspects. Les railler systématiquement au titre de pitoyables vieilleries implique que l’on ne propose pas à la place d’autres chimères tout aussi éculées. L’utopie globale en fait partie (ah ! l’alléchante perspective d’un ministère de l’intérieur planétaire) ou plutôt en faisait, puisqu’il semble bien que cette cocasserie là ait déjà une bonne dose de plomb dans l’aile. Rien ne prouve non plus que la logique des blocs vers lesquels nous nous acheminons pousse un, à la disparition des anciens états, et deux, à une résolution planétaire des problèmes, cette logique pouvant constituer elle-même une solution palliative à ces problèmes.
Loïc nous ressort aussi le vieil argument de « l’effet levier » pacificateur des sciences et des techniques, nous ressortant ainsi l’antique argument de Victor Hugo qui avançait, il y a cent cinquante ans, que les chemins de fer allaient rendre caduques les frontières et les guerres en conséquence (pendant ce temps là, du côté des champs de bataille de la guerre de sécession américaine, les nordistes prenaient le dessus sur les sudistes en acheminant plus rapidement troupes et matériels grâce au pacifique chemin de fer).
Quant au mélange culturel et au « métissage » (la Grande Partouze planétaire), des gens de même culture, de même langue, de même couleur de peau ou non, qui ont passé leur temps néanmoins à s’étriper, il y en a à tous les carrefours de l’histoire. Renseignez-vous mon pauvre Loïc ! Je crains qu’une réalité comme le grand brassage des peuples européens ne doive plus au viol militaire qu’à nos projets Erasmus. Connaissant bien les Antilles, je ne souhaite pas trop non plus disserter sur la divine « créolisation du monde », si chère à certains poètes, et autres manuels d’éducation sexuelle à l’usage des fils de planteurs.
Nous n’aurons que des solutions bancales, imparfaites, marquées par les expériences douloureuses du passé, et nous n’aurons pas d’autre choix que de les pousser devant nous, inlassablement. Les intellos, les rêveurs, ne sont pas ceux qui rêvent d’une humanité meilleure, mais les zozos qui prétendent pouvoir s’affranchir de cette pauvre besogne là.
je ne sais pas où avoir l’info, mais j’aimerais avoir des précisions sur une comparaison de l’économie américaine et de l’économie de la zone Euro: j’ai cru lire que la situation actuelle en Europe serait pire qu’aux USA, en ce qui concerne le PIB en tout cas. La démonstration voulait prouver que l’euro, loin de nous protéger, nous avait précipités dans la récession. est ce vrai?
Paul,
Après les multimondes parallèles et leurs roulettes russes, le fatalisme économiquo-scientiste.
Provocation émulsifiante ?
J’eus préféré la parabole des aveugles, à tout prendre !
L’économie c’est l’amour à mort, la reproduction par delà la conservation, pourquoi pas « Les Souffrances du jeune Werther » tant qu’on y est. Devenir riche à en mourir.
Et la démocratie, la conservation par delà la reproduction ?
Moi qui prenais ce « truc adiabatique » pour une pédale de frein…
De toutes les créatures l’homme seul fait et maitrise le feu, par là il transcende la nature biologique dont le propre est inversement, la peur du feu.
Le langage, la liberté, l’amour, l’individualité et le pouvoir de création, détache résolument l’homme du monde animal.
Tout comme la nature est riche par sa diversité, mais n’en est pas moins totalement soumise aux lois et instincts de ses différentes espèces, l’homme peut en rester au stade d’animal pensant, et trouver normal que des systèmes selon les époques ( religieux, politiques, idéologiques ) perpétuent la loi du plus fort et se substituent à sa propre conscience. Cela peut paraître réconfortant au premier coup d’oeil et nous dégager de toutes responsabiltés, mais me semble t’il c’est oublier que malgré tout l’humanité même si le fond reste encore barbare, à évolué, mais pas par une simple mécanique indépendante de la volonté de l’homme, mais part l’engagement, l’effort, l’exemple de quelques héros à travers son histoire.
Dans l’état actuel des choses je n’ai pour ainsi dire aucune solution pratique quand aux problèmes économiques, sociaux, écologiques, les membres sont gangrénés, et puis ce n’est pas le premier système qui s’éffondrera et nous n’en mourrons pas, mais je garde la ferme conviction que solution sera trouvée si l’homme trouve le courage d’entrer en lui même et de voir que chacun porte sa part d’ombre et de lumière, et qu’il suffit chacun à sa mesure de méler à tous les actes et pensées de sa vie Amour et Bonté pour sortir de ce shéma de vengeance sans fin et de domination.
Le monde à moins besoin de régulation et de lois qu’il n’a besoin de héros.
Berny
@ Shiva
Il devait y avoir une bombe sous la pédale de frein. Toujours facétieux ce Paul !
Sinon la parabole des aveugles a déjà été utilisée : par Todd, dans « l’illusion économique », pour parler de l’Europe.
@Daniel Dresse : « Il est clair que les stratégies d’évitement que je viens d’exposer rapidement ont généralement échoué. Mais « généralement » signifie aussi qu’elles ont pu faire leur preuve partiellement sur certains aspects. »
Je suis entièrement d’accord avec votre exposé. Nous nous retrouvons avec un problème semblable à celui des philosophes politiques du début de la modernité. L’utopie du marché comme évitement de la violence a échoué (l’expression « le doux commerce » fait sourire aujourd’hui), mais pas totalement, et en tous cas elle nous a appris des choses. Il ne serait pas étonnant que dans le futur nous trouvions un moyen de pacifier l’économie comme nous avons pacifié le politique, mais que la violence se portera dans un autre domaine. En tous cas, j’ai l’impression qu’il nous faut vite trouver un moyen de canaliser la violence qui risque de se dechaîner avec la chute du marché, sans quoi elle se reportera à nouveau sur le politique (comme suite à la crise de 1929).
Daniel Dresse,
Paul avance toujours prudemment, à pas comptés tel le chat de Schrödinger il a toujours une gouttière de sortie sur un toit parallèle non intriqué !
Sans doute habite-il dans un olympe polymathe où mes pauvres moyens d’ignare paresseux interdisent formellement l’accès.
Pas de frein ? Qu’importe puisqu’il n’y a pas de pilote, dont on se demande à quoi il servirait puisqu’il n’y à pas de cabine de pilotage…
En l’état le premier pays à appuyer brusquement sur la pédale entrainera tout le trafic derrière lui, après l’orgie du grand marché mondial, nous aurons le grand carambolage des Truck américains et des Fiat Pounto.
Entre vous et moi, je suis d’accord avec Moi qui est d’accord avec vous, votre texte plein de vérités m’a renversé, cul par dessus tête !
J’y vois cependant une note de pessimisme nouvelle sur l’intérêt d’une démocratisation structurelle de notre « Europe » de, pour, par, la finance. Encore plus insolvable à vos yeux le gouvernement du monde; mort-né. Mais n’est-il pas un peu tard pour remettre en place les digues nationales (continentales) comme le préconise Todd et son magnifique Bruegel de couverture ? Ce geste ne constituerait-il pas le plus mauvais signe à envoyer au reste du monde ?
Je ne sais, peut-être l’Europe deviendra-t-elle pour un temps une ile au milieu des océans déchainés et l’économie réintégrera-t-elle sagement les espaces sous contrôle qu’elle n’aurait jamais du quitter.
Entre une alternative plus protectionniste et une alternative plus mondialo-étatiste, je ne vois pas bien quelles solutions bancales nous pourrions bien pousser devant nous.
Je m’amusais, en vous relisant, à remplacer le mot « violence » par le mot « énergie », j’y voyais les hommes comme des enfants dont on dirait: « il faut qu’ils se dépensent, lorsqu’ ils restent là à tourner en rond ils ne font que des bêtises et finissent immanquablement par casser quelque chose ! »
Les hommes font parfois de très grosses bêtises, comment les occuper puisque la mode n’est plus de partir guerroyer pour le noble nom de son doux seigneur et son bel écusson, et si il n’est plus temps non plus pour les golden boys et les chevaliers d’entreprises de partir à la conquête de marges faramineuses à déposer aux pieds des actionnaires exigeants ?
Impossible de continuer à multiplier les postes de pouvoir politique et le travail dans les entreprises, vu la mécanisation puis l’informatisation, commence à manquer sérieusement.
Les chorales à cœur joie, la marche à pied, le jardinage et les jeux vidéo; je ne vois que ça.
@ Michel Filippi et JLM
Vos remarques, complémentaires, sont très intéressantes.
MIchel Filippi vous de dire que Paul Jorion, dans le droit fil de ses deux billets consacrés aux mondes possibles, a un regard rétrospectif qui s’attache à monter la Raison du monde, pour ainsi dire en regardant dans le « rétroviseur », ce qui vous amène à affirmer que Paul Jorion ne s’intéresse qu’au chat mort ou vif. C’est à dire au chat déterministe, celui qui a (sur)vécu, dont l’histoire narrée se raconte avec les mots et les catégories du passé.
JLL vous dites un peu la même chose en pointant l’absence du politique dans ce même billet, mais d’ajouter toutefois, que Paul en a déjà traité ailleurs. Vous dites, il est bien question de démocratie mais c’est pour aussitôt la rapporter à un aspect du biologique : l’adaptation.
Paul, faute de voir de la lumière à l’horizon se retourne et cherche celle-ci du coté de l’histoire de l’humanité, et avant celle-ci, de l’histoire de l’univers dont nous procédons tous. Avec au début de tout l’univers chaotique des particules qui s’entrechoquent dans leur mouvement brownien. Puis ensuite l’apparition de la vie avec son double aspect sélectif et adaptatif. Et ce faisant de nous expliquer qu’ économie et démocratie sont à des stades différents d’une évolution vers plus d’organisation. C’est en effet une approche doublement évolutive et systémique.
Bref, nous sommes dans un univers déterministe duquel serait absent les linéaments d’une multitude de futurs possibles, qui contrediraient le déterminisme implacable qui nous conduit tout droit à la catastrophe. Paul, dans ce texte ci, semble bien plus proche alors d’un Claude Lévi-Strauss, qui se dit surtout intéressé à identifier des invariants, que d’un Alain Badiou qui fait de la singularité des événements, la pierre angulaire d’une raison pratique, notamment pour le politique.
Si l’on lit de façon un peu plus attentive le billet on comprend pourtant que le déterminisme n’exclue pas l’invention : La Constitution pour l’économie, qui n’est pas citée dans ce texte, y est en filigrane dès lors qu’il est question d’humaniser une économie qui en serait restée au stade, naturel, de l’espèce humaine. Certains commentateurs objectent alors que ce faisant on présuppose que l’économie serait encore aujourd’hui dans un état naturel, celui relatif à une nature humaine. Paul Jorion procéderait à une naturalisation abusive de l’économie, laquelle n’est en réalité qu’un produit de la culture.
Ce que dit le billet est en réalité sensiblement différent : « L’économie sous sa forme naturelle n’est pas seulement darwinienne, elle reflète aussi la nature propre de l’homme en tant qu’espèce. »
Il s’agit du « reflet » d’une nature de l’homme, c’est exact, mais, est-il précisé aussitôt : « en tant qu’espèce ». Le caractère darwinien de l’économie n’est rapporté qu’à ce qui constitue la part naturelle de l’homme, or, nous savons tous — j’y reviens plus loin dans ce commentaire — , la part naturelle n’a pas d’existence propre indépendamment d’une autre part, culturelle celle-là, à laquelle se rapportent toutes les inventions de l’histoire de l’humanité. La science a montré abondamment que génotype et phénotype sont inséparables dans l’espèce humaine.
Eu égard à l’économie, ce dont il est alors question c’est me semble-t-il, plus une déficience du culturel que l’expression d’une naturalité totalement spontanée et suscitant sans médiation sa forme économique, en l’occurrence, celle de la concurrence colonisatrice. Je n’imagine mal Paul Jorion assez naïf pour penser que les institutions humaines ne jouent aucun rôle dans l’organisation darwinienne de l’économie. Karl Polanyi, grand historien et théoricien critique du libéralisme — et du capitalisme, dans La grande transformation, a démontré que le marché, et donc la concurrence, n’est pas l’expression d’une force spontanée de la nature, mais bien une institution humaine, laquelle ne s’est d’ailleurs pas imposée en un jour, mais en quelques siècles.
Dans le présent billet nous pouvons lire aussi que pour ce qui concerne le politique, il y a « la démocratie que l’homme s’est offert à lui-même comme institution inédite. » Nous passons alors un autre registre, celui de l’invention. Or, si l’on considère que ce qui est vrai de la démocratie qui est rapportée au biologique pour sa dimension adaptative, laquelle dimension, relève d’ailleurs plus de la propriété que d’un principe, doit en toute logique l’être aussi pour l’économie qui est rapportée, elle, à du purement physique. C’est à dire que l’économie pourrait, elle aussi, être une institution que l’homme se donne à lui-même. Le malentendu vient sans doute que le raisonnement s’effectue selon deux perspectives différentes. La première est doublement rétrospective et évolutive, tandis que la seconde est projective et créative. Si l’on adopte uniquement le lecture rétrospective, économie et démocratie peuvent semblent envisagés sous un abord réductioniste. Par contre si l’on adopte la seconde, celles-ci semblent relever de ce qui en l’humain appartient au culturel, c’est à dire à l’invention, ce qui, par définition, est toujours en excès par rapport à un existant.
Si l’on considère maintenant que l’opposition nature / culture est conceptuelle, qu’elle ne désigne pas un homme scindé, mais renvoie à une relation inextricable, seulement clivée, le propos devient beaucoup plus compréhensible, limpide même. On a jamais vu vivre un être humain purement biologique ou purement culturel, on a seulement cherché à comprendre quelles peuvent être les déterminations respectives d’un aspect sur l’autre. Sans notre intelligence, notre langage, nos outils nous serions bien incapables d’appréhender les mécanismes qui rendent compte de la part biologique de l’humain, et, inversement, sans notre part biologique le culturel ne pourrait s’exprimer.
En conséquence de quoi, il ne me semble pas abusif d’affirmer que l’économie en tant qu’institution humaine à part entière, relève, aussi, du biologique, et du physique, et sans qu’il n’y ait là une contradiction. S’agissant de la démocratie celle-ci est bien le moyen qu’a trouvé l’humanité pour réguler les passions qui se déchaînent à propos du partage des ressources et des richesses produites. D’aucuns de dire alors que la démocratie régule très mal, puisqu’elle permet, décide même, de mener des guerres meurtrières. Mais ceci est une conception de la démocratie par trop limitative et donc superficielle qui confond l’institution démocratique en son principe et certains des éléments de la démocratie. La conception que Paul me semble d’ailleurs tout à fait compatible avec l’idée que la démocratie procède d’une dialectique de la mésentente et du consensus. La démocratie, ou plus exactement, la vie démocratique, est le processus jamais achevé par lequel la raison de certains humains s’adressent à celles d’autres humains pour déplacer les lignes en deça desquelles le pouvoir maintient, garantit, rangs et positions sociales, lesquels renvoient à un certain partage des richesses. Ce sont des raisons qui s’affrontent, discutent mais ces raisons sont les raisons à propos des passions qui sont le propre de la vie de la cité, où il y a les riches et les pauvres. Nous voyons bien ici que le culturel et le biologique — les passions — s’entremêlent inextricablement.
Cette hypothèse me semble d’autant plus plausible que Paul a déjà a maintes occasions attiré l’attention sur la nécessité d’un nouveau paradigme, qui assume le coté autonome de toute modélisation du réel, par opposition à une logique de découverte de ce qui serait La réalité
Paul nous a dit récemment, dans « un temps qu’il fait » que ce qui l’avait toujours intéressé c’est l’étude des anomalies.
Autrement dit, ce qui relève des exceptions à la règle. Ce qui nous renvoie au rapport invariant/ anomalie. Si l’on ramasse le propos, ne peut-on dire alors que Paul cherche de nouvelles règles en commençant par procéder au repérage des anomalies, certaines anomalies, pas toutes, ou il lui faudrait alors plusieurs vies ! Et ces anomalies identifiées, il les rapporte au système clos dont elles sont le symptôme, ceci pour ouvrir le système, et donc implicitement en créer un autre. Et c’est bien pourquoi Paul n’est pas le philosophe de l’invention permanente de nos vies, celui qui nous promettra le surgissement de tous les chats possibles et successifs — c’est la posture d’un Deleuze par exemple –, comme le magicien qui les sortirait de son chapeau. La visée éthique, et donc ce qui renvoie à l’individuel, n’est pas absente de sa pensée, bien au contraire, mais celle-ci passe nécessairement par une vision de l’homme social avec sa profondeur historique.
En bon entomologiste il s’attache au repérage des différences, des curiosités, des anomalies du réel observable, à partir desquels il effectue de nouveaux découpages du réel, ce qui est finalement la matière même de ses théories.
La pensée joronienne, si j’ose dire, peut à première vue sembler très paradoxale.
Elle s’attache au réel, à sa fine description, et cherche dans le présent le déroulement du passé. Et d’un autre coté, elle pose la nécessité d’un nouveau paradigme par lequel ne seraient plus confondus modélisation et réalité, une réalité qui lorsqu’elle est associée à un modèle particulier donné pour dogme, demeure figée ; il s’agit donc grâce à l’invention que constitue toute modélisation d’inscrire dans le réel un nouveau possible, ce qui nous renvoie au futur.
Il y a ainsi comme une tension entre passé et futur. Son premier aspect l’attache au passé, la seconde au futur. Dans deux de ses récents billets, « Mondes possibles et conscience », puis « Raison et Histoire », Paul penche carrément du coté rétrospectif, du caractère unique de nos vies, vers tout le processus qui aboutit à ce que chacun d’entre nous est ce qu’il est, et nous, sommes ce que nous sommes. Paul conclut alors qu’il vaut mieux être venu tard dans l’histoire des hommes :
Bref, si Paul semble naturaliser l’économie cela tient non pas au conservatisme dont il serait porteur mais à sa méthode propre, à sa vision unifiée de l’humain où science, histoire, politique et éthique forment un monde cohérent. Paul est donc doublement anthropologue, au sens contemporain, celui qui étudie l’homme selon une méthodologie scientifique, et celui qui s’intéresse à l’homme du point de vue philosophique, c’est l’anthropologie dans son sens originel du XVIII ème siècle.
En conclusion, notons que les philosophes du XVIII ème siècle et même certains de leurs prédécesseurs, ont souvent eu recours aux fables pour étayer leurs discours. Rousseau et son contrat social. Hobbes et son état de nature. Adam Smith et son homo économicus.
Leur vision d’une origine historique supposée d’un trait fondamental de l’humanité, quand bien même elles furent contestées vivement pour leur réalité historique, n’en conservent pas moins toute leur puissance théorique, car la fable est surtout un procédé, un mode d’exposition particulier de la vérité que veut expliciter le philosophe. Mêmes si certaines ne pouvaient être étayées historiquement, l’apport théorique demeurait puisqu’il consistait en autre chose que l’exposition d’une vérité étroitement historique. Chacun sait la considérable influence de la théorie rousseauiste du contrat social dans le domaine politique.
En enrichissant la notion de souveraineté, désormais populaire, par opposition à la souveraineté absolue, il enrichissait la Raison du monde, en contribuant à définir une modalité de cette institution que l’humanité s’est donnée à elle-même.
La Constitution pour l’économie est une invention, au sens fort du terme, Paul l’a ébauchée, puisse-t-elle effectivement procéder de la Raison du monde et faire ainsi advenir un futur prometteur. Pour ma part, j’en suis convaincu. Ce que nous pouvons lui souhaiter de mieux est maintenant que les critiques qui lui sont adressées contribuent moins à son enfouissement qu’à son enrichissement.
@ Pierre-Yves D.
A quand le livre ?
😉
@ Shiva
1) Pourquoi faire surgir systématiquement des images d’îles (désertes sans doute) ou de forteresses (avec des archers blonds aux yeux bleus derrière les créneaux) dés qu’il est question de protectionnisme ? Il n’est pas question de se fermer au monde extérieur mais d’en finir avec un libre échange obtus qui ne connaît plus d’autre objectif que l’abaissement obsessionnel du coût du travail. Cela n’est même plus une hypothèse mais une nécessité, car tout le monde sait ici que l’emballement mondial de la finance dite « structurée » trouve ses sources dans la déflation salariale, et que la crise que nous connaissons est avant tout A L’ORIGINE une crise de la demande (libre à l’ami Loïc de croire que les états ont trop donné la béquée aux nantis du travail pauvre).
Le but en serait d’instituer une concurrence internationale qui en soit réellement une, c’est-à-dire basée sur l’utilité et la qualité des produits, non plus sur la médiocrité à bas prix coûtant. A ce titre quel mauvais signal enverrions nous au reste du monde ? Sinon de faire obligation à tous de redéployer aussi leur marché intérieur, et d’élever dans tous les cas le niveau de vie et d’instruction de leurs concitoyens. Il n’y aura pas cette prise de conscience globale (que vous réclamez tant) que la planète doit être préservée, si l’on ne répond pas aussi à cette nécessité là.
A moins que la planète dont vous rêvez ne se révèle, au bout du compte, être précisément UNE forteresse, avec son oligarchie dominante et ses grandes compagnies de mercenaires surveillant les velléités de la multitude.
J’ai vu récemment (je ne vous dis pas où, je ne ferai jamais de prosélytisme ici) Jean François Kahn reprocher à Manu Todd le seul point de l’EMPLOI du mot protectionnisme (!?), alors qu’il se déclare être d’accord sur le fond. Afin de paraître moins effrayant ( !?) aux yeux des citoyens, il préconisait plutôt de se réclamer de la « régulation ». Si ce n’est que ça…
2) Je trouve votre objection sur la raréfaction inévitable du travail surréaliste. Je viens précisément de faire le canard pendant tout le week end dans mon entreprise, une PME de tourisme un jour de gros départ en vacances. Les besoins en travail dans nos économies modernes sont immenses. Encore faut-il savoir les reconnaître (pas facile précisément au niveau des élites du savoir) et avoir la volonté et le courage de les promouvoir.
Daniel Dresse,
Je reproche au PC et à la gauche française en général et de faire semblant de croire que dans un monde « toutes frontières ouvertes » et pire, avec nos frontières européennes « consensuelles »; il est possible de mener une politique encore plus prononcée de redistribution des richesses en taxant le capital. les mêmes qui lorsqu’ils sont au commandes nationalisent à tour de bras et fabriquent l’Europe de Maastricht (celle que vous abhorrez tant). Protectionnisme est un tabou parmi d’autres dans notre société où l’on est très vite étiqueté et mis au ban si on emploie les mauvais mots, ceux de la préférence des archers blonds aux yeux bleus par exemple. Notre microcosme intellectuel à ainsi réussi à stériliser des pans entiers de réflexion en les réservant aux extrêmes qui en font le plus mauvais usage. C’est l’héritage d’un petit jeu politique habile, qui fut longuement juteux pour les uns puis repris sans vergogne par les autres. Tout cela est finalement bien embarrassant pour nos idéologues malhabiles pris dans cette nasse de rectitude loyale, incapables de voir le « bonus » électoral autrement qu’a court terme. Si on ajoute à cela un vieux fond de gaullisme latent et obligatoire pour avoir un cv en bonne et due forme on a achevé de scléroser le tableau. Pour s’en tirer la gauche française modérée devra sans doute « tuer le père » pour le ressusciter un peu plus loin mais inoffensif, décontaminé.
Le jeu de la fermeture des frontières se heurte aussi à un traumatisme, celui de 1929, qui fait craindre une escalade du protectionnisme et une paralysie généralisée certains pays ou groupes s’en tirant un peu mieux et pour d’autres la catastrophe. La chine par exemple qui à mon humble avis est loin d’être tirée d’affaire, non pas faute de moyens, mais prise par le temps. Mettre en place un système efficace de redistribution des richesses (à travers la protection sociale comme en France par ex) ça prend du temps, créer les infrastructures qui manques aussi, pendant que le chômage croit et que la colère explose, même si le régime sait mater les mécontents et faire tomber les têtes…
C’est pourquoi bien que d’accord avec vous sur le fond pour mettre en place une tarification souple et intelligente qui empêche l’enrichissement étatique sans redistribution des uns et à l’anéantissement des protections sociales, écologiques, des efforts de recherche et d’enseignement des autres, je me demande si le moment est bien choisi.
Mais au final et comme souvent c’est bien l’histoire en marche qui décidera pour les peuples (je sens que je vais me faire aligner avec des poncifs de ce genre…), le protectionnisme est déjà en route, il suffira d’y mettre l’intelligence nécessaire et surtout de le gérée de façon coordonnée à l’échelle mondiale pour éviter les « laissés pour compte », c’est pas gagné.
Obama et son nombril étasunien me font de plus en plus peur.
Sur le besoin de démocratie dans les grandes structures actuelles qui nonobstant, à mon avis, finiront avec un chapeau mondialisé sur la tête dans quelques années (je prends les paris !), j’ai entendu Stefan Collignon s’exprimer récemment, peut-être le connaissez-vous : http://www.blog.adminet.fr/vive-la-republique-europeenne…-article0025.html
Je suis en accord avec ses idées sur l’Europe et le déficit démocratique (politiquement je ne sais pas qui il est), il y a là un vrai combat à mener si nous ne voulons pas rester au milieu du gué et voir nos codes de lois noyés sous les règlements européens et validés à l’emporte-pièces par nos députés godillots sans que leur orientation politique ai été souhaitée par le peuple européen, je dis bien LE. Si l’on trouve qu’il est abusif de dire LE peuple Européen alors il faut expliquer pourquoi LES Européens doivent obéir aux même lois sans qu’elles aient été choisies par une majorité d’entre eux.
De même si on laisse faire les organisation telle le FMI et la banque mondiale, qui semblent agir souvent pour le plus grand malheur des pays « aidés », se regrouper et se renforcer (fusionner) sans se démocratiser alors oui, on risque de se retrouver bientôt face à « UNE forteresse, avec son oligarchie dominante et ses grandes compagnies de mercenaires surveillant les velléités de la multitude », désarmés.
Pour finir, j’avais écrit quelques truc qui ont à voir avec notre discussion, enfin il me semble, jetez un œil si vous le cœur vous en dit vous me donnerez votre avis…
http://www.pauljorion.com/blog/?p=1353#comment-13337
J’allais oublier notre bon JFK tout mignon BCBG avec les mêmes idées bien tranchées (comme vous les aimez) par à sa pelle à tarte consensuelle toutes confites en lapalissades dont il a le secret. Il n’a pas changé sauf qu’il est devenu un tantinet plus subversif avec l’age (au point d’aller militer chez F. Bayrou !) et puis il a été à bonne école.
Un grand moment gaulois, que des pointures, le souvenir d’une époque révolue (le bon vieux temps ?)…
http://www.dailymotion.com/video/x4vc9o_droit-de-reponse-11-juin-1982_webcam
@ Shiva
Bof ! Je n’ai pas les idées si tranchées que ça vous savez ! C’est vrai que dans le contexte actuel, où tout semble se débiner vers une destination inconnue, j’ai tendance à croire que les temps consensuels ont vécu, mais je n’y serai pour pas grand-chose…
Je me souviens très bien de votre discussion du 30 décembre. J’ai l’habitude de faire des copier/coller de certains passages cruciaux de ce blog sur des fichiers Word, cela afin de faire des relectures synthétiques. Vous semblez bien connaître les mécanismes monétaires et vous êtes l’un (e) de ceux (celles) avec qui j’ai pu faire quelque progrès en la matière (j’espère). C’était une façon de vous dire merci.
Votre philosophie en général, je pense, était très bien résumée par cette portion de l’une de vos interventions :
« Pourquoi ne pas imaginer qu’une partie de l’activité laborieuse humaine pourrait être gérée dans un contexte capitaliste libéral (compétition salutaire, gains de créativité de productivité…), avec tous les avantages que nous démontre si bien Loïc et l’autre partie dans un contexte communautaire équitable (mutuelles, micro crédit, filières courtes,…) pour éviter tous les inconvénients que combat si bien Etienne ? Nos “vieux” modèles ne devraient-ils pas se conjuguer pour créer du neuf efficient ? ».
Je n’ai pas grand-chose à redire à une telle position, ce qui ne m’empêche pas d’ailleurs d’avoir beaucoup de considération pour les idées des gens que vous citez (j’ai l’air comme ça d’enfoncer tous les soirs des épingles dans une poupée à l’effigie de Loïc, mais je peux très bien comprendre ce qui l’a conduit à penser ce qu’il pense).
Je vous suis tout autant sur ce que vous dites des incohérences et des petits calculs de la gauche dite de gouvernement (je crains qu’elle ne doive changer de raison sociale encore pour un moment, je ne suis, au passage, absolument pas de gauche) et des gaullistes à faux nez (ah ! Je me suis trahi !). J’espère enfin que, lorsque vous parlez du « jeu de la fermeture des frontières… », vous avez bien compris que ma conception du protectionnisme rejoint celle, farfelue, de Todd (c’est ce que l’on dit de lui) et que je ne crois absolument plus possible un repli sur les anciennes frontières nationales.
Poncif ou pas, oui l’histoire est en marche et le protectionnisme sur ses talons. Nous pensons tous tellement d’ailleurs que cette évolution ne dépend que de nous, occidentaux, que nous sommes incapables de concevoir qu’elle pourrait venir d’abord de ceux à qui nous avions tant voulu de bien par le libre échange mondial. Moi je tiens le pari qu’il y aura une Union Protectionniste Africaine beaucoup plus rapidement qu’on ne l’imagine, et qu’elle risque d’être très ingrate avec nous !
En fait, le seul point sur lequel je ne vous reçois pas, c’est une vraie ligne de fracture et je suis très « Védrinien » là-dessus, est celui DU peuple européen. Je ne crois pas qu’il y a eu et qu’il y aura jamais de « peuple européen » (Où s’arrête la notion d’ailleurs ? aux turcs, aux ukrainiens, aux russes, voire au Maghreb ?). Nous avons une histoire commune (pas très fraternelle vous en conviendrez), celle là même qui nous condamne à nous entendre, mais par défaut.
Je termine sur la vidéo de l’enterrement télévisuel de « Charlie Hebdo » première manière. Je me souviens très bien de cet épisode, j’étais gardien (treize heures de boulots d’affilée la nuit, au Smig plus les gnons) à l’époque où j’avais regardé ce happening folklorique à la télé. Non ! Pour moi cela n’était pas franchement le bon vieux temps, mais la fin d’une illusion parmi d’autres. Je ne sais pas si vous avez suivi, vous deviez être très jeune, mais ce qui a pris place dans la foulée ne relevait pas de l’œuvre d’art non plus (« Vive la crise », les Shows Bernard Tapie, Véronique et Davina etc.). Le passé est toujours ringard Shiva ! A première vue, tout au moins. Vous avez récemment (et avec raison) fustigé le traitement de jacques Attali au cours de l’un de ces talk show navrants dont j’ai oublié l’étiquette (je n’ai plus de télé depuis quinze ans). Je me demande quand même si, à côté, les émissions de Michel Polac (certaines étaient sensationnelles par leurs sujets et l’audace de leur animateur) ne feraient pas aujourd’hui figure de programme culturel relégué sur Arte après minuit.
Bien à Vous.
Daniel Dresse
lorsque je regardais M. Polac je n’étais déjà plus vraiment un enfant de chœur, les joyeux drilles Desproges, Wolinski, Cavanna Reiser, et même l’inénarable Choron y furent pour quelque chose. J’ai su garder mon âme de petit garçon, ou peut-être une certaine jeunesse d’esprit, humm…
Le peuple européen n’existe effectivement pas en tant que tel actuellement. Les états-nations européens me semblent issus d’agrégats disparates également (nous parlions de Louis XI et du Téméraire), si l’on considère la royauté comme la forme autocratique de pouvoir qui en établit les frontières, les nations démocratiques ne sont-elles réellement nées entre ces frontières par la suite (et par la volonté du peuple !) ?
Peut-être pourrait-on faire un parallèle historique et voir un pouvoir européen insuffisamment démocratique qui définit et fait appliquer le droit pour des européens ne possédant pas de sentiment d’unité national mais plutôt (à cette échelle) régional.
Tout en gardant à l’esprit, et cela tempérera mon propos, que l’entité de gouvernance de l’Europe agit exclusivement sur ses champs de compétences propres. C’est à dire les domaines ou la gestion en commun est utile, les états souverains conservant tout le reste sous leur pouvoir exclusif.
Je trouve également quelques vertus à cette notion de « club » des pays, de traités et d’unanimité des décisions même si dans la pratique cela abouti souvent à l’immobilisme. Ce qui me rapprocherait des positions d’hubert Vedrine :
« oui à une gouvernance (mondiale) avec un multilatéralisme vrai, qui s’appuie sur des gouvernements réhabilités, légitimés, forts et capables de coopérer » ( http://www.hubertvedrine.net/index.php?id_article=246 )
Avec le bémol; j’apprécie de voir le mot démocratie apparaitre au alentour du mot gouvernance, à l’échelle européenne et à fortiori mondiale.
Convenons que si les frontières européennes doivent exister et être utilisées à bon escient cela n’a de sens que dans le cadre d’une coopération intelligente des États relativement à une gestion équitable de l’avenir commun. (oh, les beaux mots que voila !)
Pour revenir au débat initial de cet article de Paul, je n’y lis finalement que l’expression d’une échelle de fragilité, relative à l’échelle de complexification de la matière.
La démocratie biologique qui pacifie les organisations humaines est impuissante à contrôler la chute de l’économie, activité humaine régie par la physique. Les lois physiques fondamentales qui sous-tendent l’activité biologique, fine fleur de l’univers, commencent à ravager ce beau jardin sans autre espoir de règlement que par le choc de particules lancées à haute vitesse.
La physique capitaliste sonnant le glas de l’humanité biologique impuissante à contrôler cet effondrement par la démocratie inopérante.
Il n’y aurait en ce monde aucun espoir pour la complexité toujours soumise au caprice des forces dont elle est issue qu’elle ne peut que canaliser un instant.
Après ?
La longue et lente renaissance…
Daniel Dresse
« Le jeu de la fermeture des frontières », « jeu » pour le coté escalade, dangereux…