Derniers baisers

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Voici, pour les vacances, un extrait de mes notes de l’été 2003 : une promenade sur la plage de Pismo Beach, en Californie Centrale.

Il est temps de se baigner. Mais aïe, il s’est passé quelque chose durant la nuit, et quelque chose de pas très sympathique. L’eau fait sur ma jambe comme une morsure : elle me vient déjà jusqu’au genou, et j’ai pratiquement perdu la sensation dans le pied et le mollet. Et la morsure se fait sentir sur toute la surface qu’une nouvelle vague vient lécher. J’ai l’eau pratiquement jusqu’à la taille quand la conclusion s’impose, inévitable : le bain de mer, dans ces conditions, ce n’est plus très agréable. La température a atteint à la baisse mon seuil de déplaisir. Je réfléchis : on est aujourd’hui le 28 août, je pars demain, c’est bon, je n’avais pas trop mal calculé mes dates : on a fini l’été en beauté, et je me résigne à sortir de l’eau bien que seulement à moitié mouillé.

Je marche, sur cette plage dont on ne voit pas la fin, un air me trotte en tête : « Quand vient la fin de l’été, sur la plage, Il faut alors se quitter, peut-être pour toujours, Oublier cette plage et nos baisers ». C’est Dick Rivers qui chantait ça, avec les Chats Sauvages. En anglais, ou plutôt en américain, la version originale, c’était Brian Hyland, le chantre du trop petit bikini. Il susurrait : « Though we’ve got to say goodbye for the summer, Darling I promise you, I’ll send you all my love every day in a letter, Sealed with a kiss… » Bien que nous devions nous quitter pour l’été, Je te promets, Chérie, de te faire parvenir chaque jour, mon amour tout entier, dans une lettre, Scellée d’un baiser…

Vous avez noté l’inversion ? Elle signale deux cultures très différentes à l’époque : en français, ce sont des amours de vacances qui se terminent ; en américain, on se situe juste avant les vacances : ce sont des « high school kids », qui sortent ensemble, qui vont « steady » et qui sont obligés de se séparer pour la durée des vacances scolaires et se font à titre préventif des serments de fidélité estivale. Les enfants américains travaillaient dur pendant les vacances, pour eux l’été serait « froid et solitaire ». Les petits Français se bécotaient en faisant le plein d’ultra-violets : « Le soleil est plus pâle mais nos deux corps sont bronzés ». Deux cultures, inversées !

Je n’ai pas trouvé la version des Chats Sauvages sur YouTube. Voici, à la place, C. Jérôme. On n’y perd pas, si ce n’est que – comme le noteront les plus perspicaces d’entre vous – il s’est passé quelque chose entre l’époque de Dick Rivers et celle de C. Jérôme !

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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Une réponse à “Derniers baisers”

  1. Avatar de tigue
    tigue

    Cher Paul,

    Essayez-vous de nous dire que vous allez bosser cet été ?
    J’espère que vous aurez quand même du temps à nous consacrer.
    Au plaisir de vous lire.
    PS : sur mon iPhone et à la plage s’il vous plaît !

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