Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Certains d’entre vous ont entrepris une discussion sur les parallèles et divergences existant entre mon blog et celui de Loïc Abadie : TropicalBear.
J’entends d’une part ceux qui disent : Abadie et Jorion se trouvent tous deux dans le camp de ceux qui voient juste et prévoient correctement, et dans ce camp ils sont très peu nombreux, cultivons-les !
Et j’entends ceux qui disent d’autre part : ils ne peuvent être dans le même camp puisqu’Abadie prône la spéculation que Jorion dénonce comme l’une des sources, sinon la source unique, de la crise actuelle.
Les premiers se placent sur le plan de l’épistémologie, les seconds sur celui de l’éthique.
D’autres que moi font de bonnes analyses et si elles sont bonnes, réjouissons-nous : achetez le nouveau livre de Frédéric Lordon !
La spéculation ne disparaîtra pas par le renoncement individuel des spéculateurs, de la même manière que la crise écologique ne sera pas résolue par la conversion personnelle à la simplicité volontaire. Il n’en reste pas moins vrai que prôner la spéculation ou l’encourager par ses conseils, c’est faire la preuve que l’on n’a pas saisi quelque chose d’essentiel sur la crise actuelle. Je rappellerai cette remarque de Lacan que j’ai déjà citée dans l’un de mes billets : « C’est vrai que je dis là la même chose que X mais vous comprenez bien que si X et moi nous disons la même chose, ça ne peut pas avoir la même signification ! »
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
117 réponses à “Comprendre la crise, et comprendre la crise”
Chère Catherine,
c’ est un plaisir de vous lire a nouveau.
Je sens bien votre déception et votre incompréhension concernant la réaction de défense, de type immunitaire, du cerveau collectif en ce qui concerne certaines theses (liens vers sites millénaristes, complotistes etc…), thèses dont vous auriez aimé partager la connaissance, sans pour autant y adhérer totalement.
Il ce trouve que ces liens ne sont pas seulement informatifs dans cet univers virtuel. Par leur simple existence dans un blog, ils apportent un flux nouveau de visiteurs dans la cible du lien et donc une audience nouvelle au site ciblé, et donc un meilleur référencement sur les moteurs de recherche entre autres.
Le fait de mettre un lien n’ est pas un acte neutre, il entraîne une responsabilité de celui qui le met et de celui qui l’ accepte dans son site.
Si Paul ne veut pas promouvoir ce genre de site , c’ est son droit.
Un moyen d’ éviter les problèmes est de ne pas mettre de lien litigieux et de taper les quelques mots clés nécessaires a une recherche dans google. Je pense que cela devrait au moins désactiver la responsabilité de Paul.
Enfin sur le problème général d’ une certaine censure, je crois que Paul fait tout ce qu ‘il peut pour atteindre un but noble, il faut lui faire confiance, et lui laisser du temps.
Amicalement
@ Catherine
Merci d’avoir cité Farenheit 451 (qui m’est très cher pour des raisons personnelles). Depuis le temps que l’on faisait référence à Orwell et Huxley, je m’étonnais de ne pas le voir mentionné, alors qu’il est tout aussi d’actualité que les deux autres.
Courage et espérance…
@ Paul
Merci de vos précisions. Je devrais être plus attentif à ce que vous écrivez à l’avenir.
jean
@ A-J Holbecq
Le Japon lui a trouvé un moyen judicieux de se débarrasser d’une partie de ces réserves de change en dollars tout en continuant de le soutenir !
Mais pour combien de temps encore ?
http://fr.biz.yahoo.com/14112008/202/le-japon-propose-de-preter-pres-de-100-milliards-de.html
Bonjour Paul,
Pardonnez-moi de revenir sur votre billet du 13. Mais, depuis 48 heures, je cherche à comprendre. Il y a un truc, que je ne saisis pas ! Peut-être pourriez-vous m’aider à découvrir mon erreur, si vous le voulez bien.
Dans cette affaire des subprimes, je pense que l’on peut avancer sans erreur possible que :
1) les prêts ont été accordés à taux variable,
2) les variations de taux ont été assez fortes pour mettre les emprunteurs en défaut de paiement.
Si je me reporte au graphique auquel vous m’avez renvoyé, je note que les taux à 10 ans ont évolué entre 2004 et 2008, dans une fourchette comprise grosso modo, entre 4 à 5%, ce qui me semble insuffisant pour expliquer les variations de taux ayant mis les emprunteurs en difficulté. Mais, je puis me tromper.
Auriez-vous la possibilité de vous procurer la photocopie d’un contrat du type de celui qu’ont signé ces malheureux propriétaires ? Rien de tel qu’un document probant. J’aimerais connaître les véritables conditions de ces prêts, et notamment le taux contractuel, variable d’ajustement des échéances des prêts. Il me semble, pour l’avoir déjà vérifié par le passé que les conditions du marché sont une chose, et les conditions des contrats individuels, autre chose.
Pardonnez-moi une fois encore de vous importuner avec ce problème, mais je suis comme Saint-Thomas et ne crois que ce que je vois ou peux vérifier. Sans doute une déformation professionnelle que j’ai acquise lorsque j’étais audit interne au cours de mes nombreuses activités.
Ne s’agirait-il pas d’une monumentale escroquerie, montée de toutes pièces par les banques américaines, pour placer à bon compte les disponibilités de leurs clients, les fonds souverains asiatiques et moyens-orientaux, principalement ? N’y a-t-il pas là matière à procès super-retentissant comme les aiment les Américains ? 1.500.000 ménages qui auraient été spoliés, c’est pas rien !
jean
@ Jean Bayard
L’implosion. La finance contre l’économie : ce que révèle et annonce la « crise des subprimes » (Fayard 2008) : pp. 35-38
Merci Paul de vos commentaires. Il s’agit de pratiques totalement étrangères à notre pays, ce qui les rend difficiles à comprendre.
Merci encore une fois.
jean
Bonjour à tous,
j’aimerai apporter une petite conclusion à ce débat qui nous a bien occupé, le nombre de commentaire en témoigne…Je partagerai donc avec vous ma dernière analyse du désormais célèbre : Paul Jorion versus Loic Abadie.
ma conclusion est la suivante :
Loïc Abadie est un excellent « décortiqueur des mécanismes techniques », mais est-il honnête intellectuellement, lorsqu’il s’agit d’aborder la dimension politique, d’écrire ce qu’il écrit à propos d’un commentaire très récent posté sur son blog ?
Lorsqu’on en arrive à affirmer que M. Bush est un étatiste-keynésien ( de droite !!! mouarf, mouarf, ouarf, ouarf), je crois que c’est parce que l’on refuse de constater que l’idéologie en laquelle on croit (ici le néo-libéralisme appelé aussi ultra-libéralisme) a échoué dans les faits !
Je trouve cela très inquiétant au sens où je ne peux m’empêcher de mettre en parallèle ce genre de « travestissement de la vérité » avec une forme de totalitarisme réécrivant l’histoire…(cf : 1984)
Franchement je ne vois pas quelle crédibilité on peut donner au propos d’une personne qui affirme que la crise actuelle est due à l’interventionnisme étatique et à la politique keynésienne…
Paul écrivait :
» Il n’en reste pas moins vrai que prôner la spéculation ou l’encourager par ses conseils, c’est faire la preuve que l’on n’a pas saisi quelque chose d’essentiel sur la crise actuelle. »
Par ces propres affirmations, M.Abadie ne fait que confirmer ce que Paul ne faisait que suggérer…
La boucle est bouclée !
Excellent w.e à tous !
PS: à Catherine, ce commentaire est aussi un petit hommage à votre référence à Fahrenheit 451…j’en profite pour vous remercier pour vos posts…
@ Alain A
Merci Alain.
Les excuses, dans l’ego-monde des Francais, sont trop rares, pour ne pas etre appreciees.
Et puis merci pour le compliment personnel.
Pour ce qui est de ton amour pour le conflit et la polemique, ce serait interessant de t’entendre.
Il y a beaucoup de confusion dans ces debats :
Je souligne l’importance de la courtoisie dans nos debats, on me renvoit a « Choisis ton camp, camarade ! »
Je souligne l’importance de la qualite des relations humaines PRESENTES, on me renvoit a « l’emotionnel », comme s’il fallait discrediter la question que je souleve en la reduisant 1) a ma personne, 2) a « mon manque de maturite » suppose 😉 , plutot que d’y repondre sur le fond.
Et meme avant d’y repondre, de s’interroger… Quand meme, il a y de quoi.
Non ?
je suis un fidele lecteur de loic abadie. j’apprecie la qualite de ses analyses
et partage bon nombre de ses positions. je trouve regrettable qu’on puisse
en avoir la vision simpliste et manicheene du vilain speculateur egoiste.
la masse des particuliers qui se sont jetes a corps perdu dans la bulle
immobiliere ont eux aussi joue au grand jeu de la speculation. sans doute est ce de la bonne
speculation, et ces particuliers etait assurement denués de toute cupidite.
que dire alors de tous ces vendeurs qui s’accrochent aujourd’hui pathetiquement
a leurs reves de plus values faciles.
je ne partage pas non plus les valeurs associees a cette societe de la vie a credit.
je suis certainement un mauvais citoyen puisque j’economise une bonne part des fruits
de mon travail et que je ne participe pas a la grande fete de la consommation et de
la destruction des ressources de cette planete.
je ne partage pas la folie collective ambiante depuis plusieurs annees et je n’entends pas
etre solidaire de la perte de cette societe.
a defaut de pouvoir etre represente par des politiques plus soucieux de leur prochain mandat
que de l’interet general a long terme, je tente donc de me proteger individuellement.
ce en quoi le blog de loic m’a aide et je l’en remercie vivement.
Le risque à terme avec cette crise est le repli identitaire qui est un danger réel. La sortie de la crise de 1929 s’est faite par la guerre due à un repli qu’on fait certaines nations à la fin des années 30. On parle de New Deal mais c’est bien la guerre qui a fini par sortir les Etats-Unis de cette crise (il restait apparemment 18% de chomeur en 1938 aux Etats Unis). Donc malgré les apparences on a peu de solutions connues à appliquer à la crise actuelle pour relancer l’économie et quelle économie si celle ci n’est basée que sur le profit et non pas sur le mieux vivre global ne dépendant pas souvent de la consommation de biens jetables et polluants pour finalement ne défendre qu’un statut social qui reste aujourd’hui basé sur ce que l’on consomme.
@ stoplabulle
euh… une question : si ce n’est par cupidité, pourquoi donc se jeter « à corps perdu » dans la spéculation ? Et puis pendant qu’on y est, pouvez-vous développer votre notion de « bonne spéculation » ?
vous êtes donc soucieux de votre intérêt particulier, ce qui est compréhensible. Mais pourquoi alors le reprocher aux politiques ? On peut le tourner dans l’autre sens : si vous regrettez que les politiques se soucient de leur intérêt propre au lieu de l’intérêt général, pourquoi défendez-vous quelqu’un qui ne se soucie que de l’intérêt particulier ?
Sophisme.
@stoplabulle
Vous écrivez : « je trouve regrettable qu’on puisse
en avoir la vision simpliste et manicheene du vilain speculateur egoiste ».
Je ne vois pas sur quel propos vous basez votre affirmation, en effet l’objet de ce débat resposait avant tout sur une distinction que Paul Jorion opère entre deux façons d’analyser l’économie (économie politique versus économie « scientifique »). Cette distinction n’est absolumment pas simpliste ou manichéenne.
Par ailleurs, dans mon dernier post, en m’appuyant sur les propos de M. Abadie lui-même, je crois avoir prouvé la légèreté de son analyse politique. Je sais qu’il est un Bear, mais de là présenter la politique de M.Bush comme keynèsienne, on frise le ridicule…
Pour ma part, je constate encore une fois, que la question de fond de ce débat (qui ne porte absolument pas sur la personnalité des deux bloggeurs mais sur la dimension politique des différentes analyses) n’a absolument pas été abordée par les disciples de M. Abadie et encore moins contredite.
quelle explication trouver à cette lacune ? Le mystère reste entier…
Bonne journée à tous !
@Ghostdog
Comme vous je reste sans explication face à des discours peu rationnels d’individus se réclamant pourtant de la raison. Des explications psy me déragent toujours un peu mais le déni de sentiments que l’on ne veut pas accepter en soi me semble une hypothèse. Comme je le disais plus haut: « Pourquoi préférer la rapacité certaine d’individus à la rapacité éventuelle d’un Etat dévoyé ? Je cherche encore… Autojustification intellectuelle d’un égoïsme qui est pourtant très humainement acceptable? ».
Alors, il faut peut-être nous montrer diplomates et faire comprendre à nos contradicteurs que leur égoïsme individuel dans un monde concurrentiel est acceptable mais qu’il ne justifie pas une adhésion intellectuelle à ce très dur réel. Pouvons-nous les amener à penser qu’ils peuvent en même temps défendre leur peau (ou plutôt leurs biens) et collaborer avec ceux qui veulent construire des sociétés plus douces aux faibles.
@ Paul
J’ai retrouvé le texte d’un article de presse du 17 août 2007 ayant servi de base à mon billet du 13 novembre 2008 ci-dessus, article que je reproduis ci-après pour votre information.
EuroNews – Vendredi 17 août, 18h55
Depuis 2002 le crédit facile, encouragé par la Réserve fédérale pour relancer l’économie, a permis à des millions de foyers modestes de devenir propriétaire moyennant des prêts à surprime dits subprimes : bas au début, leur taux variable peut atteindre 18% au bout de 3 ans. Mais la plupart du temps, les acheteurs ne le savent pas. « Il y a encore quelques temps, il vous suffisait de savoir respirer pour obtenir un crédit immobilier « se souvient cette conseillère financière… Aujourd’hui un million de foyers ont perdu leur maison, faute de pouvoir rembourser leur emprunt, en raison de la remontée des taux ou de la perte de leur emploi. Mais comment une crise immobilière aux Etats-Unis peut-elle se transformer en une crise boursière mondiale? Voici le mécanisme : Les particuliers sont insolvables. Leur défaillance provoque la faillite des établissements prêteurs, qui ne peuvent plus se rembourser. Les banques sont à leur tour contaminées via leurs fonds d’investissements qui détiennent des créances d’établissements prêteurs. Leurs pertes sur le marché immobilier les incitent à vendre leurs actions.
Un mouvement qui provoque la chute des bourses : le recul entraîne de nouvelles baisses, c’est l’effet boule de neige. Peut-on parler de krach? A priori non : au sens strict, un krach correspond à une chute brutale de 10% de la bourse en une séance. Il faut plutôt parler de « correction brutale ». Une correction toutefois amplifiée par l’internationalisation des marchés et par le manque de contrôle sur les fonds spéculatifs, les célèbres « hedge funds ». La Commission européenne a décidé d’ouvrir une enquête sur le rôle des agences de notation financière, accusées d’avoir décerné de trop bonnes notes aux titres à surprimes. Le problème, c’est que tous les acteurs de la finance, les banques, les fonds spéculatifs et les agences de notation s’accusent mutuellement d’être responsable de la crise. Plus transparence et une moralisation des marchés semblent dès lors nécessaires.
Cet article qui date maintenant de 15 mois, diffusait-il à l’époque des informations erronées ?
Merci de votre attention.
jean
@ Jean Bayard
Oui, la partie fausse, c’est celle-ci :
Les taux bas de le Fed n’ont pas eu d’impact réel sur la crise. La plupart des prêts immobiliers demeuraient à taux fixe (aligné sur le taux dix ans), ceux dont le taux était flottant bénéficiaient d’un taux fixe promotionnel pendant deux, trois, voire cinq ans. On atteint seulement maintenant, et le pic sera l’année prochaine, le moment où l’impact du basculement vers le taux flottant est significatif. Or la crise a débuté il y a vingt-et-un mois. L’erreur réside dans le fait de dire « les taux » : les taux courts et longs sont décorrélés du fait que les banques centrales peuvent manipuler les taux courts.
« La plupart du temps, les acheteurs ne le savaient pas ». C’est faux : ils le savaient mais tout le monde répétait autour d’eux que quand il leur faudrait payer le taux plein, le prix de leur logement aurait pratiquement doublé, ce qui aurait été vrai si la tendance s’était poursuivie. Alors…
Tout ceci est très bien expliqué dans trois ouvrages intitulés « Vers la crise du capitalisme américain ? » (2007), « L’implosion. La finance contre l’économie : ce que révèle et annonce la « crise des subprimes » » (2008), « La crise. Des subprimes au séisme financier planétaire » (2008). 😉