L’illusion des banques qui créent l’argent, par Boris Ascrizzi

Il arrive que, comme aujourd’hui, j’aie envie de mettre davantage en relief une contribution à l’un de nos débats. Bien entendu, cela ne dévalorise en rien les autres.

Il y a quinze jours, Boris Ascrizzi a pris l’initiative de m’écrire pour me dire qu’il lisait « Tout notre débat sur la monnaie », qu’il restait des incertitudes sur la question de la création monétaire et qu’il voulait les résoudre. C’est ce qu’il a fait au cours de plusieurs échanges. Je me suis contenté de le regarder penser. Boris n’est pas plus économiste que moi mais la question qu’il s’agissait de résoudre ne requiert pas ce type d’expertise : il suffit de combiner les faits et la logique pour parvenir au bon résultat.

Il a affiché ce qui suit tout à l’heure en commentaire. Je lui ai proposé la reproduction en billet, ce qu’il a accepté. Je lui ai offert pseudo ou identité réelle, j’ai suivi son choix.

Le problème avec « l’illusion des banques qui créent l’argent » et de ses arguments imbriqués, c’est qu’il est impossible de débattre de l’expression « les crédits font les dépôts » sans se voir opposer l’argument des « réserves fractionnaires » dont il sera impossible de débattre sans se voir opposer le terme « ex nihilo » cité par Allais, puis le phénomène de la « panique bancaire ». Le débat tourne autour du pot comme une théorie qui ne veut être contredite.

Si, comme je le pense, le postulat mathématique est faux, les citations sorties de leur contexte, les expressions populaires prises au premier degré, alors j’y vois des préjugés. En débattant du signifié, on en oublie le signifiant, or « le concept de chien n’aboie pas ».

@ Armand

Dans le billet sur la vidéo de Paul Grignon, vous dites :

Ce calcul ne me semble pas correct ; il suppose que « les dépôts font les prêts », c’est-à-dire que le banquier re-prête, en partie au moins, ce que ses clients lui déposent. Et ce, de façon récursive. Or c’est le contraire : « les prêts font les dépôts »

Mais « Les dépôts font les crédits » est une expression. Dans ce cahier de Travaux Pratiques pour élèves de 1ere, fiche 8 Les exercices 1.1 a et b enseignent distinctement les deux expressions, deux processus « comptables ». On pourrait dire « les passifs font les actifs », « les actifs font les passifs » ; un œuf de poule donnera naissance à une poule qui pondra des œufs. Pourquoi affirmer telle une vérité « c’est le contraire : les crédits font les dépôts » ! Les œufs font les poules mais les poules ne font pas d’oeufs ?

@ Xa

Les 1.111,12$ sont les « réserves fractionnaires » mais pour prêter 10.000$, il faut 10.000$. Paul dit : Les 10.000$ peuvent être empruntés auprès de la Banque centrale ou auprès des déposants. J’ajouterai auprès du marché interbancaire à court terme c’est-à-dire auprès des autres banques (sans collatéral contrairement au cas d’un emprunt auprès de la Banque centrale). Les 10.000$ mettront en circulation par dépôts-crédits successifs 90.000$. Le « multiplicateur » que Paul explique à l’aide d’une grille en commentaire dans ce billet. Cependant là non plus pas de « scandale » car il y a conservation des quantités.

Mon fils dépose 10 ballons dans son placard. Sa sœur emprunte 9 ballons qu’elle remplace par 9 morceaux de papier sur lesquels elle écrit « je remplace le ballon dans cinq minutes ». Puis ma fille dépose les 9 ballons dans son placard. J’arrive à mon tour et lui emprunte 8 ballons que je remplace par des bouts de papiers.

Non, à ce moment là il n’y a pas 27 ballons dans mon appartement. Il n’y a toujours que 10 ballons et 17 ballons « scripturaux » ont été « créés » mais pas ex nihilo. Oui, en cas de panique dans l’appartement, mes enfants ne trouveront qu’1 ballon chacun dans leur placard et je serai sûrement désigné comme responsable. Mais si au bout de cinq minutes ma fille replace 1 ballon et échange ses bouts de papier par les miens, lorsqu’à mon tour je replacerai mes 8 ballons tout sera revenu à la normale. Les dettes auront été détruites.

– La « monnaie scripturale » ou monnaie « qui passe de compte en compte au lieu de circuler de la main à la main », selon Maurice Ansiaux qui invente le terme en 1912, est une « monnaie de compte » : des créances-dettes qui s’annulent.

– Oui la « panique bancaire » est un fait réel qui ne peut être nié. Mais remettons les « réserves fractionnaires » dans leur contexte : la loi des grands nombres, un calcul statistique de probabilités. Or les paniques bancaires ne doivent rien au hasard, elles sont des événements humains légitimes.

Ainsi « la panique bancaire » n’est pas un argument qui prouve le caractère « ex nihilo » mais son utilisation dans le débat prouve que les partisans de la « création » ont une vision « exogène » de la « monnaie scripturale » comme le dit justement Fred L. Ils la « considèrent » (comme dans la citation de Allais) comme de l’argent et non comme une réserve de valeur. Ceci parce que l’on peut payer de manière « scripturale ». Pas touche au grisbi que je viens de déposer en « monnaie de compte », c’est ma propriété ! Le système bancaire ne peut plus être perçu comme une machine à déthésauriser « l’argent qui dort » (déposé en compte et qui n’est pas utilisé tout de suite comme moyen de transaction) : une « monnaie endogène » qui circule vite, c’est un coffre fort troué tenu par des banquiers faiseurs de « fausses promesses ». Et l’on répond par les agrégats des « masses monétaires ». Mais il faut croire au Père Noël pour voir un scandale dans le fait qu’il n’existe pas.

De ce que j’ai lu des partisans de « l’illusion des banques qui créent l’argent », ils préconisent le retour à l’étalon-or (voir au bimétallisme) telle la Currency School dont les héritiers naturels sont les monétaristes, Milton Friedman. Et l’encyclopédie Universalis nous dit « Depuis au moins un siècle, les auteurs reconnaissent que les banques de dépôt sont, elles aussi, créatrices de monnaie. », un argument qui revient souvent comme une preuve du bien-fondé de la « création ex nihilo ». Mais j’y vois surtout un constat : « Depuis un siècle » des économistes débattent. Pros contre antis étalon-or puis Keynes versus Friedman. Les libéraux ont gagné, « les banques créent l’argent ». Et « l’intérêt constitue la rétribution de l’investisseur pour l’inconvénient de s’être temporairement départi de son capital » touche pas à mon grisbi te dis-je ! Et l’on peut croire que les Banques centrales triomphent de l’inflation en augmentant leur taux directeur.

Comment peut-on reprocher à Greenspan d’avoir cru à des chimères, au plan Paulson de sauver les banquiers plutôt que les banques, au G20 de se féliciter de ne rien remettre en cause, à la croissance d’être vaine, au développement d’être durable, quand on colonise soi même son imaginaire de « l’illusion des banques qui créent l’argent » ?

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126 réponses à “L’illusion des banques qui créent l’argent, par Boris Ascrizzi”

  1. Avatar de Dav

    @Rumbo…

    Je ne suis pas certain de toujours vous suivre, mais je voudrais réagir sur ceci :

     » j’ai bien dit ballons ou 1000, étant entendu que ces 1000 là pourraient être des pièces d’or, des unités de travail, un stock de ballons neufs, ou encore de l’argent “rothbardien”…

    et ceci :

    Dav” »(….)Les 1000 unités monétaires font partie du symbolique(…)” »,
    R. non, pas dans mon exemple elle sont le réel, réel dont devrait se rapprocher le plus possible du symbolique via, ici, l’imaginaire qui lui, aurait tendance constante à prendre la représentation pour la chose elle même…

    Je reprends la distinction pour bien exprimer ce que j’entends par Réel et par Symbolique (représentation du réel) et qui est très bien expliqué par l’exemple des ballons. Sinon, nous ne parlons pas de la même chose.

    Dans un système d’échanges avec un ballon qu’on vend ou qu’on échange contre des petits papiers qui représentent la possibilité d’acheter autre chose, les petits papiers (ou les pépites d’or ou les coquillages) n’ont aucune importance en tant qu’objets réels. Leur importance est donné par leur rôle symbolique, leur rôle de monnaie d’échanges.
    Le ballon est le seul élément faisant partie du Réel.

    C’est pour ça que la seule erreur de la démonstration de Loïc est d’assimiler la monnaie des banques centrales aux ballons, puisque la monnaie des banques centrales, ce sont juste des petits papiers de qualité supérieure.

  2. Avatar de antoine
    antoine

    Je veux bien qu on discute de ce qu’est la monnaie en tant qu »institution. C’est une question de théorie politique et morale pure. Instituer uelque choe de tel que la monnaie c’est en même temps distribuer des capacités à agir de telle ou telle manière et non de telle ou telle autre dans tel ou tel contexte. De ceci découle sa signification sociale.
    Il est évident par exemple que, malgré tous ce que les économistes pourront en dire, la conception de la monnaie implicite derrière la prohibition de l’institution du crédit et du prêt à intérêt en Islam est distincte de celle qui prévaut hic et nunc (Aristote et les médiévaux catholiques partageaient le même point de vue, quoique pour des raisons à chaque fois différentes). Aussi re que la finance est une activité de « service » est une chose qui ne va nullement de soi de ce point de vue. Encore faudrait-il

    Si le problème est bien celui que Paul a identifié, alors il convient de

  3. Avatar de Dav

    @ Fred…

    non, non, je ne pense pas que ce soit compliqué. Il suffit juste de se mettre d’accord sur quoi s’applique les termes Réel, Symbolique (représentation du Réel) et Imaginaire.

    Pourquoi ce procédé est pertinent ? Parce que c’est celui qu’on applique aux médias.
    Or, qu’est-ce que la monnaie sinon le média de l’échange ?

    Donc, prenons le temps de réexpliquer en quoi s’applique les trois termes :

    Le Réel, c’est par exemple l’objet pomme.
    Le Symbolique, c’est la représentation de l’objet, le mot pomme ou le dessin d’une pomme par exemple
    L’imaginaire, c’est tous les possibles que permettent les diverses représentations du mot pomme ou du dessin pomme.

    Dans l’exemple qui nous importe :

    Le Réel économique, c’est le ballon
    Le Symbolique économique, c’est la monnaie qui permet d’acheter le ballon
    L’imaginaire économique, c’est par exemple toutes les valeurs possibles qu’on attribue au ballon

    L’exemple est encore plus parlant avec du pain. Parce que le jour où on a besoin de manger, s’il n’y a plus de pain, une fois qu’on a croqué dans son tas de pépites d’or, on comprend combien la monnaie n’est que symbolique.

    C’est une erreur commune aujourd’hui (notamment concernant le retour à l’étalon contre lequel je suis) que de considérer la monnaie en tant qu’objet du réel, alors qu’elle est un objet symbolique. C’est pour ça que l’étalon n’a que peu d’importance comme le dit Loïc. L’important, c’est la correspondance entre le réel économique (les richesses) et sa représentation économique (la monnaie).

    NB : désolé, mais je trouve important d’insister sur ce point

  4. Avatar de antoine
    antoine

    Encore faudrait-il définir ce qu’est une activité de service, voire s’il n’y a pas des sous-catégories moralement signifiantes, qui pourraient justifier des distributions de droits/ capacités à agir à chaque fois distintes et spécifiques (power, immunity, claim, privilege), et rattacher la finance à l’une d’entre elles. On n’a rien dit quand on a dit que la finance était un service. Il s’en faut de beaucoup que ce soit un service « comme les autres » .

    Si le problème est bien un « problème de point de vue », au sens ou Paul le décrit, et si les deux points de vue sont également rationnels quoique distincts, alors la question devient: Quel est le point de vue légitime? Rawls dirait: c’est le point de vue compatible avec l’idéal politique et moral de respect mutuel entre égaux. Autrement dit c’est le point de vue qui serait susceptible de faire l’objet d’un accord dans ce qu’il appelle « la position originelle », qui un un procédé heuristique de représentation d’un idéal politique et moral. Il sert une théorie politique purement constructiviste (au sens ou les objets mathématiques sont construits). Il ne vise pas la « vérité » mais les « bases d’un accord raisonnable ». Or, là ou c’est intéressant, c’est que la classe des objets raisonnables est plus etroite que la classe des objets rationnels. Par conséquent, si les deux points de vue antagonistes sont également rationnels, il s’en faut de beaucoup qu’ils soient également raisonnables. Il y a donc possibilité d’un arbitrage de dernier recours: Pourquoi devrions nous davantage considérer la monnaie comme étant « ceci » (« concept » de la monnaie), « qui remplit principalement telle fonction » (conception 1 de la monnaie) et « qu’il est par conséquent légitime de produire de telle ou telle manière » plutôt que « cela », « qui remplit principalement telle fonction » (conception alternative 2 de la monnaie) et « qu’il n’est pas légitime de laisser produire de cette même manière »? C’est une question purement normative ET NON PAS DESCRIPTIVE. Le désaccord ici porte sur les principes. (Il faudra certes ensuite, dans un second temps, clarifier le désaccord sur les faits, mais faute de distinguer ces deux niveaux on ne s’en sort pas). Quel point de vue est démocratiquement juste (et partant légitime)? Et si les deux le sont, quel principe hierarchique d’arbitrage entre les deux conceptions est-il démocratiquement juste (et partant légitime)?
    Je n’ai pas la réponse à cette question, ne connaissant rien à la monnaie. Mais je peux au moins aider à fixer le cadre de ce qui pourrait être une « théorie constructiviste de la monnaie ».

  5. Avatar de Dav

    Tout l’avantage d’une théorie constructiviste, comme vous nous proposez Antoine (quand bien même le principe relativiste sur laquelle elle repose est risqué), c’est qu’elle nous amènerait à bien comprendre les mécanismes qui nous ont amené à penser la monnaie comme nous la pensons et donc, elle pourrait nous permettre de faire exploser certains cadres de pensée (la monnaie ne peut pas ceci, et la monnaie ne peut pas cela).

    La monnaie étant un outil (et oui, moi, je ne suis ni constructiviste, ni relativiste^^), il est en effet intéressant de poser la question de manière normative et non pas descriptive. Qu’est ce qu’on veut en faire, de ce machin ?

  6. Avatar de antoine
    antoine

    @ Dav:
    Sauf que le rapport entre les deux semble plus serré quand on a l’étalon or que quand on n’a pas d’étalon.
    Ne serait ce que parce que dans le premier cas la quantité totale d’argent/or dans le monde mesure exactement la quantité de biens dans le monde. Enfin à ce que j avais cru comprendre ici… Alors que dans le second on a déjà ouvert la porte au n’importe quoi (ex: le volume des transactions sur les barils de pétrole rapporté au volume de pétrole réel en circulation).

  7. Avatar de antoine
    antoine

    Je suis d’accord avec l’interet d’une théorie constructiviste de ce point de vue. C’est un guide pratique utile, d’une part pour saisir nos présupposés, et d’autre part pour s’assurer de la congruence de nos ideaux et de nos principes.

    Je ne suis pas d’accord avec le côté relativiste en revanche. C’est tout le contraire du relativisme (cf le courant des mathématiciens constructivistes). Mais pour le montrer il faudrait expliquer en détail la stratégie de justification developpée dans « La Justice comme Equité ». Dire que les principes sont « construits », cela signifie justement tout SAUF qu’ils sont arbitraires. « La PO est construite POUR NE LAISSER AUCUNE EXCUSE, y compris à son auteur ».

  8. Avatar de Armand

    @Dav je considère que la plus grande vertu d’une monnaie est de ne pas pouvoir se manger, ni se boire, ni se brûler pour se chauffer ou faire tourner un moteur. Idéalement une monnaie-tangible ne doit servir à rien. Sa thésaurisation, dans les poches ou parce qu’elle circule, ne prive ainsi personne de manger, boire, se déplacer, etc…

    Si l’on pouvait toujours faire du troc se serait l’idéal : nous n’aurions plus besoin de monnaie (quoique pour l’aspect de conservation de valeur dans le temps le troc ne soit pas idéal) ; c’est pourquoi je pense aussi qu’il ne faut pas confondre richesse et monnaie.

    Si l’or s’est imposé depuis des millénaires, dans des civilisations qui ne se connaissaient pas, ce n’est pas que grace à ses autres qualités nécessaires à une monnaie-tangible (inaltérabilité, rareté, difficulté à en créer à faible coût, …). Je suis plus réservé vis-à-vis de l’argent (le métal) car il a de plus en plus d’application industrielles du fait de ses grandes propriété physique (le meilleur conducteur ; en remplacement interdiction du plomb dans la soudure) et chimiques (un biocide).

    Par ailleurs nous sommes en phase sur l’appréciation des différents niveaux des monnaies-papier ; et le temps vient où apparait la distinction entre leur nature juridique, une hiérarchie de reconnaissances de dettes. Qui n’auront engagé que ceux qui y croyaient.

  9. Avatar de antoine
    antoine

    En fait , une fois admis que la monnaie n’est qu’un moyen et que donc son institution est un problème politique ayant trait à la meilleure manière d’organiser les termes de la coopération sociale, et une fois constaté le « fait du pluralisme » (le pluralisme des conceptions de la vie bonne, entre lesquelles il est impossible de trancher sur une base rationnelle…, et le fait que ce désaccord est appelé à durer), il ne reste plus que le constructivisme comme seule « conception acceptable de l’objectivité pratique » (ou alors quelqu’un se permet d’imposer aux autres les postulats de la doctrine morale compréhensive dans laquelle il se reconnait, ce qui est proprement inacceptable, car quand bien même il serait dans le vrai il lui est de toute façon impossible de la prouver et donc d’obliger à ce titre les autres à le suivre).

    Ou l’on voit que l’idée de constructivisme implique elle-même l’idée de « raison publique » (et qu’on est à l’opposé du relativisme, le constructivisme ayant pu être présenté, dans les limites des discussions concernant « la structure de base de la coopération sociale » comme une arme de destruction massive contre l expansion du relativisme au delà de la sphère privée »). C’est un « accord » certes, mais un accord « idéal », posé à un certain niveau d’abstraction, auxquelles les parties sont tenues de souscrire puisqu’elles sont construites de manière rigoureuse (on parle des « créatures » de la P.O.). De même les mathématiciens constructivistes estiment que les théoremes sont construits, ce qui ne les rend pas relatifs pour autant ^^’).

    Je vais dormir moi, en espérant que tout ça motivera peut-être les specialistes à poser le pb d’une façon un peu différente…

  10. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    Le débat est de plus en plus passionnant.
    Je crois qu’on avance tout de même. A force de retourner la question dans tous les sens, même s’il existe encore des divergences, nous parlons de plus en plus un même langage. Je précise que j’ai commencé l’écriture de ce commentaire ce matin, il est peut-être déjà un peu daté, car de nombreux autres commentaires s’y sont ajoutés.

    D’aucuns diront que la remarque que je vais faire c’est l’art de couper les cheveux en quatre. Mais vu le nombre de réactions dubitatives, il y a peut-être de quoi s’interroger sur l’interrogation. Que révèle ce débat de nous-même et peut-être de choses qui dépassent le cadre strict de la monnaie ? Et surtout de la monnaie elle-même, en rapport avec sa-ses fonctions économiques, sociales ? Certains disent : basta ! On s’en sortira jamais l’affaire est trop complexe. D’autre encore nous disent le problème est résolu (dans un sens ou un autre) depuis longtemps, pourquoi ne pas passer à des choses plus sérieuses ?

    Il me semble que si justement, si ca « coince » tant sur la question, c’est qu’il y a encore quelque chose à creuser, élucider.
    Comme on dit en psychanalyse le « symptome résiste ».
    C’est vrai, pour ce que j’en sais, le débat sur la monnaie ne date pas d’aujourd’hui. Mais est-ce pour autant que tout a été dit sur la question ?

    Je note, s’agissant du présent billet de Boris, qu’il ne s’agit pas de traiter la question de la création monétaire pour elle-même, comme une chose en soi, introuvable.
    Pour Paul Jorion et Boris élucider la question de la création monétaire ce n’est pas parler du sexe de anges. Dire que la monnaie n’est pas une création ex nihilo a des implications, que souligne clairement le billet lorsqu’il évoque le monétarisme.

    Je serais curieux de voir comment un commentateur pro « ex nihilo » s’appliquerait à réfuter le rapprochement fait entre monétarisme et vision de la création monétaire « ex nihilo ». Peut-être y verrions-nous alors plus clair sur ce qui « coince » entre les partisans des deux « thèses ».

    A-J Holbecq, peu soupçonnable d’être un néo-libéral, nous dit que « la création ne peut d’ailleurs, par définition, qu’être ex-nihilo ».

    Je ne vois pas en quoi une création serait forcément ex nihilo. Comme disait Lavoisier, tout se crée, rien ne se perd, tout se transforme ».
    Beaucoup de confusions — au delà de réelles divergences de vision — viennent très certainement d’une imprécision langagière comme le note le billet de Boris. S’agissant du thème de la création — ex nihilo dans le sens où elle n’existait pas auparavant — il faut, me semble-t-il, distinguer création monétaire au sens d’invention d’une technique, celle inventée par banquiers florentins lorsque fut inventée la lettre de change et toutes autres techniques bancaires qui permet d’avancer des sommes autrement qu’en fournissant des espèces sonnantes et trébuchantes, et création au sens de création de valeurs, lesquelles ne sortent pas du néant mais expriment toujours un rapport, le rapport à un collatéral monétaire ou tout type de richesses, réellement existantes ou anticipées. En ce sens je rejoins certains commentaires qui voient dans la monnaie centrale une monnaie de nature fondamentalement pas différente de la monnaie bancaire scripturale. La monnaie centrale n’est pas plus une création ex nihilo que la monnaie bancaire. Paul le dit lui-même, la monnaie centrale est référée en dernier ressort à des richesses produites, fruit avéré ou anticipé du travail des hommes. La seule différence est que son cours est légal, garanti par l’Etat.

    J’aimerais maintenant faire un petit détour par la linguistique pour dissiper l’idée selon laquelle les valeurs que représentent la monnaie bancaire seraientt illusoires. La question de la valeur monétaire recoupe une polémique qui existe dans le domaine de la linguistique. Ferdinand de Saussure, l’inventeur de la linguistique moderne, introduisit l’idée que les signes sont composés d’un signifié et d’un signifiant. Pour une majorité de commentateurs de Saussure le signifiant c’est l’arbitraire du signe. Autrement dit, dans une langue donnée, que l’on dise « chat » pour signifier un chat ou, mettons, « xilu » est totalement indifférent. Le signifiant est dans tous les cas une convention. Pourtant d’autres commentateurs, plus rares, de rétorquer. Pas du tout. Les signifiants sont des valeurs linguistiques. Les signifiants sont l »expression d’un rapport avec un certain nombre d’autres signifiants en circulation, à un moment donné, dans une société donnée, ie avec le système linguisitique réellement existant, c’est à dire tel qu’il parle ou écrit et c’est la seule façon de le concevoir : personne n’a jamais parlé une langue abstraite,celle décrite par les linguistes. C’est toute la diffférence entre langue et langage. La langue, par exemple le français, est une contruction réalisée par les grammairiens ou linguistes, ce dans le but de décrire une ACTIVITE langagière et non d’en dire l’essence.

    Dire que les signifiants sont des valeurs linguistiques c’est dire qu’ils font plus qu’ils ne semblent faire. Ils ne sont pas seulement quelque chose qui tient lieu de quelque chose qui est absent : le référent. Ici, dans mon exemple, le chat réellement existant. Le signifiant est actif, socialement, affectivement, etc…. Il n’y a pas d’un coté le signifiant et de l’autre la réalité. Le signifiant au même titre que le signifié construit et décrit la réalité. (entre parenthèses une lecture radicale de Saussure — par exemple celle de Lacan et quelques linguistes– posent qu’il n’y a que des signifiants). Lorsque votre voisine vous parle de son chat, et prononce le mot « chat », elle ne réfère pas à un signifié qui serait par exemple « chat animal à quatre pattes avec une moustache du genre mammifère et à la démarche souple. » Elle parle d’abord du rapport particulier qu’elle avec un chat spécifique, le sien. Et quand bien même parlerait-elle des chats en général, ce ne serait toujours pas d’un chat in abstracto. Mais l’idée qu »elle se fait des chats dans son environnement, selon ses attentes.

    De même, s’agissant de la monnaie, celle-ci a une valeur, laquelle bien entendu est référée à un existant : n’importe quelle contrepartie. Et, à la limite, peu importe qu’il faille faire référence aux réserves fractionnaires, lesquelles ne m’apparaissent que comme un principe régulateur pour éviter que se fassent jour de trop grands soupçons quant au nombre de « ballons » déposés. Et les dits ballons — matérialisés par le jeu d’écriture dans les comptes bancaires — s’ils sont les contreparties des richesses produites fruit du travail des hommes, ne sont pas l’origine ultime des prêts accordés par les banques car s’il y a un a un rapport entre les réserves et les prêts il n’est pas de nature logique ni même technique. C’est un rapport de nature pratique qui tient à la nécessité pour toute banque de présenter une certaine solvabilité quand le système fonctionne dans son assiette et ne touche pas à ses limites, autrement dit phase économique « normale ». On le voit bien aujourd’hui, « too big to fall ». Une banque au bord de la faillite (notion comptable) peut toujours en théorie recourir à l’emprunt pour se refinancer. Bref, la conservation des quantités, comme l’ont précisé d’autres commentaires, est relative au remboursement des dettes. En dernier resssort, même quand il s’agit de s’adresser à l’Etat, à l’activité économique, et à la croissance, puisque il y a aussi les intérêts.

    Dans un autre registre, plus abstrait, personne n’a pu prouver l’existence de Dieu de façon irréfutable et incontestable, et pourtant cette idée de « Dieu » et ses multiples interprétations, n’ont cessé d’agir sur les sociétés humaines. Il en est de même pour la monnaie scripturale et les prêts accordés par sa médiation. Les quantités inscrites via les écritures comptables tirent leur valeur de la viabilité d’un système économique réellement existant. D’où d’ailleurs l’aléa moral. Le rapport existant entre  » monnaie scripturale » manipulée pour accorder des prêts et la valeur représentée par cette monnaie est du même ordre que celui qui existe entre l’idée de Dieu et le supposé référent Dieu. Croire en Dieu, ou même feindre d’y croire parce que socialement c’est utile, suffit. Mais, mêmes les saints doutent, et peuvent connaître des crises. Alors ne parlons pas des croyants, qui eux peuvent perdre la foi. Les croyances elles-mêmes peuvent aussi changer de contenus. Il n’en demeure pas moins que la question de savoir si Dieu existe ou pas réellement n’a pas d’incidence sur le fait que les hommes du Moyen-Age ont édifié des cathédrales. Pour eux Dieu était une valeur, et cela leur suffisait pour construire tout un monde autour de cette idée. Tout cela pour dire que la question de l’illusion de la valeur de la monnaie scripturale est partout ou nulle part. Elle n’est pas relative, comme le dit très bien Boris, à un coffre-fort nommé banque. La quantité de monnaie est une chose, la valeur une autre.

    Selon un principe de réciprocité nous croyons à la valeur d’une quantité de monnaie bancaire, remboursable. En ce sens il y a bien conservation des quantités. Mais ceci pour autant que nous croyons en un futur, celui de la banque, de l’économie d’un pays, du monde.

    Pour résumer la monnaie scripturale est déterminée par le système économique et bancaire en tant que procédures et institutions spécifiques vouées à l’échange et à la production, production future sur laquelle est gagée le remboursement (probable) des dettes, et déterminée également par le crédit moral (la confiance) que l’on apporte à ces mêmes institutions et leur fonctionnement dans un contexte économique et social donné, sans parler des contradictions à l’oeuvre au sein d’une société et qui remettent en cause ses finalités et donnent alors éventuellement de nouveaux contenus à ce qu’on appelle richesse.

    Il s’agit donc d’un système de croyances mais, à la différence de Dieu, nous pouvons évaluer, ou du moins estimer le niveau des richesses qu’il serait encore possible de produire. Aujourd’hui une grande partie de la crise réside dans le fait que l’on émet de plus en plus de doutes sur la possibilité du système global à créer toujours plus de richesses selon des modalités inchangées.

    Voilà donc en tous cas l’état de ma compréhension actuelle des choses, sans doute encore lacunaire. Je comprends la frustration de J.-H. Holbecq, lui qui participa au fameux débat sur la monnaie. J’espère tout de même qu’il gardera tout de même un oeil attentif sur le blog ! J’en suis presque convaincu. A mon humble avis, la sensation de tourner en rond est quelque peu illusoire. Je vois plutôt un débat qui évolue selon une figure en spirale. Etant donnée la nature ouverte du blog, où sans cesse se joignent de nouveaux participants, forcément moins « avancés » dans leur réflexion, ou moins informés des termes du débat, il est difficile d’évoluer tous à la même vitesse, mais c’est aussi ce qui en fait la richesse.

  11. Avatar de Greg
    Greg

    Si je comprend bien, la monnaie type banque centrale serait donc un signifiant de la richesse existante au présent, et la monnaie type scripturale « créée » par la dette serait sonc un signifiant de la richesse future ?

  12. Avatar de Stubborn
    Stubborn

    @Boris Ascrizzi. Au fait frangin, tu les vends combien tes ballons ? demanda la petite.
    Sont comme ça, les gosses, aujourd’hui, que voulez-vous…
    (Et BOUM. Problème de la réciprocité.)

  13. Avatar de patdembe
    patdembe

    Le problème actuel, ce n’est pas qu’il suffit de retrouver les 10 ballons et que tout sera arrangé. Le problème, c’est justement qu’il 27 ballons de dettes ! Les CDS (credit default swap), on n’en a pas encore beaucoup parlé… mais ça ne tardera guère ! Et alors, c’est à ce moment-là que les problèmes vont VRAIMENT commencer.

  14. Avatar de jacques
    jacques

    J’ai du mal à suivre.Si les interets se situent dans un système de conservation des quantités, ils viennent en déduction d’une valeur ancienne pour ajuster la nouvelle valeur nouvelle.Autrement dit,les interets sont une variable de conservation de valeur. Qu’en pensez-vous ?

  15. Avatar de François
    François

    …isme, isme… toutes des constructions de quelques dizaines d’années qui m’ennuient à mourir. Nous sommes déjà bien embrouillés sans ça ! Si vraiment vous voulez réexplorer le constructivisme, le symbolisme, le relativisme, et la psychologie en prime et tous les autres hic (quoique éthique…), je dois vous avouer que pour moi tout idiot que je suis, un pain c’est un pain que je peux manger maintenant et qui sera sec demain, un euro c’est un pain que je pourrai manger demain ou plus tard (si on le dévalue pas), et un ABS c’est, comme aurait dit Coluche, un impôt sur la bêtise (il le disait à propos du lotto : je crois que ça reste d’actualité).

    Finalement l’histoire de la monnaie passe en très peu de temps du coquillage à l’or puis à la monnaie scripturale puis électronique. Puis à des épiphénomènes désastreux qui n’ont plus rien à voir strictement avec la monnaie : ABS/MBS/CDO & co

    Revenons à des questions de base :
    -pourquoi et avec quels avantages/inconvénients sommes-nous passé d’un stade à l’autre
    -quelles reculs/avancées sociétales et technologiques ont permis/exigé ces modifications
    -quel rôle jouait la disponibilité des coquillages
    -quel sera l’impact de la finitude ressentie des ressources sur l’évolution prochaine
    -comment agissait le facteur limitant au temps des coquillages (car il y avait bien un facteur limitant ! ne serait-ce que l’impossibilité matérielle d’échanger à tout va !)

  16. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Difficile de suivre aussi vite que de nouveaux messages arrivent!

    Mais je trouve un peu curieux toutes ces circonvolutions sur l’essence de la monnaie.

    Pour ma part, je dirai que la monnaie, par essence, n’est pas une marchandise.

    Elle peut être une « marchandise » éventuellement dans un deuxième temps, à la conditon expresse qu’épargnée, elle ne manque pas au pouvoir d’achat. À cette condition inamovible les détenteurs de monnaies épargnée peuvent faire ce qu’ils veulent, y compris se « shooter » à mort, faire des orgies financières, prendre des cuites à tout casser, – mais à leur seuls frais – sans aucune participation bancaire, dans leur pré-carré, ils ne gêneront plus et n’empoisonneront plus l’économie normale.

    La monnaie est un permis d’acheter les biens que nous ne fabriquons pas. Rien de plus.

    Mais, s’agissant: des l’illusion des banques qui créent l’argent, je pense qu’on me permettra de donner la parole ici à denis GAUCI, président de l’association ADED dont la création monétaire est le sujet, voici ce qu’il écrivait début 2007, au moment où Paul sortait: Vers la Crise du Capitalisme Américain. Ce n’est nullement contradictoire avec les prévisions justes de Paul, et la situation « à la japonaise » nous guetterait tous.

    Bulletin de liaison N°33 Premier trimestre 2007 —- de l’ ADED

    Un futur programmé

    Dès les premières pages des manuels de mathématiques financières on trouve généralement une formule toute simple, c’est celle du calcul de l’intérêt simple :

    i = C x t x n / 100

    dans laquelle i est le montant des intérêts, C le capital emprunté, t le taux d’intérêt, n la durée du crédit en années

    Cette formule s’applique parfaitement dans le cas d’un particulier parce que toutes les valeurs sont limitées. Le crédit a un début et une fin.

    Par contre, si nous voulons appliquer cette formule à la collectivité nationale

    i est le total des intérêts, C le total du capital emprunté ou l’encours de crédit ou masse monétaire,

    t le taux d’intérêt moyen, n la durée du crédit en années.

    Nous nous apercevons que cette formule nous fournit de précieuses informations. Le crédit collectif ne peut avoir de fin parce que l’argent pour rembourser est insuffisant et que si nous voulions rembourser notre dette il y aurait un effondrement total de l’économie, n est alors illimité. Mais si n est illimité la formule nous montre que i est également illimité, et si i est illimité, c’est la banqueroute assurée pour l’Etat et la société civile.

    A ce destin tragique une autre alternative non moins tragique est possible, si le taux d’intérêt moyen t tombe à zéro, alors ce sont les banques qui sont privées de revenus et mises en faillite. C’est ce qui s’est passé au Japon où l’endettement public est de 160% alors qu’il est de 66% en France. Poussé dans ses limites le système de création monétaire par endettement a sauté. Au cours d’une opération pudiquement appelée « assouplissement quantitatif » la banque centrale du Japon (Boj) a refinancé à fond perdu les banques privées avec de la monnaie permanente qui ne pourra plus être remboursée. Le taux d’intérêt à zéro rend tout remboursement impossible. Le versement abondant d’argent public aux banques privées (en situation de faillite) constitue un détournement de fonds, mais la finance japonaise étant seule à connaître la règle du jeu peut agir selon son bon plaisir. Quant au peuple japonais, il reste avec sa dette astronomique sur le dos et subit les rigueurs d’une économie anémiée. Plusieurs générations de japonais seront sacrifiées avant que le volume de monnaie permanente soit suffisant pour relancer l’économie. Ce scénario exerce ses ravages dans la discrétion pendant une longue période et il est plus redoutable qu’un krach qui aurait au moins l’avantage d’aider à poser les bonnes questions.

    Ainsi, dans le cadre du système monétaire actuel, la démonstration mathématique est faite que notre futur est programmé. Nous aurons droit, soit à un krach comme en Argentine, soit à une longue et douloureuse maladie comme au Japon. La seule solution pour échapper à ces joyeuses perspectives est que la création monétaire soit confiée exclusivement à l’Institut d’émission. Mais, pour nos maîtres à penser, cette solution serait-elle trop simple ou trop évidente pour mériter quelque considération ?

    Denis GAUCI

  17. Avatar de Paul Jorion

    @ Julien Alexandre

    Qu’est-ce que la création de richesse?

    Peut-on lire l’intérêt comme l’anticipation de la création de richesse future (à mettre en perspective avec la réponse à la première question, sinon c’est sans intérêt 🙂 )?

    Dès lors l’intérêt ne doit-il pas être aboli sur la consommation « destructrice » ?

    J’ai déjà répondu à ces questions dans Monnaie – intérêt – croissance. Ma réponse aux deux questions était oui.

    Je terminais mon billet par

    Bon, une remarque : oui, pour que cela fonctionne comme un système « généralisé », il faudrait que de la masse monétaire soit créée pour refléter la création du surplus – encore appelé « croissance » – et éliminée pour refléter sa destruction par l’usure, etc. Il y aurait « décroissance » quand le bilan entre création et destruction est négatif.

  18. Avatar de Archimondain
    Archimondain

    Hum… Je me serais donc trompé. Je me sens un peu bête maintenant…
    Pour prêter 10.000, il faut 10.000. Ce n’est pas du tout comme ça que j’avais compris les choses. Je comprend à la lumière de ce billet et de ces commentaires, le billet précédent de Paul sur l’argent-dette de Paul Grignon. Le fait que l’argent soit multiplié par 9 ou 90 me semblait être un détail. Mais pas du tout. car dans un cas la banque créer réellement ex-nihilo de l’argent (10.000 à partir de 1.111,12$) et dans l’autre, la multiplication ne se fait que par la ‘magie’ (qui n’a en fait rien de magique) du crédit très bien imagée par l’histoire des ballons. Il y a effectivement là un différence fondamentale.

    Donc pas de scandale à se mettre sous la dent ? C’est plutôt tant mieux en fait. Le monde n’est pas si fou que ça 🙂 Xu souligne cependant que tant que l’argent ne sort pas de la banque, celle-ci peut effectivement le multiplier. Mais en y réfléchissant bien, tant qu’il n’en sort pas (par virement ou retrait fiduciaire) c’est un peu comme si il n’existait pas. Le système de réserve fractionnaire n’existe alors que pour faire face à un retrait important de dépôt. Il correspond à la quantité d’argent que la banque doit ‘ne pas prêter’ et non à un coefficient multiplicateur que la banque pourrait directement utiliser pour créer des prêts.

    Merci à tous pour ces éclaircissements. Ça m’enlève comme un poids que j’avais dans la tête. Évidement, ça n’enlève rien à de nombreux points dont la légitimité reste à prouver, je vais désormais pouvoir y réfléchir plus efficacement 🙂

  19. Avatar de leduc
    leduc

    Je vais donner quelques points de vue et quelques idées à mon niveau c’est à dire celui très prosaïque et on va dire basé sur le bon sens commun de quelqu’un qui n’a pas du tout mais du tout une formation dans quelques domaines de l’économie. Mais bon parfois ca ne fait pas de mal d’avoir le point de vue de la base, surtout aux élites qui souvent sont bien trop déconnectées de la base 😉 . Mes interventions sont rares vu que je ne suis pas un spécialistes, je ne suis qu’un simple citoyen très ordinaire qui a des idées ordinaires, mais si je peux donner des idées, des pistes de réflexion à ceux qui ont les moyens de travailler dessus, ben alors j’aurais servi à quelque chose dans le débat, le schmilblick aura avancé un peu 😉

    On part du principe que la banque est évidemment une entreprise dans le système capitaliste, c’est à dire qu’elle a pour but évidemment de gagner de l’argent, ce n’est pas une œuvre philanthropique, elle gère de l’argent dans le but qu’à la fin de l’année son bilan soit positif et qu’elle puisse récompenser ses actionnaires.

    Une banque servirait accessoirement à financer les investissements des autres entreprises « classiques » on va dire, c’est à dire les entreprises qui créent de la richesse bien matérielle, des biens divers de consommation, d’équipement, etc, ou des choses éventuelle moins matérielles comme des services, j’en oublie sans doute d’autres ce n’est pas exhaustif.

    Accessoirement, en plus de rapporter de l’argent à ses actionnaires, l’une des fonctions de la banque est de collecter des surplus d’argent, d’accorder des prêts à des entités économiques qui ont besoin d’investir pour l’avenir mais qui n’ont pas nécessairement toute la somme nécessaire immédiatement pour réaliser leur projet.

    Je présume que ce serait une des fonctions utiles de la banque donc, pouvoir financer les projets économiques, le développement des entreprises, leurs investissements dans de nouvelles machines, infrastructures, recherches, etc, afin de rester compétitives, produire mieux, produire plus à moindre coût, améliorer, etc….

    Une petite parenthèse qui a un rapport lointain, voire très lointain avec le sujet mais qui pourrait un jour resservir ailleurs, pour ce sujet ou un autre, je me le mets de côté, ce qui est fait est fait 🙂
    Certains penseurs en économie ont assez justement souligné une des différences entre les USA et la Chine, c’est que les USA sont essentiellement une société de consommation où celle ci joue le rôle majeur dans la croissance, alors que la Chine est essentiellement un pays producteur qui produit, construit, fabrique, bref crée de la richesse.

    Tandis que les USA consomment (c’est à dire détruisent de la richesse pour certains), la Chine crée de la richesse.

    Un plan de relance chinois servira essentiellement à relancer la consommation intérieure, mais toujours avec le but de relancer et entretenir la production intérieure. Les USA pour l’instant ont lancé des plans de relance visant la consommation mais sans doute pas la production intérieure, peut-être que cela va changer au moins en partie avec des grands projets de travaux et aménagement qui mobiliseront les travailleurs américains, les ressources américaines, et finalement amélioreront l’infrastructure socio économique du pays au lieu donc de stimuler bêtement une consommation de masse basique de biens divers essentiellement importés et voués à une destruction très rapide (à défaut de relocaliser la production de ces biens).

    Parenthèse terminée, excusez le hors sujet 🙂

    Si je n’ai pas trop compris de travers, certains d’entre vous sont plutôt critiques vis à vis d’une banque qui prête de l’argent dans un but de consommation. Autant une banque qui prête à un investisseur fait un pari sur l’avenir, mais un pari qui va sans aucun doute créer de la richesse en aidant une entreprise à investir ; autant une banque qui prête à un individu dans le cadre d’un crédit à la consommation ne servira finalement qu’à accélérer un processus de destruction de biens, de richesse par la consommation et ce n’est pas très productif.

    C’est peut-être par un autre aspect ce qu’on reproche à l’état français lorsqu’au sujet de la dette on évoque le fait qu’il n’est pas bon que cela serve finalement à financer des dépenses courantes plutôt que des investissements réels, bien concrets pour l’avenir. Je ne suis pas certain de savoir de quoi je parle, mais je sens un rapport plus ou moins lointain 🙂

    Mais je vois aussi une autre possibilité tout à fait peu constructive et peu productive de richesse. Je veux parler de la spéculation. Finalement est-ce que c’est productif, est-ce que cela crée de la richesse de mobiliser essentiellement de l’argent, de se servir d’argent pour rapporter de l’argent ? De facto un spéculateur en gros c’est cela, c’est quelqu’un qui utilise son capital non pas pour créer de la richesse via une entreprise réelle, concrète, avec des investissements, des employés, des achats de fournitures, des ventes de biens finis ou de services. Un spéculateur cela ressemble plus souvent à quelqu’un qui manipule des comptes, des chiffres, de l’argent, qu’il place et déplace dans le but unique d’en avoir plus à la fin de l’année, et à vrai dire en se moquant un peu, voire complètement, des conséquences que peuvent avoir son attitude sur d’autres acteurs économiques, sur les dégats collatéraux qu’il peut provoquer sur les marchés (inutile de vous faire la leçon, vous avez sans doute plus de choses que moi à dire sur la spéculation, les bulles, le marché des « commodities », etc..).

    Mais j’ai l’impression que tous les acteurs du domaine financier sont devenus un peu fous. Cette folie visant à rapporter de l’argent quels que soient les moyens d’y arriver. On a peut être un peu perdu de vue l’un des but des banques, qui est de favoriser le développement économique qui permettra à toute la société d’avancer directement ou indirectement, de produire des richesses durables, d’investir sur l’avenir. Aujourd’hui j’ai l’impression qu’on prête indistinctement à n’importe quelle entité capable de rembourser, solvable donc, sans s’intéresser réellement à l’utilité de son oeuvre. Vous me direz que ce n’est pas le but du banquier de vérifier l’utilité de l’argent investi, de savoir s’il va servir à construire des routes, des usines, des réseaux divers de transport ou communication, mais c’est peut-être essentiel. A la limite un banquier qui s’assure de la solvabilité des personnes à qui il prête, leur prêtera volontiers la somme si ceux ci peuvent rembourser dans l’avenir, quelque soit leur activité, ainsi ils pourront par exemple construire des dizaines, des centaines d’édifices peu utiles comme des églises, des temples, des cathédrales, des pyramides même, des musées (on pourra évidemment discuter de la valeur réelle et de l’utilité de ce genre de choses, mais on peut dire évidemment que ce n’est pas avec des musées qu’on nourrit des millions de personnes alors qu’il serait sans doute plus intelligent d’améliorer des infrastructures de transport, réseaux énergétique, de distribution d’eau surtout à une époque ou les ressources de plus en plus finies et rares dans un monde toujours plus peuplé). Bref, il y aurait quand même quelque chose à revoir dans l’utilisation des crédits accordés, et ne pas les donner indistinctement à n’importe qui qui pourrait simplement se montrer solvable. La solvabilité n’est peut-être pas un critère suffisant pour accorder des crédits.

    Encore que on a vu que dans leur folie grandissante de profits, les banquiers ne se contentent plus de prêter à des gens solvables, ils accordent aussi des crédits à des personnes qui ne sont pas solvables. On ne va pas refaire la crise des subprimes, mais je pense que c’est cela dont il est question finalement, le fait d’avoir prêté à des personnes dont le niveau d’endettement leur empechait de pouvoir rembourser convenablement et les poussait à la faillite plus ou moins. On a parlé de régulation des marchés, d’autorités nouvelles, de contrôle, bon ou verra si cela va changer, espérons le en tout cas. Que le monde financier ne devienne pas un gigantesque système cannibale qui s’entretient en s’auto dévorant les uns les autres.

    Le monde de la finance exige trop de retour maintenant, trop de bénéfices. C’est symptomatique des fonds divers, de pension, hedge funds etc. Pareil maintenant pour les banques et autres acteurs financiers. On prend trop de risque, et finalement comme le dit l’expression, toute la finance mondiale est devenu un gigantesque casino, une roulette géante, un loto mondial ou plus on prend de risques, plus on peut gagner gros, mais plus on peut perdre gros. Les amateurs de jeu d’argent et de probabilité savent sans doute de qu’on on parle ici.

    Pour terminer cet amas de remarques les plus diverses, je dirais que le monde capitaliste en entier est devenu fou, le but unique étant devenu quasi exclusivement la recherche frénétique de bénéfices à tout prix, quelles que soient les retombées et les dommages collatéraux. Profit à tout prix ! Le monde financier a créé de gigantesques chateaux de cartes, des édifices instables dont on essaie de rafistoler la base en espérant que tous les étages ne nous tombent pas dessus pendant ce temps. Les entreprises plus « classiques » se contentent elles de faire jouer la mondialisation, la délocalisation, la concurrence effrénée pour plus de profit. Sans doute on pourra argumenter que cela tend à faire baisser les prix à la consommation, chose positive pour les quidams de base, mais enfin comme je pense souvent si chaque entreprise délocalise, réduit la masse salariale, dégraisse et taille dans les effectifs, avec une politique de bas salaire avec ses propres salariés en espérant que ce soient les autres individus ceux employés par d’autres entreprises qui contribueront à faire leur bénéfices en achetant leur biens produits, bon on va sans doute aller dans un mur aussi car à l’arrivée la majorité se verra proposer des produits moins chers mais avec des revenus moins élevés.

    C’est finalement en définitive un problème de répartition de la richesse, de l’argent essentiellement. Tant que le capitalisme visera à concentrer une part toujours plus grande d’argent dans un nombre extrêmement limité de mains, ca va finir par coincer quelque part. Si finalement les riches ne font que devenir plus riches, ne visent qu’à avoir toujours plus d’argent, si on se sert de l’argent pour avoir encore plus d’argent au détriment du plus grand nombre, limitant ainsi la masse d’argent en circulation pour la consommation, les investissements pour l’avenir, alors on est mal parti.

    Je prends toujours mon exemple ultra simplifiés à souhait, mais si on a 1.000.000 de personne qui ont un revenu de 1000 euros et qui dépensent la quasi totalité de leur revenu pour vivre, le circuit économique tourne. Maintenant si une seule personne prélève (par je ne sais quel deus ex machina économique, on s’en fout c’est pour l’exemple) un euro sur le revenu mensuel de ce million de personne moins elle même, elle va se retrouver à la tête d’un revenu et d’une fortune assez coquette par rapport aux autres, à la tête d’un capital de 999.999 d’euros ratissés sur le revenu des autres. Les 999.999 autres personnes restantes verront leur revenu amputé d’un euros à 999 euros, mais il est vrai que pour eux cela ne se ressentira pas beaucoup dans les faits. Maintenant il est clair qu’on peut répéter cette opération un certain nombre de fois pour que plusieurs personnes deviennent relativement riches par rapports aux autres, on aura un riche, puis 2, puis 3, puis 4, mais à force de ponctionner un euro sur le revenus du million de personne originel, ca va finir par se sentir tôt ou tard ; leur revenu va passer à 999, puis 998, puis 997, etc, jusqu’à atteindre un seuil où effectivement cela va gêner leur consommation de base déjà bien difficile avec des fins de mois difficiles à boucler. Par contre je ne suis pas certains que ceux qui auront un revenu de 999.999 ou 999.998, ou 999.997 etc, dépenseront la plus grosse partie de ce qu’ils gagnent, je suis plutôt enclin à penser que leur revenu va s’accumuler de plus en plus même si leur mode de vie va évidemment changer pour devenir plus somptuaire. C’est là que le capitalisme bloque, dans cette possible accumulation de richesse, cette condensation d’argent dans des comptes en banques qui dorment, où dans des actions, des titres financiers qui rapportent toujours plus d’argent à l’arrivée.

    Bon, voilà, je vois refile le bébé et l’eau du bain, vous en faites ce que vous en voulez maintenant 🙂

  20. Avatar de Dav

    @ PYD

    Nous n’utilisons pas les mêmes mots, mais nous décrivons exactement le même phénomène. Votre signifié, c’est ce que j’appelle le réel. Votre signifiant, c’est ce que j’appelle le symbolique.

    Par contre, je ne comprends pas pourquoi le statut de l’argent des BCs serait différent de celui « créer » par les banques commerciales. Monnaie d’état, monnaie scripturale, c’est la même chose. On est dans du signifiant.

    Un Etat sans richesse ne pourrait pas fabriquer de la monnaie comme le font les Etats-Unis et la diffuser.

    Premier mouvement : un Etat s’appuie sur ses richesses actuelles et futures (le signifié) pour émettre une monnaie qui repose sur la dette. Création monétaire dont on voit bien qu’elle ne repose sur rien d’autres qu’une convention.

    Deuxième mouvement : le signifiant prend alors le relai, et on rentre dans un système de croyance en les richesses actuelles et futures de l’Etat, sa capacité à rembourser des dettes, qui peut être plus ou moins en lien avec ses richesses réelles (le signifié).
    En fait, ça varie non plus en fonction du réel/signifié, mais en fonction de la croyance en ce réel/signifiant.

    Troisième mouvement : le système de croyance permet au système de surnager (déflation) ou le conduit au désastre (faillite)…

    Voilà pour ma part, ce que j’en comprends.
    Mais tout ceci retombe toujours sur la même conclusion : la monnaie, ça n’existe pas en tant que tel (signifié/réel). Quand le bien sert de monnaie d’échanges, cela s’appelle le troc : un système sans monnaie.

  21. Avatar de Greg
    Greg

    @Dav,

    Arrêtez moi si je me trompe, mais il me semble qu’il y a tout de même une différence fondamentale entre ces deux types de monnaies : Elles sont bien toutes deux des signifiants, mais leur signifié me semble différent.
    La monnaie d’état a pour signifié la richesse actuelle (ce qui se rapproche le plus du réel), alors que la monnaie scripturale créée par les banques commerciales a pour signifié les richesses futures (et là on commence à s’éloigner du réel tel que vous semblez l’entendre)

    Ou alors un point m’échappe et merci de me corriger.

  22. Avatar de A.
    A.

    Je n’ai pas lu tous les posts en raison de leur longueur.

    1 –

    Je pose la question suivante (posée par Moi un peu plus haut) :
    – Si j’ai bien compris, la création monétaire, selon certains d’entre vous, ne repose que sur le paiement d’intérêts rendu possible par la création de « richesse » supplémentaire à t+1 dont la monnaie crée est le signe à t. La monnaie créee en t a comme contre-partie, soit un détour de production, soit une utilisation à plein régime des capacités de production.

    -S’il y a création et destruction de monnaie, il n’y a pas création et destruction de capacité productive à l’issue. Ou, plus exactement, le remboursement du capital n’est pas une destruction puisqu’il peut y avoir eu création d’actif (par exemple une machine) et que le remboursment du capital ne fait que compenser la création d’actif. Par conséquent, au final, il y a bien eu création monétaire sans destruction en retour, mais plutôt transformation : de l’actif liquide (la monnaie) peut devenir de l’actif moins liquide (une machine). On me répondra qu’il faut prendre en compte l’amortissement des immobilisation. Certes, cela est vrai.

    – Si les capacités de production ne sont pas utilisées pleinement alors on peut réfléchir en terme de circuit et de partage. Il n’a pas été donné assez à certains, ce qui provoque une baisse de la consommation. La création de monnaie permet de reboucler le circuit tandis qu’une partie de ce qui a été crée au profit d’autres demeure (sous forme d’actifs on peut penser).

    2- Réaction a ce que j’ai lu.

    – La monnaie est en soi une richesse : si cette assertion était fausse, il n’y aurait pas de spéculation.
    – La monnaie n’est pas un voile au sens de Say. Elle ne permet pas qu’échanger des marchandises contre d’autres marchandises ».

  23. Avatar de Dav

    Greg,

    Je vais essayer de reprendre l’exemple des ballons pour mettre les choses à plat.
    Ensuite, il s’agira de transposer l’exemple à la situation concrète, et là j’aurais besoin d’un… contrôle technique par les experts.

    « Mon fils dépose 10 ballons dans son placard. Sa sœur emprunte 9 ballons qu’elle remplace par 9 morceaux de papier sur lesquels elle écrit “je remplace le ballon dans cinq minutes”. Puis ma fille dépose les 9 ballons dans son placard. J’arrive à mon tour et lui emprunte 8 ballons que je remplace par des bouts de papiers. » A ce moment là il n’y a pas 27 ballons dans mon appartement. Il n’y a toujours que 10 ballons et 17 ballons “scripturaux” ont été “créés” mais pas ex nihilo. En cas de panique dans l’appartement, mes enfants ne trouveront qu’1 ballon chacun dans leur placard et je serai sûrement désigné comme responsable. Mais si au bout de cinq minutes ma fille replace 1 ballon et échange ses bouts de papier par les miens, lorsqu’à mon tour je replacerai mes 8 ballons tout sera revenu à la normale. Les dettes auront été détruites.

    Dans tous les cas de figure, le seul signifié, c’est le ballon (en l’occurence les dix ballons). Il y a toujours 10 ballons. ça ne peut pas bouger a priori dans notre étude de cas. Les ballons sont le réel. ça relève de la physique. Il y a dix ballons. Point barre.
    Les papiers sont tous des signifiants. Comme le décrit Paul Jorion, quand le système de croyance tient, qu’il n’y a pas de panique, la dette est recouvrable, les papiers ont la même « valeur » que le ballon (le signifiant est considéré comme équivalent au signifié, alors qu’en réalité, il ne l’est pas). Il n’y a pas création de ballon. Il y a création de représentations de ballons. Le nombre de ballons n’augmente pas. Le nombre de représentations du ballon augmente. ça relève des mathématiques. On peut faire de la contorsion.

    Qu’est-ce qui fragilise le système ? l’accroissement de l’écart entre le signifié et le signifiant. Les ballons et leur représentation.
    Qu’est-ce qui le fait s’écrouler ? l’écroulement du système de croyance (soit la foi dans le remboursement de la dette, soit le besoin de rembourser tout le monde tout de suite).

    L’erreur de cette analogie, c’est de considérer la monnaie d’état comme un ballon, et la monnaie scripturale comme un papier, alors qu’elles sont toutes les deux du papier (elles sont des signifiants). Où sont donc les ballons, me direz-vous ?

    Autrement dit, qu’est-ce que représente la monnaie d’état (qui repose aujourd’hui sur son refinancement, via les bons du trésor, c’est à dire, via l’endettement) ? La monnaie d’état représente la capacité de l’état à fabriquer de la richesse… à produire, pour le dire vite.

    (Poupée russe, vous pouvez sauter ce passage : la mesure de nos richesses repose sur des signifiants)
    Le signifié/réel, c’est cette richesse et cette capacité à fabriquer de la richesse concrète (biens et services). Cela, c’est tout à fait mesurable. Ce sont des immeubles, des usines, des ressources humaines, voire d’autres actifs symboliques (d’autres « petits papiers » ; or, actions…). Le problème étant que cette mesure repose aussi sur un système de signifiant (c’est là que c’est vertigineux). Un avion, c’est réel; La valeur d’un avion, c’est symbolique, c’est aussi un signifiant qui peut grandement varier selon le contexte. A quoi sert un avion si je n’ai pas de carburant ?

    Donc même la mesure de la richesse de l’état est soumise au dispositif de représentation dans lequel nous avons « choisi » de nous inscrire. Cette mesure de la richesse n’est donc pas réelle, pas totalement objectivable. Ce sont des ballons, mais sur lequel nous appliquons nos signifiants (la valeur des ballons). Ce qui explique les fluctuations possibles.

    Il faut aussi faire le travail d’objectivation de la richesse. Qu’est-ce qui est une vraie richesse (un service dont la société/collectivité a besoin), et qu’est-ce qui est la représentation fausse de ce que nous pensons être une richesse (quelque chose dont la valeur repose sur nos représentations : c’est typiquement le cas de l’or par exemple).
    (fin du passage en poupée russe)

    Pour permettre de comprendre l’absence de différence entre monnaie d’état et monnaie scripturale, il suffit de partir du principe que le calcul de nos richesses est réel/objectif (croire que le PIB, c’est du réel, alors qu’en fait, c’est là encore une représentation du réel).

    En partant du principe que le PIB, ce sont nos ballons, la monnaie d’état étant émise sur la dette, par la mécanique des bons du trésor, elle est aussi créée en tant que signifiant d’une richesse future de l’état. Une croyance dans les capacités de l’Etat à fabriquer la richesse.

    Pour finalement répondre à ta question Greg, suite à cette démonstration qu’il faudra sans doute retravailler, je répondrais non.
    Le signifié de la monnaie d’état et de la monnaie scripturale est le même. C’est toujours notre « richesse ».
    Et, en l’absence de contrôle sur le lien richesse globale/masse monétaire, la mécanique reposant sur l’endettement fait qu’on est effectivement toujours dans l’anticipation d’une création de richesses futures; quels que soient le type de monnaie.
    C’est typiquement le cas de tout le système monétaire de l’après Nixon.

    ça n’aurait rien de méchant si on avait veillé à ce que cet endettement reste soutenable dans notre système de croyance.
    Qu’il n’y ait pas 50 papiers pour 1 ballon. Mais apparemment, ce n’est pas le cas.

    Est-ce que vous y voyez à redire ?

  24. Avatar de Shiva
    Shiva

    Il me semble que l’utilisation du couple de termes signifiant/signifié n’est pas très « heureux » ici. En effet, si le signifiant est bien compris comme; la monnaie, l’argent; le signifié est tout à fait relatif à chacun, il me semble qu’il serait plus opportun de parler en termes de masse monétaire et de flux… La notion de temporalité étant déterminante ici.

    De même qu’il ne me semble pas correct de dire qu’un prêt représente forcément « une promesse de richesse à venir », ce serait ignorer la spéculation. Si j’emprunte à ma banque, une somme qui me permet de réaliser un bénéfice, en spéculant par exemple sur la parité des monnaies. Je rembourse mon banquier, avec les intérêts, et empoche le différentiel.
    Où est la création de richesses ?
    Le crédit n’est donc pas en relation direct avec la création de richesses par l’économie, c’est je crois, la base de la création des bulles spéculatives…
    Un système financier stable ne devrait-il pas délivrer du crédit uniquement sur la promesse d’une réelle création de richesse par l’économie ?
    Existe-t-il des formes de spéculation économiquement saines ?

  25. Avatar de Dav

    A. , vous dites :

    2- Réaction a ce que j’ai lu.

    – La monnaie est en soi une richesse : si cette assertion était fausse, il n’y aurait pas de spéculation.
    – La monnaie n’est pas un voile au sens de Say. Elle ne permet pas qu’échanger des marchandises contre d’autres marchandises”.

    Voilà typiquement deux croyances que vous n’argumentez pas, et qui sont de mon point de vue les raisons de toutes les erreurs d’analyse concernant la monnaie. La monnaie n’est pas en soi, une richesse; nous en avons fait une richesse. La monnaie, en soi, ne permet qu’échanger des marchandises contre d’autres marchandises; nous en avons fait une richesse en elle-même, donc un bien échangeable en lui-même; donc il devient possible de lui faire faire autre chose qu’échanger des marchandises contre d’autres marchandises.
    Tout ceci est contruit.

    La démonstration de ceci est très simple, elle a déjà été faite, mais il faut répéter, et répéter encore :
    Si, sur une île déserte, vous avez deux personnes.
    L’un a une bouteille d’eau. L’autre a de l’argent.
    Seule la bouteille d’eau est une richesse.
    L’argent est une représentation de la richesse qui n’a aucune valeur si les deux personnes ne peuvent pas quitter leur île.

    Cet exemple simple démontre que ce n’est que dans le contexte spécifique de l’échange (quand l’échange est possible), que la monnaie peut représenter une richesse. Elle n’est pas une richesse en soi.

    Battre en brèche cette illusion, c’est le préalable a tous les débats.
    (Ou alors il s’agit de me démontrer le biais de la démonstration… )

  26. Avatar de Ybabel
    Ybabel

    @Archimondain :
    si j’ai bien compris, non. Pour prêter 9000, il faut 10000 (car il faut garder 1/9 de réserve fractionnaire). Mais ces 9000 peuvent être re-prêtés a leur tour dans d’autre banques (on prêtera 8000 avec ces 9000, puis 7000 avec les 8000, etc…), ce qui fait que en prenant le système bancaire au complet, les 10000 initial permettent un prêt de 90000.
    (j’ai fait des gros arrondis sur le calcul 😉 )

    @autres
    comme leduc, j’aimerai ramener le débat (du moins une partie) vers du plus prosaïque. J’aimerai être sur de bien comprendre. N’étant pas économiste, ni philosophe ou quoi…

    Pour moi l’argent, c’est ce qui permet l’échange de biens. C’est avec mon argent que je vais m’acheter un ordinateur ou du pain. La monnaie, c’est de l’argent que j’ai dans ma poche… Mais a la rigueur, de mon point de vue d’utilisateur final, je m’en fiche : je peux tout aussi bien payer mon ordinateur a la fnac avec ma carte de CREDIT qu’avec des billets de banque.
    Que l’argent soit symbolique, réel, signifiant, mythologique, pathologique, eschatologie, et je ne sais quoi, je m’en fiche ;-), tant que je peux le retirer de ma banque pour le transformer en « objet ».

    Quand une banque accorde un prêt adossé sur une (reconnaissance de) dette, ce prêt est de facto de l’argent que je peux utiliser pour des échanges. Puisque cet argent est utilisable par « moi », mais n’est pas retiré du compte de celui qui me prête (d’après ce que j’ai compris du post de Loic Abadie, c’est la différence avec les banques rothbardienne, c’est bien ca ?), alors il y a bien dédoublement de l’argent en circulation. Avec le coefficient multiplicateur en plus, on se retrouve avec beaucoup plus de l’argent (dans le sens moyen d’échange) utilisable, et donc au final, c’est comme si il était créé … « ex-nihilo »… même si c’est pas le cas « mathématiquement », d’après ce que j’ai compris, c’est la même chose (d’ou la citation de Maurice Alais, qui dit que dans l’ensemble, le système bancaire se comporte COMME SI il créait ex-nihilo)
    L’argent est créé temporairement, mais vu que cette création temporaire est renouvelée en permanence de manière massive, ca revient au même que s’il était créé tout court.

    Je ne veux pas relancer un débat qui semble clos, mais juste bien comprendre, parce que après avoir lu tout et son contraire, j’avoue qu’une bonne synthèse « vulgarisatrice » ne ferait pas du mal. (et aussi d’expliquer pourquoi Grignon ou Allais aurait tort …)

    Ensuite, pour élargir peu les perspectives, je dirais que ce qui compte, ce n’est pas tellement qui crée l’argent ou la monnaie ou pas, mais « qui » ou « quoi » contrôle les flux…
    Hors en l’occurrence, comme le fait remarquer leduc, c’est la capacité a générer du profit qui attire les flux. Et malheureusement, le finance a cette capacité,de même que Monsanto ou l’industrie de la guerre aux USA… et la, on a un vrai problème, qui remonte finalement au source du capitalisme, puisque Adam Smith expliquait que finalement, la loi du marché servait à équilibrer les « égoïsmes » individuels. Ce qui fait qu’au final, on a mis au pouvoir, non plus les états ou les des particuliers, mais une forme d’égoïsme corporatif, que l’on nomme « intérêts privés ».

  27. Avatar de Dav

    @shiva…

    Non, non, et non. Le signifié, c’est justement ce qui n’EST PAS relatif à chacun.
    Le signifié, c’est le ballon. Le ballon s’en fiche de la valeur qu’on lui donne.

    Seul le signifiant est relatif à chacun.
    Le signifiant, c’est la valeur du ballon. Chacun a tout loisir de donner une valeur différente au ballon.

    Par ailleurs, il me semble que le débat sur la spéculation, ou sur le fondement du prélèvement d’intérêts ne peut pas avoir lieu, si on ne s’est pas mis d’accord d’abord sur ce dont on parlait.

    Je vous donne un autre exemple.
    Si la monnaie n’est pas une richesse. Si elle est effectivement la représentation d’une richesse.
    Alors, le principe de monnaie fondante est le principe le plus logique à appliquer.
    Pourquoi ? Parce que la richesse s’abime, s’use, se détériore… avec le temps, il y a une corrosion de la richesse.
    Et que cette corrosion de la richesse serait particulièrement bien symbolisée/représentée par une monnaie fondante.

    NB : la monnaie fondante est une monnaie qui perd régulièrement un peu de sa valeur.

    En revanche, si la monnaie est VRAIMENT une richesse, et non pas sa représentation.
    Alors, le principe de monnaie fondante est innapplicable, et la spéculation, tout à fait justifiée.
    Pourquoi ? Parce que la création de monnaie est alors une création de richesses.
    (vous aurez compris que je ne partage pas cette deuxième vision des choses, mais plutôt la première)

  28. Avatar de logique
    logique

    bonjour,

    Si qui me dérange dans toute cette approche et le fait suivant. A chaque fois que la banque prete de l’argent a une personne qui désire acheter un bien (richesse). la banque crédite le compte du vendeur de le somme qui aura été preté a l’acheteur a l’instant ‘t’. Hors cette acheteur peut a son tour dépenser cette somme a partir de l’instant ‘t’. Il y a bien eu création de monnaie dans le cas ou la banque ne disposait pas des fond necessaire. En réflechissant a se petit example vous devriez comprendre que le problème est que, bien que l’argent preté soit virtuel pour la banque elle est réelle pour le vendeur de bien a l’instant ‘t’. Et de se fait se retrouve comptabilisé dans M1, se qui a pour but de faire augmenter la masse monnaitaire au temps ‘t’. A chaque prét c’est le même mécanisme qui est en jeux.

    Pour des biens durable il n’y a pas de problème monnaitaire puisque l’argent preter peut toujours trouver une contrepartie durable. Par contre lorsque ces biens ont une durée de vie trés courte il arrive un momment ou la masse monnaitaire n’est plus en rapport avec la richesse disponible. Et dans se cas il y a bien eu création de monnaie, car la richesse ne peut être valable que pour un bien durable. Celui qui a garder une cagette des fraise dans son garage pour les vendre plus cher dans 2 ans aura perdu toute sa richesse.

    Je pense que c’est le terme de richesse qui est important en économie. Est ce qu’une pomme est une richesse ?

  29. Avatar de Shiva
    Shiva

    @Ybabel

    une bonne synthèse “vulgarisatrice” est inutile, à mon avis, vous avez parfaitement résumé la situation : « L’argent est créé temporairement, mais vu que cette création temporaire est renouvelée en permanence de manière massive, ca revient au même que s’il était créé tout court. »

    Tout le monde à raison, la différence c’est l’échelle, quantique pour M. Jorion, globale pour M. Grignon…

  30. Avatar de Dav

    @Ybabel

    Je suis désolé de te dire Ybabel que tes remarques et ton post sont hautement philosophiques.
    Tu es juste sur un niveau d’analyse pratique. Mais ça n’a rien de contradictoire et c’est tout aussi intéressant (comme le post de Leduc).

    Par pitié, ne créons pas une opposition « esprits pratiques vs esprits théoriques », et voyons plutôt en quoi les deux se nourrissent/se complètent.

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