Un appel à l’action ? En voici un !

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Certains se plaignent de ce que je me cantonne à la formule blog : que je me contente de rédiger des billets « contemplatifs ». D’autres ou les mêmes se plaignent aussi quand mes billets ne restent pas strictement focalisés sur la crise économique et financière. J’ai réaffirmé au fil des ans que ce blog était consacré à l’ensemble de mes préoccupations intellectuelles (c’est toujours visible tout en haut : « Anthropologie, économie, sciences cognitives, philosophie ») mais quand je publie par exemple un billet relatif à l’histoire de la physique, l’indignation est à son comble devant ma trahison d’« un blog consacré à l’économie » (voire consacré uniquement à la Bourse dans l’esprit de – je l’espère – une minorité !) Pire encore, quand je consacre – comme j’ai l’habitude de le faire – un billet à une chanson où à un chanteur, je vois apparaître dans les commentaires des appels à ce que l’on me pende haut et court pour introduire ainsi des diversions non seulement coupables mais quasiment criminelles dans le contexte actuel.

Il faudrait donc que j’appelle plutôt à l’action.

Or j’ai appelé à l’action, il y aura deux ans le mois prochain, dans une tribune du journal Le Monde. J’ai appelé à une constitution et j’ai renouvelé cet appel dans d’autres journaux ainsi que dans des entretiens. On trouve aussi une version plus longue de mon appel dans mon livre L’implosion. La finance contre l’économie. Ce que révèle et annonce la crise des subprimes (2008), aux pages 311 à 322.

Le point focal de mon appel à une constitution est l’interdiction des paris relatifs à l’évolution d’un prix. C’est clair, c’est net, cela opère une coupe claire immédiate en interdisant certains produits financiers à certains acteurs. Cela n’interdit pas les produits dérivés, cela n’interdit pas même les maudits CDS (credit-default swaps), non, cela change simplement fondamentalement la nature du capitalisme pour en faire tout autre chose.

On m’oppose à cela deux choses : on me dit « Vous voulez interdire la spéculation, or tout le monde spécule ! » Et quand je demande d’expliquer ce que cela veut dire, que « tout le monde spécule », on me répond en m’offrant une définition de la spéculation essentiellement centrée sur la rêverie métaphysique : « c’est parier que les choses seront plutôt comme ceci qu’autrement ». Non : ce n’est pas de cela que je parle. Je parle des paris relatifs à l’évolution d’un prix, impliquant deux parieurs, dont l’un gagnera le pari et l’autre le perdra. Ce n’est pas très compliqué.

On me dit aussi « Votre interdiction pourra aisément être contournée ! » Ce n’est pas vrai. Mon interdiction pourra aisément être contournée si elle est inscrite dans un règlement ou dans une loi, qui contiendra autant de failles qu’elle comptera de mots. Mais pas s’il s’agit de l’article d’une constitution dont il faut respecter aussi bien l’esprit que la formulation explicite. Et c’est pourquoi je parle toujours de cette proposition comme sertie dans une constitution pour l’économie.

Ce que je dis là, depuis deux ans, tout le monde s’en fout. Ce n’est pas que le sujet n’inquiète pas : le mois dernier, Mrs. Gordon Brown et Nicolas Sarkozy ont exprimé leur crainte qu’une reprise éventuelle soit tuée dan l’œuf par une spéculation sur le prix du pétrole. J’ai répondu, « Messieurs Brown et Sarkozy, la solution est dans l’interdiction des paris relatifs à l’évolution d’un prix, et il n’y en a pas d’autres ».

Alors, si vous êtes en mal d’action, aidez-moi : soutenez la proposition d’interdiction des paris relatifs à l’évolution d’un prix. Ça paraît peu de choses mais le monde en serait changé. J’entends souvent parler ces jours-ci de pendre les banquiers, mais croyez-moi, les banquiers préféreraient de loin être pendus que de voir une telle mesure adoptée ! (à un niveau constitutionnel, je précise).

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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