Ce texte est un « article presslib’ » (*)
C’est Jean-Claude Michéa qui a fait remarquer que pour qu’une aspiration aux valeurs de la démocratie moderne émerge en Europe, il a fallu que les guerres de religion se transforment en un tel fléau qu’elles soulèvent dans les populations un sentiment d’écœurement généralisé.
Comment réagissaient les gens avant que le stade de l’écœurement ne soit atteint ? Certains commentateurs ici et ailleurs depuis quatre ans nous en offrent d’excellentes illustrations : 1) la conviction qu’il y a certainement moyen de s’en sortir à titre individuel (voire même de faire un peu d’argent ?) : « Monsieur Jorion – entre nous – dois-je acheter de l’or, pour protéger mes – ô combien modestes ! – économies ? » ; 2) la conviction que cela ne me concerne pas moi directement : « Quand ils sont venus chercher les communistes, comme je n’étais pas communiste, je n’ai rien dit… »
Nous sommes plus ou moins sensibles à l’écœurement. Pour les pires d’entre nous, il n’intervient pas avant que ne soit atteinte la chute du petit poème de Martin Niemöller : « Et quand ils sont venus me chercher, il n’y avait plus personne pour rien dire ». Il faut noter qu’arrivé à ce stade-là, même les moins ouverts à l’empathie d’entre nous finissent par comprendre.
Une fenêtre s’est ouverte à la chute de Lehman Brothers – dont le discours de Toulon fut un symptôme. On l’a alors, en haut-lieu, laissée se refermer, pour se contenter de tentatives navrantes (et d’une certaine manière aussi, désopilantes) de reconstruction à l’identique du système à l’agonie. Il ne restait dès lors plus au changement que l’option de l’écœurement, qu’on finirait bien par atteindre un jour.
Aussi, quand on entend aujourd’hui percer l’écœurement dans certains propos de Messieurs Samaras en Grèce et Monti en Italie, on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit là de petits signes très prometteurs.
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