Billet invité
Le président de la BCE affectait hier la sérénité d’usage lors de sa conférence de presse. Mario Draghi a présenté un tableau encourageant de la situation financière des banques, faisant état « de signes hésitants d’une stabilisation de l’activité [économique] à de bas niveaux », et « de signes évidents [que l’argent] circule dans économie », sans dans les deux cas préciser lesquels.
Il a également relevé « des progrès vraiment extraordinaires » accomplis en matière de consolidation budgétaire, puis délivré un satisfecit à la BCE, dont les prêts « donnent à toutes les banques une assurance contre le risque de se retrouver sans liquidités et leur donnent du temps » pour se recapitaliser. Tout va donc pour le mieux ou presque.
Patatras, on apprenait ce matin que le montant des dépôts nocturnes des banques avait atteint un nouveau record : 489 milliards d’euros ! Troublante coïncidence, ce montant est identique aux prêts a trois ans de la BCE aux établissements bancaires, dont on se demande à quoi il sert dans ces conditions. Mario Draghi a expliqué lors de sa conférence de presse que ces dépôts ne provenaient pas nécessairement des 523 établissements qui se sont présentés aux guichets de la BCE. Mais de qui alors ? Et quelle est l’utilisation des fonds prêtés par la BCE, si ce ne sont pas les mêmes, comme l’a également expliqué Mario Draghi ? Que de mystères insondables, décidément !
Fréderic Oudéa, le PDG de la Société Générale, venait rajouter un coup de froid ce matin en déclarant aux Échos que les banques « n’ont pas vocation à investir dans la dette souveraine à long terme ». Prenant à contre-pied les défenseurs de la thèse selon laquelle les banques allaient progressivement revenir sur ce marché. Il n’a pour autant pas exclu, faut-il remarquer, l’achat de titres à court terme, ce qui pourrait accréditer la réalisation d’un scénario à la japonaise. La Bank of Japan finance depuis des lustres l’achat par les banques de la dette souveraine du pays, qu’elle accepte ensuite en collatéral de ces prêts. Ce qui évite de l’acheter directement ! Ce scénario pourrait expliquer le soudain afflux d’offres, hier, lors de l’émission italienne de titres à courte maturité qui a été présentée comme un miracle. Ainsi que la baisse des taux sur des émissions à trois ans aujourd’hui. Les banques amasseraient du collatéral en prévision de la nouvelle opération de prêt à trois ans de la BCE, le 29 février prochain. Et puis, il faut relativiser : l’émission d’aujourd’hui a permis de recueillir 4,7 milliards sur 450 milliards d’euros de besoins de refinancement de l’Italie cette année…
Une relative détente est donc enregistrée sur le marché obligataire, ce qui n’est pas le cas à propos des négociations portant sur la restructuration de la dette grecque, affolant à nouveau les esprits en raison de la possibilité d’un défaut qui refait surface. Les rumeurs invérifiables se multiplient sur les points d’achoppement des négociations, mais il semble se confirmer que le tir risque d’être trop court et de ne pas atteindre la cible : la quantité de titres de dettes échangés au bout du compte ainsi que le taux des nouveaux titres émis en remplacement des actuels sont tous deux décisifs quant au résultat final de l’opération. Or, les objectifs de réduction de la dette semblent loin d’être atteints à ce stade des négociations, un accord ne suffit pas en soi.
Cela laisse pendante la nécessité d’augmenter encore de plusieurs crans les mesures de rigueur budgétaire grecques (avec une efficacité douteuse), ou d’accroitre le montant des prêts consentis par l’Union européenne et le FMI, qui tire vigoureusement la sonnette d’alarme. Une dernière solution serait d’adopter avec effet rétroactif une clause d’action collective inexistante, obligeant les minoritaires après un vote parmi les créanciers à obtempérer, ce qui ne serait pas du meilleur effet et poserait autant de problèmes que cela en résoudrait. Cette nouvelle négociation au finish contribue en attendant à maintenir l’insécurité en zone euro.
Quand on ne parle pas de la Grèce, il y a toujours le choix de se reporter sur l’Espagne et l’Italie, en attendant que le schéma grec ne se répète à leur échelle au Portugal et en Irlande, dans au plus tard un an tel que cela est parti. Le Corriere della Serra a publié ce matin l’information selon laquelle Angela Merkel avait lors de leur récente rencontre conseillé à Mario Monti de se réfugier sous l’aile protectrice du FMI. Mais celui-ci résiste farouchement à une telle démarche qui ne ferait que souligner la position restant intenable de l’Italie et pourrait l’accentuer.
En avant vers le prochain round de réunions de l’Eurogroupe, de l’Ecofin et du Conseil européen, sous la direction éclairée de nos dirigeants bien-aimés !
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