LA FINANCE DU SAUVE QUI PEUT, par Pierre Sarton du Jonchay

Billet invité.

Selon un rapport pour le moment non officiel du US Government Accountability Office, la cour des comptes des États-Unis dépendante du Congrès, le récapitulatif des liquidités prêtées au système bancaire mondial par la Réserve Fédérale atteint des montants gigantesques. La disparition du crédit interbancaire international depuis la crise des subprimes obligerait la Fed à accorder des découverts illimités aux grandes banques internationales pour les maintenir à flot malgré des pertes latentes très supérieures à leurs fonds propres officiels.

Les sommes en jeu seraient de l’ordre d’une année de PIB des États-Unis, c’est à dire un cinquième du PIB mondial. Il est techniquement impossible d’établir des comptes exacts entre les banques et la Fed du fait de la qualification juridiquement imprécise des engagements effectivement négociés. Selon les hypothèses préalables à toute comptabilité, l’évaluation de la réalité économique appréciée dans les bilans bancaires permet d’afficher n’importe quel montant de capitaux propres. Vu la physionomie de l’économie mondiale en 2012, il est tout à fait probable que l’actif net consolidé du système bancaire mondial soit lourdement négatif. Une fraction de la dette mondiale est comptabilisée à sa valeur nominale sans qu’il n’y ait le moindre actif réel en contrepartie.

Le système bancaire mondial est en fait à découvert face aux banques centrales. Pour faire face à l’assèchement total de la liquidité sur le marché interbancaire en dollar après la faillite de Lehman, la Fed a suspendu ses règles habituelles de collatéralisation des allocations de monnaie. Pour faire face à l’urgence, les banques ont donc emprunté à la Fed sans contractualisation précise des engagements et sans avoir à déposer des actifs réels de prix nominal au moins correspondant. Les découverts d’urgence ont été remboursés par la suite grâce à un abaissement de la qualité et de la sûreté des collatéraux admis en contrepartie des crédits centraux. Il y a eu substitution des découverts par des crédits formellement plus conformes mais en fait de moindre solvabilité réelle qu’avant la crise.

Le cours forcé des monnaies convertibles en dollar par des changes flottants et l’indépendance des banques centrales, place le système bancaire mondial au-dessus de toute loi et de toute responsabilité objective. Les deux quantitative easing de la Fed ont servi à faire gonfler les allocations de liquidité au système bancaire en dollar sans avoir à justifier d’une contrepartie plausible dans l’économie réelle. La BCE a opéré de la même manière au premier semestre 2012 en débloquant plus de 1000 milliards de liquidité en euro sans véritable adossement à des investissements réels.

Le résultat du renflouement des banques par de la monnaie centrale légale est la monstruosité des bilans des banques centrales par rapport à l’économie réelle. Les banques centrales sont des bad banks gorgées d’actifs pourris. Le prix réel de ces actifs est infime par rapport au prix nominal des crédits centraux alloués. Le blocage actuel de la zone euro vient du fait que les Allemands refusent de gonfler davantage le bilan de la Bundesbank avec des crédits ne reposant pas sur une croissance économique réelle.

Les Allemands sont largement favorables à forcer le système financier à se déclarer en faillite pour que les non-Allemands assument leurs pertes en euro avant que tous les actifs financiers pourris n’aient été transférés à la BCE et à la Bundesbank qui sont créancières nettes des banques privées en faillite. Les Allemands se voient meilleurs que les autres et pensent survivre mieux que les autres dans un monde en ruine. Les Anglo-saxons ayant pratiqué le quantitative easing sans retenue cherchent au contraire à plomber au maximum les bilans de la BCE et de la Bundesbank pour ne pas se trouver en position d’infériorité au moment de la liquidation générale qui arrive.

En fait, tout le monde a fait ses comptes et connaît la déconnexion radicale de l’économie financière par rapport à l’économie réelle. Le but du jeu financier actuel entre les États et les banques est d’acquérir le contrôle physique d’un maximum de ressources réelles afin de les saisir au moment de la cessation de paiement générale que sera le rétablissement des frontières financières après la faillite internationale des banques et monnaies de réserve.

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  2. D’après les données disponibles, le pays où il y a le plus de cartes de crédit en circulation et où…

  3. Que pense Musk de ces camps? Rien. Et il reviendra manger dans la main du Donald. Il n’aura pas le…

  4. …  » Urgence: ralentir! « … Une accélération bienvenue ET urgentissime …^!^… : https://www.huffingtonpost.fr/international/article/18-passagers-deux-deputes-lfi-ce-que-l-on-sait-du-nouveau-navire-humanitaire-en-partance-pour-gaza_252475.html ET CETTE FOIS , en cette période…

  5. @gaston Pour vous détendre, profitez d’un séjour en montagne: https://bulletindescommunes.net/phenomene-rare-la-neige-fait-son-retour-dans-les-alpes-en-plein-mois-de-juillet/

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