Billet invité.
L’Europe a eu le privilège de s’engager en premier sur la voie du désendettement, le FMI conseillant dorénavant d’en ralentir le rythme afin de limiter ses effets et suscitant de vives réactions européennes. Le Japon, dont l’endettement est supérieur à 200% de son PIB, cherche aussi les moyens d’en arrêter la croissance et de la réduire. Un mécanisme différent qu’en Europe y est à l’œuvre : la part du financement de la dette japonaise sur le marché international, encore inférieure à 10% du montant total de celle-ci, ne cesse de croître, car son financement interne par la Banque du Japon (BoJ) via les banques atteint ses limites. Il va en découler la montée des taux obligataires japonais – très bas étant donné leur mode de financement – sur un marché international qui va être de plus en plus sollicité.
Le FMI n’arrête pas de sonner l’alarme et vient de le faire aussi à propos du Japon. Selon lui, les banques japonaises pourraient dans les 5 ans à venir posséder un tiers de la dette publique du pays si aucune consolidation fiscale n’intervient, ce qui les fragiliserait dangereusement si les taux de la dette japonaise venaient à monter (car cela diminuerait la valeur des titres qu’elles possèdent). Elles en possèdent actuellement le quart, un pourcentage largement supérieur à celui qui prévaut dans le monde occidental, selon le FMI.
Ce dernier en tire la conclusion que la hausse du taux de la TVA qui vient d’être décidée par le gouvernement ne sera pas suffisante pour enrayer ce processus et que d’autres réformes seront nécessaires. Par exemple, atteignant le coût de la santé publique, alors que la population japonaise est vieillissante et que sa consommation médicale augmente…
Ce scénario n’est pas sans rappeler quelque chose ! Le tour des États-Unis se rapproche également. La crise de la dette va s’affirmer pour ce qu’elle est, mondiale, et reléguer au magasin de farces et attrapes les visions eurocentristes qui prétendent la réduire au résultat d’une construction incomplète de l’Europe et qui prétendent trouver sa solution en la reprenant.
Les quatre principaux instituts économiques allemands ont mis les pieds dans le plat. Allant dans le sens du FMI, qui vient de réaffirmer qu’il fallait accorder deux années de délai supplémentaires à la Grèce pour revenir dans les clous. Ils viennent d’affirmer que « la Grèce ne pourra pas rembourser sa dette », ce qui implique qu’elle doit soit restructurer sa dette, soit se déclarer insolvable. Cette dernière hypothèse serait, selon eux, « un moyen approprié pour faire partager aux créanciers les coûts de la crise ». Ils avaient auparavant demandé la mise en place d’un cadre permettant d’organiser la faillite d’un État.
On tourne autour du pot. Les « sages » allemands, ce groupe d’économistes qui conseillent le gouvernement allemand, avaient déjà proposé, il y a maintenant presque un an, la création d’un « fonds de rédemption » de la dette. L’idée était de mutualiser les dettes dépassant 60% du PIB et d’alimenter ce fonds par des recettes fiscales provenant de chaque pays, au pro-rata du montant de leur dette qui y seraient versées. Celles-ci venant à échéance, le fonds emprunterait sur les marchés avec la garantie de tous pour les rembourser. Un mécanisme qui n’a pas été repris, auquel Herman Van Rompuy fait néanmoins référence dans son rapport sur le budget de la seule zone euro préparé pour le prochain sommet des 18 et 19 octobre, qu’il vient de rendre public. Il évoque la capacité à emprunter dans le cadre de ce budget ainsi que la création d’un fonds d’amortissement de la dette des États-membres, deux propositions irrecevables dans l’état actuel des choses par le gouvernement allemand.
Du côté du FMI, on n’en est pas là ! Christine Lagarde vient de déclarer devant l’assemblée plénière du FMI de Tokyo que la dette publique accumulée approche les niveaux atteints en temps de guerre. Elle est en moyenne de 110% du PIB dans les pays développés. Elle ne pourra selon elle être résorbée qu’en empruntant « un chemin étroit, probablement un long chemin, pour lequel il n’exerce pas de raccourci ». Le débat ne porte donc que sur les rythmes d’application de la stratégie retenue. Une approche qui proscrit la restructuration globale de la dette et la réserve pratiquement aux cas désespérés. Une politique décidée au cas par cas, quand tout a été en vain essayé, qui ne peut aboutir qu’à multiplier les désastres. C’est pour cela que la directrice générale du FMI a appelé les pays occidentaux à profiter de « l’élan » donné par les banques centrales, en reconnaissant que « parvenir à une reprise durable est une tâche de plus en plus complexe ».
À Tokyo, faute de mieux, elle a préconisé de donner du temps, et pas seulement à la Grèce, à l’Espagne et au Portugal, quand les situations deviennent intenables : « Au lieu d’une réduction frontale et massive, il est parfois préférable d’avoir un peu plus de temps étant donné que beaucoup de pays sont actuellement engagés dans des politiques de réduction des déficits », a-t-elle déclaré, disant tout haut ce que d’autres pensent tout bas. Pierre Moscovici a refusé de se laisser entraîner sur ce terrain, après les échanges tendus intervenus entre Christine Lagarde et Wolfgang Schäuble, réaffirmant que « la France ne demande pas de délai » et proposant d’ouvrir… un débat sur la relance de la croissance : « Rien dans ce que dit Mme Lagarde ne doit nous détourner, nous détourne des engagements que nous avons pris. Nous voulons réduire la dette publique, c’est une condition majeure pour retrouver de la croissance demain, pour retrouver de la compétitivité ». Cet alignement était-il absolument nécessaire ?
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