CIA, AMOUR ET FANTAISIE

Dans le billet où je faisais part la semaine dernière de l’élection d’Obama à un second mandat, j’évoquais la situation difficile d’une « cohabitation », le président étant démocrate, tandis que sa majorité parlementaire est républicaine. J’écrivais :

Tout laisse présager que c’est à cela qu’Obama se verra confronté durant son deuxième mandat : une double radicalisation, des républicains et des démocrates, chacun de son côté, faisant monter la vocifération de part et d’autre, accompagnée d’une paralysie sur le plan politique, le Congrès et le Sénat parvenant à se neutraliser mutuellement, tandis que le Président tentera de se frayer péniblement un chemin à coups de décrets, d’« executive orders », dont son opposition républicaine mettra systématiquement en cause la constitutionnalité.

Or il existe un autre sort possible pour les « executive orders » que d’être contestés : qu’on s’en fiche éperdument et qu’ils soient simplement ignorés.

C’est ce qui apparaît en particulier de l’affaire Petraeus-Broadwell-Kelley-Allen à la une des journaux.

Si vous tombez des nues, un rapide résumé. Vous trouverez une version plus complète dans votre presse people favorite et, sans aucun doute, dans un grand film hollywoodien dont le tournage débute incessamment sous peu.

Le général David Petraeus, qui permit grâce au surge (la montée en puissance des forces militaires) de stabiliser la situation en Irak, est devenu ensuite, après un passage en Afghanistan, patron de la CIA. Il s’avère qu’il avait une liaison avec Paula Broadwell, sa biographe. Laquelle a cru bon d’engueuler par mails répétés Jill Kelley pour avoir peloté le général (excusez-moi : il faut que j’aille vite). Cette dernière, dont on apprend aujourd’hui qu’elle avait *éventuellement* une liaison avec le général John Allen, successeur de Petraeus en Afghanistan, a déposé plainte contre Broadwell, ce qui a lancé toute l’affaire et a conduit Petraeus à la démission, en attendant d’autres développements.

Passons maintenant au vraiment juteux. Le 11 septembre dernier, une foule en colère prend d’assaut le consulat américain à Benghazi en Libye. L’ambassadeur américain en Libye et trois autres personnes sont tuées. Hilary Clinton dit que c’est de sa faute et joue dans l’affaire le rôle de fusible.

Diverses explications circulent sur ce qui s’est vraiment passé. Le 26 octobre à l’Université de Denver, une explication que personne n’a encore avancée est offerte par Paula Broadwell dans une conférence qu’elle donne dans cette université où elle a autrefois fait ses études : la foule a pris d’assaut le consulat, affirme-t-elle, pour délivrer des prisonniers que la CIA y détenait secrètement.

« C’est impossible, s’écrie avec indignation la CIA, le Président Obama nous a interdit par « executive order » en 2009 de faire d’aussi vilaines choses ! »

Élément supplémentaire cependant, qui nous fait dérailler du people pour verser dans le secret défense : au moment où Broadwell fait ses révélations à Denver, Petraeus vient de rentrer d’une mission d’enquête en Libye pour tenter d’établir ce qui s’est réellement passé à Benghazi.

Allez, encore quelque chose pour terminer sur une note « amour et fantaisie ». Le Président Obama tombe des nues quand on lui apprend toute l’affaire quelques jours seulement avant la démission de Petraeus le 9 novembre. Tout le monde n’est cependant pas aussi mal informé que lui : Éric Cantor, à la tête de la majorité parlementaire républicaine, a lui été tenu au courant depuis le début de l’enquête par l’officier du FBI qui la mène, lequel en a été déchargé pour avoir envoyé des photos dénudées de lui-même à Jill Kelley, la rivale de Paula Broadwell, amante *éventuelle* du général Allen, etc. Le bon côté de l’affaire sans doute, c’est que tous ces généraux et compagnie, sont bien des gens comme nous.

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  1. Les élections de mi-mandat seront truquées : comme chez Poutine. Faut suivre Gaston! 😊

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