DÉCOUVERTES ET NON-DITS A FUKUSHIMA, par François Leclerc

Billet invité.

Les tuiles se succèdent pour Shinzō Abe, le nouveau premier ministre japonais, qui a inauguré son mandat par une visite très médiatisée de la centrale de Fukushima. Prudent, il ne s’est toutefois approché que des réacteurs n°5 et 6, qui n’ont pas connu le sort des quatre autres. Si l’objectif « zéro nucléaire » du précédent premier ministre a été enterré par les soins du nouveau ministre de l’industrie, la relance – promise dans les trois ans à venir – des 48 réacteurs encore arrêtés reste fort problématique. Sous la pression d’une opinion publique désormais alertée et qui ne veut pas s’en laisser compter, le nouvel organisme régulateur japonais multiplie les fâcheuses découvertes.

À commencer par les failles sur lesquelles des centrales ont été construites, ou qui en sont très proches, à propos desquelles les experts s’interrogent pour savoir si elles sont ou non actives, ce qui interdirait toute remise en route. Les évaluations se multiplient, les experts ne partagent pas toujours le même avis, et la confusion s’installe : comment trancher ? La vérité est que l’ensemble du Japon subit comme nul ne l’ignore une intense activité sismique qui n’en fait pas le lieu de prédilection de l’industrie électro-nucléaire. La protection incendie de 13 réacteurs a ensuite été prise en défaut, en raison de la présence de câbles électriques de commande inflammables et d’installations sensibles redondantes trop proches les unes des autres, jouant notamment un rôle dans le déclenchement des barres de contrôle et dans le système de refroidissement. Le coût des modifications pourrait être tel que des opérateurs seraient susceptibles de préférer l’arrêt définitif des réacteurs en cause : il y a mille à deux mille kilomètres de cablage dans un réacteur. En tout état de cause, leur redémarrage serait différé de plusieurs années, le temps de réaliser les travaux.

L’attention de la presse japonaise s’est aussi portée sur les travaux de décontamination réalisés dans la zone évacuée autour de la centrale, avec comme objectif affiché le retour de ceux qui ont tout abandonné. Des témoignages de travailleurs confirment que des déchets contaminés – terre, végétaux, eau, etc. – sont de pratique courante rejetés dans la nature, faute de place pour les entreposer. L’herbe coupée n’est parfois même pas ramassée. Seuls des chantiers modèles sont présentés à la presse. De plus, la pluie et le vent contaminent à nouveau les espaces traités, les fonds des vallées sont particulièrement touchés par le ruissellement et des forêts entières concentrent la contamination.

La liste des non-dits s’allonge : après les coriums dont l’opérateur ne parle jamais, la fable du démantèlement (qui continue d’être racontée, afin de ne pas envisager la construction de sarcophages), il y a aussi celle du retour des 160.000 Japonais sur leurs terres. Tout est fait pour suggérer un retour possible à la normale. Gagner du temps tient lieu de politique, copie conforme de l’attitude adoptée face à la crise financière. Rétrospectivement, il s’avère que la sécurité nucléaire a été bâclée, et au présent que le traitement de la catastrophe de Fukushima l’est tout autant, obéissant aux impératifs politiques et financiers du moment. Mais le temps du nucléaire n’est pas le même et l’histoire pas terminée.

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FUKUSHIMA, LA FATALITÉ NUCLÉAIRE est paru aux éditions « Osez la République sociale ! » [148 pages – 11 euros.] Vente en ligne ici

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