DERNIERS ESPOIRS D’UN PÈRE ET GRAND-PÈRE, par Juan Nessy

Billet invité

Toi qui fis la mémoire, est-ce pour qu’on oublie ?…
Non, c’est pour rendre au temps à la fin tous ses jours,
Pour faire confluer, là-bas, en un seul cours,
Le passé, l’avenir, ces deux moitiés de vie
Dont l’une dit jamais et l’autre dit toujours.

(Lamartine, « La vigne et la maison »)

Est-il vraiment possible à ce moment de l’histoire d’être totalement pertinent sur les impasses de la démocratie telle qu’on l’habille sous nos latitudes et sur la nécessité de la force pour  « bouger » ?

Je crois que non, et que la tâche (inévitable) sera celle d’une génération. La tâche de lieux d’échanges et de décision mondiaux à inventer. La tâche au jour le jour de groupements locaux atypiques (pour ne pas dire anarchistes) et innovants. Ce qui se raconte sur ce blog depuis 5 ans et sur d’autres, ce qui commence à percoler ou naître un peu partout dans le monde, annonce cette Re-Renaissance. Tout juste pouvons-nous reconnaître les antinomies qui aujourd’hui se révèlent et interpellent les consciences en même temps que les bien-être.

Je ne me sens le goût et le pouvoir que de citer quelques « sentiments  » ou intuitions, que ces 10 dernières années m’ont laissé en cervelle déjà bien fatiguée et en voie de fossilisation. C’est chez Jacques Attali que j’avais d’abord perçu de façon la mieux formalisée, mais peut être trop  «  réduite », l’impasse historique où nous sommes. Il exprimait la confrontation entre démocratie et marché, et sa tentative de réponse était d’appeler non pas à une nouvelle social-démocratie, terme ayant trop servi, mais à une nouvelle  « Voie humaine ».

Quand Badiou et Debray appellent à ne pas regarder que le capitalisme, mais aussi la démocratie pour tenter de trancher les nœuds gordiens, ils ne disent pas autre chose. On note au passage que capitalisme, marché et libéralisme continuent leur joyeuse sarabande commune, et que les essais de Paul Jorion pour faire le tri restent vains et inaccessibles au consommateur et même au citoyen moyen. Pour ma part, je continue allègrement à confondre démocratie et République, mais mon étoile préférée (Liberté, Égalité, Fraternité, étendue au vivant) doit davantage me classer parmi les Républicains.

Sur la seule démocratie, j’ai tendance à penser qu’une démocratie « aboutie » et facilement viable nécessite une population et un territoire restreints. Ce qui est une façon de prêcher pour les groupements locaux, un peu dans la veine anarchiste, mais en se heurtant au même problème irrésolu correctement par cette pensée là : comment conserver les idéaux et les outils démocratiques en passant du local au mondial. C’est cet échec relatif qui m’a fait aussi écrire que d’une façon ou d’une autre, entre démocratie « directe » (idéale mais sans outil simple) et démocratie représentative confiscatoire, il y avait des choses plus ou moins simples à inventer, pour que le « je » soit aussi les « nous » les plus nombreux possibles. La seule résolution que l’on puisse espérer par les nouveaux « outils » ne me suffit pas, car je redoute un idéal qui accepterait d’en rester à ses outils, même si l’évolution de ces derniers autorise son propre essor.

Je rejoins Castoriadis pour penser que la démocratie moderne est en fait une démocratie « libérale » qui s’est crue seule référence parce que le communisme avait failli et péri, et que les fondamentaux athéniens étaient bien plus riches (humains sinon trans-humains diraient certains).

C’est cette remarque et l’idée que j’ai plusieurs fois émise ici selon laquelle le libéralisme philosophique résolvait ces antinomies internes par le concept de propriété, qui me fait dire que la démocratie « libérale » qui est la nôtre  n’évoluera qu’en remettant en cause le concept de propriété. La dégradation de la terre sera un puissant aiguillon pour réfléchir en ce sens. Démocratie « libérale » et capitalisme, même tare originelle : la propriété.

L’autre concept qui selon moi devra être réexaminé pour des temps meilleurs  est celui de pouvoir. Ce terme, comme la démocratie, mérite d’ailleurs d’être décortiqué et défini avant débat. Car le pouvoir, selon mon cœur et Tolstoï, pour être utile, efficace et au service du bien être commun, ne devrait être que « l’état de plus grande dépendance où l’on se trouve à l’égard d’autrui ». Reste l’hybris. Mystère absolu dont on ne sait si l’hybris d’un seul ou de quelques-uns peut (doit ?) être contenu pour que ce carburant alimente correctement l’histoire de notre aventure terrestre. Deux grands points cruciaux pour avancer :

POUVOIR(S)

PROPRIÉTÉ(S)

Une utopie réaliste en somme.

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