DE QUOI LES MARÉES VERTES SONT-ELLES LE MESSAGE ?, par Jean-François Le Bitoux

Billet invité

Étiologie des marées vertes bretonnes, réinterprétation du rôle des nitrates. Pourquoi remettre en question un consensus mou, largement partagé faute d’hypothèse de travail plus solide ?

L’impression première est que tout un chacun peut avoir accès sans effort aux arcanes de la biologie. L’objectif de cette contribution est de montrer que cette impression est fausse. Pour le chercheur, faire le tri dans toutes les données d’observation est un exercice d’une grande difficulté. Les difficultés sont telles que les plus grands peuvent déraper. La simplification à outrance de concepts biologiques complexes souvent transmis sous cette forme aux médias peut avoir des conséquences dommageables.

Hervé Le Guyader dans « La complexité de la biologie à l’aune du langage naturel », Partager la science. L’illettrisme scientifique en question (Actes Sud/IHEST, 2013), p. 135

Un rapport officiel sur l’étiologie des marées vertes constate que les nitrates d’origine agricole sont la cause essentielle des marées vertes en Bretagne : Bilan des connaissances scientifiques sur les causes de prolifération des macro-algues vertes – Application à la situation de la Bretagne et propositions (2012), 147 pages.

Ce rapport est une synthèse de documents plus anciens ; il a pour but de clore toute controverse sur le thème et de justifier une politique visant à limiter les apports d’engrais dans les bassins versants limitrophes.

Ce faisant, le problème devrait se résoudre de lui-même et Gaïa et ses océans devraient récupérer leur capacité naturelle d’autoépuration ; dans 15 ou 20 ans ? Rien n’est moins sûr car d’autres catastrophes plus conséquentes auront probablement remplacé ces marées vertes si on n’a pas appris auparavant à corriger certaines impasses écologiques que nous construisons au quotidien et dont les marées vertes ne sont qu’un exemple somme toute mineur – si l’on observe ce qui se passe sur certaines plages chinoises cet été 2013.

Mettre en exergue le rôle des nitrates a l’avantage d’être acceptable sans explication scientifique approfondie et de désigner des coupables : des éleveurs et des agriculteurs qui jonglent chaque jour avec des paramètres administratifs et techniques de plus en plus compliqués et parfois contradictoires. Cette conclusion évite de s’attaquer aux causes métaboliques des pathologies.

Le rapport recommande à la page 3 de : « Restructurer le débat de société en mobilisant des compétences en sciences économiques et en sociologie afin de construire une acculturation suffisante des acteurs locaux, de développer une adaptation des techniques agricoles et de mettre en place les outils d’une bonne gouvernance ». Il invite les agriculteurs à mieux « Partager la science », (Ed. Actes Sud/ IHEST, 2013) selon le beau titre d’un livre d’actualité, sous-titré : « L’illettrisme scientifique en question ». Les scientifiques, auteurs du rapport sur les marées vertes ne se trompent-ils pas de « Science » ? Ne pourraient-ils pas à leur tour « construire une acculturation suffisante » à l’écoute des acteurs locaux afin d’approfondir leurs connaissances de la biologie aquatique et des pathologies qui s’y développent ?

Pêcheurs et ostréiculteurs évoquent depuis des années une baisse générale de la qualité des eaux côtières, sans pouvoir le démontrer « quantitativement ». Les auteurs du rapport reconnaissent d’ailleurs leur incompétence à répondre à de telles questions, p. 11 : « L’influence des pollutions chroniques sur les biocénoses littorales est globalement très mal cernée ». Suivre la biodiversité d’un site est une manière d’apprécier la qualité du fonctionnement d’un écosystème. Réciproquement observer une perte de biodiversité sur des espaces connus, c’est y constater des dysfonctionnements. Pêcheurs et ostréiculteurs ne disent pas autre chose et nous devons les écouter.

Au cours des 30 dernières années, les aquaculteurs marins d’Amérique Latine ont progressivement appris à gérer et à prévenir des proliférations d’algues rouges ou bleues qui menaçaient leurs productions. Prendre en compte leur expérience doit permettre d’analyser et de comprendre ce qui se déroule sur nos côtes et l’adaptation de leur savoir-faire doit faciliter le développement de techniques écologiques efficaces pour prévenir l’ensemble de ces phénomènes, si un jour l’Etat s’en donne la peine.

En France, chacun doit avoir conscience que toute intervention sur le Domaine Public Maritime (DPM) relève de l’Etat et tout y est a priori interdit avant d’y être éventuellement toléré voire autorisé. C’est un lieu riche de contradictions administratives qui participent à entretenir la confusion.

Limiter l’étiologie des marées vertes au rôle des nitrates, c’est passer à côté d’autres situations préoccupantes (proliférations d’algues toxiques, mortalités ostréicoles) dont l’étiologie et l’épidémiologie sont similaires et dont les traitements le seront également. En travaillant sérieusement sur les unes, on apprendra à traiter les autres et développer localement des solutions ayant déjà fait leurs preuves ailleurs, depuis des années.

Pourquoi cette réflexion sur le Blog de Paul Jorion ?

Parce que ce blog fait une large place à l’écologie, au plancton, à d’autres approches scientifiques et à la pédagogie et c’est bien de tout cela qu’il s’agit. Parce que les méthodes d’analyse scientifique de l’anthropologue économiste et du vétérinaire sont similaires et très différentes de celles des chercheurs traditionnels. L’un et l’autre accordent plus d’importance aux fonctions remplies avant de revenir sur les détails qui les structurent ou perturbent et peuvent mener à la pathologie, qu’à certains paramètres ponctuels qui sidèrent le chercheur classique. De ce fait ce qui peut paraître évident pour les uns est parfois incompréhensible pour les autres.

Le scientifique traditionnel aime à s’interroger sur la nature de la médecine : Est-elle art ou science ? Cette question vaut pour l’anthropologie. J.-M. Lévy-Leblond (Aux contraires, 1996) a reformulé l’expression « art ou science ? » par « qualitatif ou quantitatif ? ». Bien entendu, toute médecine est à la fois qualitative et quantitative. Le scientifique est à la recherche d’invariants mais en biologie et en écologie, ce ne sont pas tant les paramètres isolés qui comptent que des fonctions complexes : la respiration, la nutrition, l’excrétion, la reproduction, etc. « Le qualitatif ne serait que du mauvais quantitatif ? » Mais on peut affirmer le contraire avec la même autorité suffisante : « Le quantitatif n’est que du mauvais qualitatif » puisqu’il ne dit rien des propriétés, ni des fonctions des paramètres mesurés.

Pour le chercheur et l’administratif, porter un diagnostic sans avoir personnellement ausculté le patient est un travail de synthèse légitime mais ce sera considéré comme une faute professionnelle pour un vétérinaire : nous n’avons pas les mêmes grilles de lecture. Cela peut expliquer qu’il y eut peu de vétérinaires consultés sur les thèmes mentionnés : peut-être n’ont-ils pas eu les moyens d’ausculter à leur manière ? Avons-nous les mêmes valeurs citoyennes ?

Au cœur des erreurs les plus communes des raisonnements mathématiques, quelle que soit la taille des équations, il y a « l’objectivisme » (G. Delbos & P. Jorion, La transmission des savoirs, 1984, p.164) et l’oubli des limites de validité des outils mathématiques. Le besoin du mathématicien d’homogénéiser des phénomènes hétérogènes, notamment par des statistiques, est « tolérable » à une certaine échelle mais à une autre échelle, tous les paramètres fluctuent simultanément. En écologie, tout l’écosystème s’use, se modifie et se réorganise en vieillissant et l’eau de mer et les sédiments conservent une « mémoire » de chaque réaction. Il peut s’agir d’une carence des éléments utilisés par les bactéries et les algues ou d’un excès d’éléments rejetés par ces mêmes organismes car aucune réaction vitale n’est jamais biochimiquement neutre. Les milliards de réactions biochimiques qui accompagnent les processus vitaux laissent des traces quelque part. C’est au scientifique d’en déterminer l’importance et l’impact ultérieur.

Dans l’analyse de tout évènement, l’historienne Mona Ozouf nous invite à « Contextualiser avant de hiérarchiser ». C’est une autre manière d’inviter au qualitatif avant de passer au quantitatif, de préciser à quelle échelle on se situe et de souligner que les entours participent au déroulement des évènements. Il faut donc savoir prendre du recul et ne pas se laisser « sidérer » par le superficiel, tendance naturelle mais peu professionnelle : voilà où se situent certaines limites de validité des positions des uns et des autres. N’est-ce pas le rôle du professionnel que d’aller creuser sous les couches du superficiel à la recherche de l’étiologie des phénomènes ? Il creuse plus ou moins profond en fonction des outils et du temps dont il dispose, de ses envies et de ses besoins. « On ne voit que ce que l’on sait déjà » !

En médecine, il convient aussi de savoir faire la différence entre ce qui relève d’une symptomatologie spécifique ou non spécifique, c’est-à-dire faire la différence entre ce qui appartient strictement à une situation particulière et aux mécanismes communs à plusieurs régulations. Par exemple, au niveau du fonctionnement des appareils digestifs et respiratoires, il existe des situations communes aux pathologies des porcelets, des poulets, des crevettes, des huitres, etc… Il convient donc de chercher à les traiter et à les prévenir avec les mêmes outils, adaptés à chaque situation. « Savoir que la photosynthèse est un phénomène quantique ne fait pas de toi un meilleur jardinier ! » m’a dit ma fille, à juste titre ! (A chacun son métier !) On ne devient pas épidémiologiste par copié/collé de quelques connaissances physiopathologiques. C’est l’expérience du terrain qui oriente le travail du laboratoire et pas l’inverse !

Ausculter un écosystème connu

A quoi sont dues les marées vertes dans la baie de St Michel et de Plestin-les–Grèves ? Là où un cheval est mort de s’être enfoncé dans une zone de sables mouvants et d’y avoir respiré l’hydrogène sulfuré produit par des déchets d’ulves enfouies dans le sable de la plage.

Dans tout écosystème naturel, ouvert ou fermé (lac, lagune, etc.), des milliers de souches de bactéries, d’algues, etc. sont présentes (hétérogénéité) et il existe un équilibre dynamique entre elles. Leur évolution ponctuelle dans le temps suit des lois biologiques dont l’éleveur a su tirer profit en stimulant les unes pour inhiber les autres de manière empirique. N’est-ce pas ainsi que les connaissances ont toujours progressé ? Les algues les plus exigeantes en éléments nutritifs apparaissent à la fin de l’hiver quand les températures stimulent les mécanismes biologiques, puis les autres leur succèdent au fur et à mesure de l’épuisement des ressources. Au cours de l’année, les diatomées plus exigeantes en énergie pour construire leur squelette siliceux, sont progressivement remplacées par des algues de moins en moins exigeantes, successivement les dinoflagellés (algues rouges), les chlorophycées (vertes), puis les cyanobactéries (bleues). Les algues bleues n’apparaissent que lorsque le milieu est épuisé car ce sont des bactéries photosynthétiques qui s’accommodent de peu de nutriments et leur présence signale la très mauvaise qualité de l’eau. Comme une confirmation inattendue de ce cycle annuel, l’étude physiologique et génétique de ces familles révèle qu’au niveau des temps géologiques, cette succession annuelle correspond à celle de leur apparition sur terre.

En Amérique latine, les aquaculteurs ont appris à gérer ces blooms d’algues en stimulant les diatomées à l’aide d’engrais, évitant ainsi l’apparition d’algues toxiques. Cette expérience est difficile à théoriser puis à transmettre et cette gestion des écosystèmes aquacoles est moins basée sur des connaissances scientifiques que sur le bouche à oreille entre les techniciens de terrain. On trouvera peu de publications scientifiques sur ces thèmes. J’entends déjà certains m’opposer qu’on ne maîtrise pas un écosystème ouvert comme un bassin d’élevage ! C’est une excuse simpliste et paresseuse comme celle qui revient à accuser les nitrates de tous les maux. Les lois biologiques de prolifération des algues sont identiques en milieu ouvert et fermé.

Une marée verte est toujours une pathologie locale !

Nous avons choisi d’évoquer le cas de la baie de St Michel/Plestin-les-Grèves, magnifique plage de sable blanc située au fond d’une baie de 4 à 5 km entre les deux localités susnommées. Cette baie s’inscrit dans un écosystème plus large qui couvre une dizaine de km de profondeur entre Trébeurden et Locquirec, qui est composé de différents sous-ensembles : l’estuaire de la rivière de Lannion, une côte rocheuse et une plage sableuse du fond de baie où se déposent des sédiments. Les rochers au pied des falaises de Tredrez-Locquemeau sont couverts de moules, mais la pêche de coquillages y est fréquemment interdite à cause de marées rouges localisées : il faut donc analyser des marées vertes et des marées rouges simultanément.

C’est la géographie des lieux qui construit cette double pathologie. D’une part, les courants marins locaux font que l’eau de la rivière de Lannion est renvoyée vers le fond de la baie et y séjourne alors qu’on pourrait imaginer qu’un marnage de plus de 5 m en assure un renouvellement régulier et complet. D’autre part, les débris accumulés dans les sédiments en fond de baie y créent des zones d’anaérobiose qui perturbent les métabolismes naturels d’épuration de ces eaux et la production d’un plancton de la meilleure qualité, comme cela se passe sur des plages de sable blanc encore vierges de pollution – ce qui ne saurait durer ! Décrire les mécanismes qui assurent ces fonctions demandera plusieurs chapitres d’un livre à venir car il existe des liens physiologiques, biochimiques et écologiques profonds entre ces écosystèmes qui se partagent la même eau. Les équilibres nutritifs et leurs cinétiques d’épuisement sont fonction des conditions locales (apports terrigènes et anthropiques, courants, renouvellement des masses d’eau, météo, biomasse locale, etc.) et de l’efficacité du brassage (oxygénation) : ce sont donc ces caractéristiques locales qui définissent la capacité d’épuration de l’écosystème. Chaque écosystème est unique et les traitements devront lui être adaptés.

L’important dans l’étude des proliférations d’algues n’est pas qu’elles soient vertes, brunes, rouges ou bleues : ce sont des symptômes non spécifiques locaux. La nature ne parvient plus à ses fins et les capacités d’autoépuration de l’écosystème sont débordées, autant de signes de carences nutritives : cette baie géographiquement ouverte sur la Manche est de fait un écosystème limité, sous influence terrestre, qu’il va falloir apprendre à gérer de manière durable.

Quelques propositions curatives et préventives

Il n’y a pas d’explication simpliste à une pathologie écologique multifactorielle tant la nature dispose de cycles complémentaires pour « parvenir à ses fins » pour autant que cette expression ait du sens car il n’y a pas de téléologie en biologie. Les proliférations d’algues planctoniques et benthiques sont induites par des carences d’éléments nutritifs et aggravées par l’envasement des plages qui crée des conditions d’anaérobiose inhibitrices de mécanismes physiologiques et par ricochet détruit les équilibres écologiques et la biodiversité qui caractérisent la santé de ces écosystèmes. On doit conclure que les nitrates sont un PPCM (plus petit commun multiple) de valeur scientifique minimale. Il n’est pas exclu de les utiliser pour soutenir d’autres productions planctoniques.

Sans un investissement d’entretien des espaces affectés, il n’y a pas de solutions : il faut apprendre à cultiver ces jardins que sont les écosystèmes aquatiques. Quelques innovations techniques seront indispensables pour définir de nouveaux outils adaptés à l’environnement marin, et y mettre en œuvre des traitements écologiques et économiques qui stimuleront la biodiversité intertidale. Un suivi de plusieurs années sera nécessaire pour apprécier d’abord qualitativement puis quantitativement les progrès attendus. Il a fallu plus de 30 ans pour laisser envaser paresseusement les écosystèmes ; il faudra quelques années pour produire volontairement des effets contraires. Il va de soi que tout ce qui peut être fait pour diminuer les rejets polluants dans ce bassin versant ira dans le bon sens. Sous un angle technique, il n’y apparemment rien de difficile dans les recommandations proposées, mais il s’agit d’un programme majeur car il faut entretenir les écosystèmes aquatiques et pour cela mieux les connaître de l’intérieur et de l’extérieur : il faut apprendre à balayer devant sa porte, à cultiver son jardin aquatique. C’est loin d’être gagné d’avance et il va falloir se battre sur tous les sites de production aquacole et toutes les plages pour mettre en place un tel programme et le faire progresser !

Et les mieux placés pour avancer sont les professionnels, notamment les ostréiculteurs. Les ostréiculteurs  paient depuis longtemps un lourd tribut aux marées rouges qui interdisent la vente de leurs produits de plus en plus souvent. Comme il est possible de résoudre ces problèmes simultanément, ils devraient être intéressés par un tel programme. Cet investissement général est à leur profit car tout le monde souhaite continuer à manger des coquillages synonymes de santé. En aquaculture marine, certains savent gérer leur écosystème et tout va bien pour eux ; d’autres ne le savent pas et leur activité disparaîtra. Des crises majeures de production aquacole marine ont déjà eu lieu par le passé (Taïwan 1988) et on en vit une actuellement dans toute l’Asie.

Une grille de lecture réactualisée : pour quel message ?

Les succès et les erreurs en écologie et en économie peuvent être analysés de manière parallèle avec les mêmes phases d’optimisme ou de pessimisme dans leur interprétation. Pour le côté optimiste, il est certes possible d’analyser ces situations même complexes et de les corriger si « quelqu’un, quelque part le veut vraiment ». Mais quand tout le monde est visé ou impliqué, personne ne se sent vraiment directement concerné et le pessimisme redevient de rigueur. Un pessimisme « humain, tellement humain » qui prône de ne rien faire. Qu’est-ce que ne rien faire ? Paresse ? Incompétence ? Escroquerie ? Corruption ? Intérêt bien compris ? Carriérisme ? Procrastination ? Sidération face aux serpents ? Sans doute à la fois un peu de tout cela en même temps… Dans le système jacobin, il ne faut surtout pas déranger la hiérarchie pour faire carrière ! À l’instar de l’écologie, c’est le fonctionnement qualitatif de l’écosystème qui pose problème.

Paul Jorion souligne que «La recherche en intelligence artificielle est trop souvent intellectuellement incestueuse : elle cherche les solutions à ses problèmes dans sa propre littérature à l’exclusion de toute autre », Principes des systèmes intelligents (1989 ; 2012, p. 241). Cela vaut pour la recherche en économie, en biologie et au-delà, en médecine : on cherche sous les lampadaires officiels car c’est le seul endroit où on peut espérer trouver des crédits ! Pour les obtenir, il faut s’exprimer dans la langue du politique, du financier et de leurs représentants administratifs : proposer ses propres éclairages (ses propres lumières !) n’est pas apprécié. Puisque  chacun a trouvé sa place en respectant les règles du jeu du passé, il n’est pas conseillé de les remettre en cause. N’est-ce pas une variation d’une sentence bien connue : « La République n’a pas besoin de savants », qui fit perdre la tête à Antoine Lavoisier, le plus grand esprit scientifique de son époque ?

Cette analyse écologique pourrait laisser penser qu’il n’y aurait là apparemment rien de « directement brevetable » pour intéresser l’industrie. C’est une erreur, mais déposer un brevet représente un tel parcours du combattant, et tester quoi que ce soit sur le DPM génère une telle montagne de difficultés, qu’il est plus facile d’attendre que quelqu’un fasse ce travail à l’étranger (en Chine ?) et de l’importer au prix fort. De toute façon, aucun outil n’est en lui-même suffisant : il faut donc travailler simultanément dans différentes directions pour progresser. De fait les techniques d’élevage et de jardinage sont rarement protégées par des brevets commerciaux, à l’exception des souches génétiques ce qui explique la recommandation d’usage de triploïdes en ostréiculture, qui ne fera qu’aggraver les problèmes écologiques !

Le réel, c’est quand ça fait mal

S. Rozès, dans sa rubrique sur France Culture (08/07/13 vers 7h20), a proposé une synthèse économique adaptable à l’écologie, qui commençait par : « L’économie est une chose trop sérieuse pour être laissée aux seuls économistes ! »… et il poursuit en rappelant une réponse de Lacan à l’interrogation : « Qu’est-ce que le réel ? » : « Le réel, c’est quand ça fait mal ! ». Lacan souligne par ailleurs qu’on reconnait la maladie à un besoin d’aide de la part du patient, et la volonté de guérison à l’investissement du malade dans le traitement administré. Tout le reste n’est que bavardage. C’est en tout point adaptable aux problèmes écologiques : « Le réel n’est ni un jardin à la française, ni un modèle mathématique ».

Economie et écologie vivent des pathologies similaires dans la faiblesse de l’analyse, le laissez aller face aux dérives pourtant alarmantes, un certain déni des symptômes révélés, et la criminelle absence de volonté politique pour y faire face, et tenter de résoudre leurs dysfonctionnements. On doit se demander, selon la maxime de Lacan, si ces pathologies sont suffisamment douloureuses ou destructrices et pour qui, pour qu’elles commencent à être prises au sérieux et qu’on y cherche des traitements efficaces. Faudra-t-il crouler sous un négatif pessimiste, et se résigner à une attitude contemplative devant une nature qui se meurt, faute de vouloir la faire revivre ? La mise en place de vraies solutions dépend assurément de la perception du réel qu’ont nos dirigeants… et de l’avenir qu’ils décideront en club fermé de nous préparer.

Conclusion : De quoi les marées vertes sont-elles le message ?

Les marées multicolores qui sévissent de par le monde dans divers espaces aquatiques sont autant de messages d’avertissement de Gaïa devant lesquels on choisira ou non de faire la sourde oreille, selon notre degré de perception de leur nocivité immédiate ou potentielle.

Des solutions existent et elles ne sont pas particulièrement sophistiquées : il faut d’apprendre à entretenir nos espaces aquatiques intertidaux par une prise en charge au niveau local, et un suivi tout au long de l’année.

L’analyse écologique proposée sur ce site est un message résolument optimiste même si ses conclusions techniques paraissent simplistes : « Pour éviter des marées multicolores qui font mourir à petit feu la vie de nos côtes, il faut balayer devant sa porte et apprendre à cultiver nos jardins marins ». Cerise sur le gâteau, les techniques de terrain et les analyses scientifiques qui les sous-tendent sont riches d’applications biologiques et médicales innovantes, et de portée mondiale.

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  1. Maintenant on dira que l’on n’a plus besoin de critiques d’art…

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