LE GRAPHISTE HUMAIN BOUGE ENCORE, par G L et Grégory Maklès

Billet invité. À propos de Remplacer les cons par des machines

G L :

Grégory, des machines équivalentes à celle montrée dans la vidéo, existent depuis au moins 30 ans et le résultat n’a intéressé personne !

Avant que les imprimantes à jet d’encre soient disponibles il y avait des « traceurs grand format » qui utilisaient différents sortes de stylos de différentes couleurs (les voir fonctionner était tout aussi spectaculaire.) Ces traceurs étaient surtout utilisés pour tracer des plans, des schémas, des courbes et des cartes,  travaux aussi fastidieux que coûteux à l’époque.

Les choses n’ont vraiment changé que quand les écrans couleur ont été disponibles : ils ont permis de voir à l’avance ce qui allait en suite être imprimé (alors qu’il fallait sans ça faire un grand nombre d’essais et gaspiller beaucoup de temps, d’encre et de papier jusqu’à ce que le résultat soit correct : j’ai occupé un bureau voisin d’une telle machine et il était très instructif d’observer chaque jour les mêmes dessins se transformer).

Les dessinateurs industriels travaillent maintenant devant un écran, une souris à la main, et le fait de ne pas avoir à « tout recommencer » quand il y a une erreur ou quand on veut différentes variantes d’un même projet est probablement l’aspect le plus intéressant amené par l’utilisation de l’ordinateur (c’est le même avantage qui fait que grâce à la possibilité de corriger n’importe qui peut utiliser un traitement de texte alors qu’avec une machine à écrire il fallait une dactylo très expérimentée pour que toutes les fautes soient corrigées).

À part ça, il est remarquable que dans la plupart des cas l’affichage sur écran suffit et que le support papier est finalement réservé à ce qui sera montré à des gens trop importants pour qu’ils s’installent devant un écran.

Le fait de disposer d’un robot capable de tremper un pinceau dans un pot de peinture et de le déplacer sur la toile n’apportera pratiquement rien de nouveau à mon avis : la quantité de peinture et de toile qu’il faudrait gaspiller pour les multiples essais nécessaires ne se justifiera pas et n’aura qu’un intérêt limité par rapport à un programme capable d’afficher une image équivalente sur un écran.

C’est donc un des nombreux exemples où on voit des ingénieurs et informaticiens se lancer dans des entreprises qui n’aboutiront à rien parce que l’expérience acquise par d’autres dans le domaine qu’ils abordent n’est pas disponible sous une forme qui leur convienne (celle des artistes dans ce cas).

Le côté le plus idiot de l’histoire c’est qu’ils ne vont pas publier de compte-rendu de leur échec.

D’autres recommenceront donc les mêmes erreurs un peu plus tard. Depuis que l’informatique existe c’est pourtant pas la première tentative de créer des œuvres d’art de manière automatique à l’aide d’un ordinateur (automatique étant par exemple le contraire des curseurs qu’on déplace jusqu’à être satisfait du résultat quand on utilise Photoshop – démarche très sensiblement équivalente à celle qui consiste à ajouter quelques coups de crayon ou, quand on est débutant, donner quelques coups de gomme.)

Le paragraphe suivant, qui suppose d’être capable de reconnaître chaque objet présent sur la photo d’origine, donne aussi (du moins à mon avis) une bonne idées des raisons pour lesquelles il vont perdre beaucoup de temps pour rien ou presque rien:

« Semantic information can be integrated to optimize representational paintings; a tree will be painted in a different way than a face even if the colors are similar. Such semantic information can be obtained from semantic image analysis of the given target image. »

Bon, tout ça c’était pour dire qu’il ne faut pas avoir peur de la bêtise des ingénieurs et informaticiens quand ils s’occupent de choses auxquelles ils ne comprennent rien et qu’il serait bien utile de dire pourquoi on peut en rire.

 

Grégory Maklès :

G L, il me semble qu’ici la différence est, un peu comme pour la tablette, l’iPhone, etc., le fait de passer un cap de qualité ou d’un coup on peut voir de l’applicatif. Je suis également graphiste et ça fait des décennies que je vois passer des filtres numériques crapoteux pour faire des effets « peinture » qui sont tout à fait dérisoires. Là je ne sais pas si c’est la qualité de leur algorithme d’analyse et d’interprétation de modèle mais les résultats sont très supérieurs à ce que sortent la plupart des étudiants en art (voir pas mal de diplômés…). À la limite, que ce soit physique ou non a peu d’importance, seule compte l’image finale et quand je vois ça, je peux imaginer les milliers de page d’Akira dont tout serait dessiné par un algo conçu pour faire du Otomo, sur papier ou directement dans le fichier, voire, qui sait, mon propre style plus irrégulier. En fait, c’est probablement une bonne chose : le Grégory du futur pourra approfondir son style, faire exécuter les arrières-plans par le robot (soft ou hard) et en tirer un film d’animation à 30 images par seconde sans remuer les oreilles. Par contre, c’est autant de travail en moins pour les studios d’animations, les assistants d’Otomo, etc.

En fait pour moi c’est très concret : j’ai un ami auteur qui aurait sûrement été très content de lui s’il avait fait l’arbre qu’on voit à la fin de la vidéo…

Tetsuo 1

Dessin extrait de Akira (1982-1990) par Katsuhiro Otomo

Partager :

Contact

Contactez Paul Jorion

Commentaires récents

Articles récents

Catégories

Archives

Tags

Allemagne Aristote bancor BCE Bourse Brexit capitalisme centrale nucléaire de Fukushima ChatGPT Chine Confinement Coronavirus Covid-19 dette dette publique Donald Trump Emmanuel Macron Espagne Etats-Unis Europe extinction du genre humain FMI France Grèce intelligence artificielle interdiction des paris sur les fluctuations de prix Italie Japon John Maynard Keynes Karl Marx pandémie Portugal psychanalyse robotisation Royaume-Uni Russie réchauffement climatique Réfugiés spéculation Thomas Piketty Ukraine ultralibéralisme Vladimir Poutine zone euro « Le dernier qui s'en va éteint la lumière »

Meta