Comment vivent les gens ? Pour répondre à Christophe Hordé, par Jean-Claude Balbot

Billet invité, en réponse au billet de Christophe Hordé

Cet homme a malheureusement raison quant à ses conclusions. Cet homme est aussi mes voisins à lui tout seul !

La question de l’économie agricole bretonne est une aporie. Soit nous nous enfonçons dans le processus industriel actuel et nous connaissons la fin du film : destruction d’emplois, concentration du capital, et pour ne pas entraver la sacro-sainte « compétitivité », liberté d’entreprendre : « l’environnement ça suffit ! ». Soit nous changeons de pied, allons vers des processus de production plus demandeurs de main d’œuvre, et ils existent même en circuit industriel, et nous nous trouvons face à la diminution, ou du moins au changement de qualité, des emplois de l’agro-industrie dans laquelle travaillent tant de mes voisins. Personne n’arrive à trancher. Le ministère cherche à ménager la chèvre et le chou. Plus la chèvre tout de même. J’en connais un rayon là-dessus que je ne peux pas faire tenir en quelques lignes. Un film (« Entrée du personnel ») sorti en salle il y a un an, montrait bien le dilemme : les ouvrières que vous voyiez s’esquinter la santé sur les chaines de découpe de l’agro-alimentaire, s’il vous venait un instant l’idée de les plaindre et de souhaiter que leurs tâches soient accomplies par des robots, à l’instant suivant l’une d’elles vous rappelait que son salaire, aussi faible soit-il, lui permettait de nourrir ses enfants.

Nous, paysans, avons d’ailleurs beaucoup de mal à faire le lien avec les salariés de l’agro-industrie. Cet automne nous étions deux seuls paysans à avoir rendu visite au piquet de grève chez GAD à Landivisiau en un mois. Et nous faisions la transformation et la vente directe de nos produits ! De grandes quantités de travaux existent qui vont tous dans le même sens : plus vous êtes économes dans la production, plus votre revenu augmente. Si vous faites du « circuit court », vous faites un transfert de revenu de l’industrie (et ses salariés entre autres) vers les paysans et artisans. Je suis en train, avec d’autres, de bâtir les deuxièmes Rencontres Nationales Des Agricultures. Nous les consacrons cette année à l’emploi paysan et rural. Je viens d’ailleurs de rencontrer Bernard Friot à ce sujet. Ses propos sont iconoclastes pour un travailleur indépendant comme moi. Mais nous allons le faire intervenir. Nous cherchons un contact disponible dans les syndicats ouvriers. Nous faisons face, nous plus que d’autres car habitués à penser hors cadre, à un nombre important de personnes qui en ont marre de produire n’importe quoi dans des conditions démotivantes. Elles quittent les chaînes et souhaitent s’installer à la campagne et y travailler. Tout est à réorganiser et nous n’en prenons pas le chemin.

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