Survie de l’espèce : le point de vue cosmologique, par Roberto Boulant

Billet invité, en réaction au billet de Paul Jorion « Survie de l’espèce : faut-il déjà désespérer ? »

Mon chien est très intelligent, malgré tout il n’est pas près de me battre aux échecs. Les chimpanzés, bien qu’encore plus évolués, eux non plus ne sont pas près d’écrire des sonates de Bach ou d’inventer la bombe à hydrogène (les imbéciles !).

Notre espèce elle, Homo sapiens, est bien la Rolls des primates. Et primates nous sommes, primates nous resterons. Ce simple constat ne relève pas d’une quelconque forme d’autodénigrement, c’est un simple fait scientifique que chacun(e) de nous peut vérifier quotidiennement d’ailleurs, … en conduisant. Nous avons beau tout faire pour tenter d’évoluer humainement et spirituellement, d’être un peu moins bête l’âge aidant, il nous suffit d’observer nos réactions d’automobilistes pour mesurer les efforts que nous sommes obligés de faire pour court-circuiter les réactions du singe en nous…

Primates donc et en plus mortels ! Car comme si cela ne suffisait pas de s’être fait expulser du centre de la Création, la science nous dit maintenant que c’est l’espèce et non plus simplement les individus, qui est promise à la disparition. Et il n’est pas besoin de réfléchir beaucoup pour se rendre compte que nous sommes tellement agités (dans tous les sens du terme), que nous avons peu de chance de traverser les prochains 420 millions d’années sans gros gadins (comme l’ont déjà fait les requins par exemple). Alors quoi ? Alors quand ?

Au vu de l’accélération phénoménale de nos connaissances, il est finalement logique de penser que quoi qu’il arrive, nous sommes les dernières générations d’Homo-sapiens. Je ne parle pas là de scénarios hollywoodiens avec guerres nucléaires, super-volcans ou chutes d’astéroïdes (quoique toujours possibles, nous sommes peu de chose), mais de la possibilité offerte par nos nouveaux outils de prendre en main notre propre évolution. Bien sûr, nous sommes déjà entourés de cyborgs qui marchent avec des hanches artificielles ou qui voient avec des rétines artificielles. Mais ces gens appartiennent toujours à notre espèce, la science n’ayant fait ‘que’ réparer leur corps. La question de l’évolution se posera de manière plus insistante lorsque des techniques, déjà à l’essai pour certaines, permettront par exemple d’implanter des rétines artificielles sensibles au proche infra-rouge (les militaires sont très intéressés, donc ça se fera). Ce type d’amélioration (et le terme se discute), ne marquera pas seulement un accroissement de nos capacités physiques, une course fantasmatico-commerciale au corps parfait, elle pourrait bien marquer également, si ce n’est le commencement de la fin, du moins la fin du commencement d’Homo-sapiens (notre espèce est pourtant si jeune, au maximum 200.000 petites années…).

Reprenons l’exemple basique, presque anecdotique, de la vision dans le proche infra-rouge : celle-ci permettra grâce à la visualisation des infimes variations du flux sanguin au niveau du visage, d’appréhender facilement le véritable état émotionnel de son interlocuteur. Des chambres à coucher de nos appartements au conseil de sécurité de l’ONU, c’est l’ensemble des relations sociales qui sera ainsi bouleversée… Alors de glissements imperceptibles en améliorations diverses, viendra inéluctablement le temps où nous éprouverons le besoin de nous redéfinir, de nous renommer (sapiens upgrade ? erectus reloaded ?). Quoique, à bien y réfléchir, sera-ce bien nécessaire si nous regardons le chemin déjà parcouru ?

J’ai 53 ans, statistiquement mon espérance de vie est encore d’une bonne trentaine d’années. Mes savoirs et encore plus ceux auxquels j’ai accès, sont sans commune mesure avec ceux de mes ancêtres vivant il y a 150.000 ans, Ceux là-même qui arrivés à mon âge (pour les plus chanceux et les plus résistants), avaient des corps de vieillards délabrés, édentés et aveuglés par la cataracte. Et pourtant, je ne me sens ni supérieur, ni différent. Bien au contraire, je leur ressemble trait pour trait. Sauf qu’avec la bombe à hydrogène et l’informatique, je peux faire de beaucoup, beaucoup plus grosses con….es, qu’eux avec un silex taillé !

Je formule donc un vœu, une bouteille à la mer dans ce nouvel océan algorithmique qu’est le Net : celui que nos descendants, quels qu’ils soient, se souviennent qu’ils nous doivent d’exister et qu’ils nous remercient en faisant en sorte de mériter (enfin !), le beau nom d’Homo-sapiens.

Et si en attendant, pour regarder les nouveaux jeux du cirque, certains préfèrent s’acheter une télévision ultra haute full HD 3D triple x avec un crédit à 17,8 % sur 24 mois eh bien, c’est sans doute que nous ne sommes que des primates. So what ? Lucy était encore plus bas de plafond que nous… et pourtant nous sommes là !

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