Shadow banking : UN TRAIN PEUT EN CACHER UN AUTRE, par François Leclerc

Billet invité

De manière toujours pas convaincante, la BCE et l’Autorité bancaire européenne ont fini de tâter le pouls de leurs grandes banques, et la Fed a publié les scénarios de crise pour les prochains tests des siennes, qui sont désormais annuels. C’est au Conseil de stabilité financière (FSB en anglais), émanation du G20, qu’il revient de prendre en charge la surveillance du shadow banking (le secteur financier non régulé), mais par quel bout le prendre ?

Le FSB s’est d’abord attelé à la mesure du secteur, ce qui n’est déjà pas une mince affaire étant donné sa nature. La taille de ses actifs financiers est dorénavant estimée à 75.000 milliards de dollars – en progression de 5.000 milliards depuis 2007 – date prise en compte pour le démarrage de la crise financière. Malgré cet imposant volume, elle est toutefois sous-estimée, car le périmètre étudié ne prend pas en compte les brokers et les entités qui ne sont pas impliquées dans des opérations de crédit, comme les fonds d’investissement en actions, dont les actifs sont comptabilisés avec ceux des banques. Quoi qu’il en soit, la conséquence d’une telle croissance coule de source : le système financier dans son ensemble en ressort fragilisé, en dépit des mesures de régulation bancaire, avant même de porter un jugement sur celles-ci.

S’appuyant sur la comparaison des tailles respectives du shadow banking et du secteur bancaire, le FSB enregistre que la première, en progression, atteindrait la moitié de la taille de la seconde, qui stagne. Relevant que les mesures de régulation sont à l’origine de ce dernier phénomène, soit parce que des activités ont été déportées, soit parce que la taille des bilans bancaires a dû être contenue. Mais là n’est peut-être pas le plus intéressant, car cette constatation n’est pas une découverte. Une ventilation entre centres financiers fait par contre apparaître que la plus forte progression du shadow banking serait à attribuer à la Chine, troisième place où il prospère par ordre d’importance après Wall Street (loin devant) et la City. Sept pays émergents auraient vu leur secteur non régulé croître de plus de 10 % dans la période considérée. Destinée à se poursuivre, la contribution des pays émergents n’est pas un phénomène négligeable, tant s’en faut, vu leur importance mondiale grandissante.

Une fois cette mesure globale – qui ne représente qu’une grossière évaluation du shadow banking – effectuée, et ce premier niveau de description accompli, comment le FSB compte-t-il s’y prendre pour sa mise en ordre ? Il a commencé par le marché des « repos », l’une des sources de financement des banques, dans une tentative de consolidation de l’extérieur de ce secteur. Les mesures de régulation des fonds monétaires, où les banques s’alimentent également, continuent par contre de piétiner, tout en n’abordant le sujet qu’à la marge.

L’image qui vient à l’esprit est celle d’une stratégie d’étranglement progressif, marché par marché et secteur par secteur. Mais ces mesures posent en soi problème : pour le marché des « repos », elles assujettissent les transactions à la fourniture de collatéral afin de les garantir et de faire face au risque de contrepartie. C’est pour mieux retomber sur le problème de la qualité du collatéral, et de sa pénurie qui s’annonce au fur et à mesure des sollicitations dont il est l’objet afin de renforcer de toutes parts le système financier.

Le prochain G20 de novembre traitera du shadow banking, attendons-nous à un cri de victoire, comme nous en avons pris l’habitude !

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