NI BLASPHÈME, NI PEINE DE MORT NE SONT APPLICABLES EN FRANCE, par Cédric Mas

Billet invité.

Les attaques lancées par deux commandos coordonnés se sont déroulées selon un plan particulièrement réfléchi, montrant à la fois un certain amateurisme mais un sens politique redoutable.

L’objectif des auteurs des actes inqualifiables de ces jours derniers était de diviser la communauté nationale, en attisant la peur et les haines, en visant des symboles forts permettant de mobiliser l’émotion, et de priver de réflexion nos réactions : journalistes, policiers et communauté juive.

Le plus frappant est que pendant plusieurs jours, malgré des erreurs et les moyens déployés, les commandos djihadistes, très mobiles, saturant l’espace, profitant vraisemblablement des informations diffusées de manière anarchique et incontrôlée sur les réseaux sociaux et dans les médias, ont conservé l’initiative, jusqu’à prendre en étau les autorités confrontées à deux prises d’otages coordonnées.

La réponse des autorités devait être forte, elle fut facile, et dramatique sur le long terme.

Le concert de commentateurs et éditorialistes va célébrer cette opération « réussie » : les otages sont libérés, avec des pertes (4 morts au moment où nous écrivons), et les criminels ont été tués.

Or, justement, l’importance de les appréhender vivants ne semble jamais avoir été envisagée, le court terme étant privilégié sur le long terme.

Quel message cette issue dramatique porte-t-elle pour l’avenir ?

Le message de fermeté adressé aux Djihadistes n’a aucun intérêt : on sait déjà par expérience qu’il n’aura aucun impact – la mort de Kelkal a-t-elle empêché Merah ? La mort de Merah a-t-elle empêché Kouachi ? La mort des commandos djihadistes va-t-elle empêcher la venue de leurs successeurs ?

Bien au contraire, elles vont les motiver, les éclairer et même parfois provoquer ces radicalisations, qui sont avant tout le signe de l’échec de notre modèle social et de notre système éducatif. Les services s’attendent d’ores et déjà aux réactions de vengeance, de copycat, etc.

Nous avons déjà connu cela dans l’histoire, avec la vague d’attentats anarchistes au début du siècle, que les condamnations à mort, les exécutions des auteurs d’attentats n’ont jamais arrêtés, la succession des attentats et des attaques (qui, rappelons-le, ont quand même comporté notamment une bombe lancée au sein de l’assemblée nationale, et l’assassinat d’un Président de la République).

Mais ce n’est pas que cela qui était en jeu.

Depuis l’époque des Lumières, l’Europe occidentale se prévaut d’un modèle politique et humain, appuyé sur des principes et valeurs fondamentaux, qui sont considérées comme universels.

Ces principes et valeurs, droits de l’homme, démocratie, laïcité, sont contestés dans le monde entier, et ces contestations s’appuient sur un argument simple, et trop fréquemment confirmé dans les faits : l’Occident veut imposer l’application de droits et libertés qu’il n’applique pas lui-même (ou qu’il ne s’impose que quand cela l’arrange, ou qu’il sait écarter pour ses intérêts).

Parmi ces droits fondamentaux, il y a le refus du blasphème, attaché à la liberté d’expression, mais aussi le rejet de la peine de mort, et l’obligation de juger tout criminel dans un procès équitable.

Ce soir, alors que l’ensemble d’une classe politique à nouveau défaillante va tenter de s’auto-congratuler de sa « fermeté », j’invite chacun à garder la tête froide et à se souvenir que les commandos djihadistes ont gagné au moins à deux niveaux : en succombant à leurs provocations nous avons à la fois tourné – une nouvelle fois – le dos à nos principes, et nous les avons transformés de criminels lâches et médiocres en martyrs (ce qu’ils ont cherché au moins pour les frères de Kouachi, qui sont sortis en tirant sur les forces de l’ordre).

Il nous reste à réagir en participant à la manifestation d’union nationale dimanche, et surtout à nous installer dans une guerre contre nous-même, en préservant dans les semaines, les mois à venir, l’esprit qui a présidé depuis deux jours, celui de refuser l’escalade de la bêtise, de la violence et de la haine que désire tant tous les ennemis de la démocratie et de nos valeurs.

#Kaouchi

Partager :

233 réponses à “NI BLASPHÈME, NI PEINE DE MORT NE SONT APPLICABLES EN FRANCE, par Cédric Mas”

Contact

Contactez Paul Jorion

Commentaires récents

  1. Les élections de mi-mandat seront truquées : comme chez Poutine. Faut suivre Gaston! 😊

Articles récents

Catégories

Archives

Tags

Allemagne Aristote BCE Bourse Brexit capitalisme ChatGPT Chine Coronavirus Covid-19 dette dette publique Donald Trump Emmanuel Macron Espagne Etats-Unis Europe extinction du genre humain FMI France Grands Modèles de Langage Grèce intelligence artificielle interdiction des paris sur les fluctuations de prix Italie Japon Joe Biden John Maynard Keynes Karl Marx LLM pandémie Portugal psychanalyse robotisation Royaume-Uni Russie réchauffement climatique Réfugiés Singularité spéculation Thomas Piketty Ukraine Vladimir Poutine zone euro « Le dernier qui s'en va éteint la lumière »

Meta