Billet invité.
Le gouvernement grec est sous une énorme pression, qui n’est pas exercée par les autorités européennes pour une fois, mais par la menace turque d’ouverture aux réfugiés de ses frontières avec la Grèce et la Bulgarie. Ces deux pays, où environ 55.000 et 13.000 réfugiés – principalement des afghans dans ce dernier – sont déjà stationnés, pourraient être à nouveau envahis par des réfugiés qui y resteraient coincés en raison de la fermeture de la Route des Balkans, désormais bien mieux contrôlée.
Les échanges acerbes entre les autorités turques, la Commission et le Parlement européen se poursuivent sans cesse depuis des semaines. Où cela va-t-il finir ? La décision de ce dernier recommandant de « geler » temporairement les négociations d’entrée dans l’Union européenne, a été un pas de plus dans l’escalade.
Jean-Claude Juncker, après avoir affirmé que l’accord entre la Turquie et l’Union « doit être respecté et le sera » – ce qui ne mange pas de pain – a pris ses distances en faisant valoir qu’il revenait au Conseil européen et à lui seul de prendre des décisions en cette matière, dans le but de minorer l’importance du vote du Parlement. Ce qui n’a pas empêché Recep Tayyip Erdogan de tonner à l’occasion d’un discours à Istanbul : « Écoutez-moi bien, si vous allez plus loin, ces frontières s’ouvriront, mettez-vous ça dans la tête ! ».
Tout en déclarant que « la Grèce fera tout pour maintenir cet accord », le ministre-adjoint grec à la Défense Dimitris Vitsas n’a pu qu’exprimer son inquiétude, qualifiant cette instrumentalisation des réfugiés « d’acte d’agression ». À toutes fins utiles, il a précisé « nous sommes vigilants », discrète allusion à ses responsabilités ministérielles.
Si le président turc entrebâillait ses frontières maritimes, en guise de coup de semonce, que pourrait-il espérer recevoir en retour dans le contexte actuel ? S’il les ouvrait en grand, il ne resterait plus aux autorités européennes qu’à espérer que les réfugiés préféreront dans leur grande majorité rester en Turquie plutôt que de rejoindre la Grèce. Une hypothèse fort hasardeuse.
Concrètement, les négociations sur les visas sont embourbées et celles sur l’entrée dans l’Union interrompues. Le statu-quo qui s’est instauré est chaque jour un peu plus fragilisé. Seul le sentiment qu’une ouverture des frontières serait un geste irrémédiable, le laissant sans munitions, retient encore le fantasque président turc, dont on ne compte plus les conduites de fuite en avant, tout obnubilé par son rôle d’autocrate.
Longtemps favorable à son égard, la situation économique du pays se dégrade. Elle n’est pas un signal que le président turc peut négliger, ayant construit son pouvoir sur les progrès de celle-ci. Va-t-il pouvoir longtemps entretenir son rêve de faire entrer la Turquie dans le club des pays les plus riches ? Le propre des mégalomanes est de croire à ce qu’ils racontent, ce qui finit généralement par les perdre…
Revoila Heidegger, cela faisait longtemps! C’est vrai que les passions tristes, en ce moment, on en manque un peu…