LE TEMPS QU’IL FAIT LE 17 FÉVRIER 2017 – Retranscription

Retranscription de Le temps qu’il fait le 17 février 2017. Merci à Olivier de Taxis !

Bonjour, nous sommes le vendredi 17 février 2017. Il y a trois jours je me trouvais à Paris, enfin plus précisément à Issy-les-Moulineaux, et j’ai enregistré une émission au Cube qui est un centre culturel et on m’avait demandé de parler de l’extinction du genre humain. Et vous pouvez voir ça : c’est déjà… c’était en ligne hier, je l’ai mis sur le blog. Je peux parler une heure !Quand on me donne l’occasion de parler une heure, les choses sont… les choses sont plus simples que quand il s’agit d’essayer de placer sur des séquences de 30 secondes des messages importants. En plus, les questions qui m’étaient posées étaient des questions véritablement excellentes. J’espère que vous allez regarder cela. C’est un peu long mais sur cette question, extinction possible, transhumanisme, robotique, intelligence artificielle, j’ai eu l’occasion de m’exprimer.

Et la personne qui m’invitait m’a posé la question… m’a dit… m’a fait la réflexion suivante : « Vous faites une vidéo toutes les semaines depuis neuf ans (ça fait 9 × 50, ça fait plus de 450, on doit être à près de 470) est-ce que vous arrivez toujours à trouver un sujet ? » et là j’ai répondu, j’ai dit : « Il ne m’est jamais arrivé de me dire : de quoi est-ce que je pourrais bien parler ? ». Et malheureusement, parce que ça reflète un petit peu les temps qui sont les nôtres. Quelle époque !

Je voudrais pour commencer,  vous citer quelques chiffres. Les chiffres sont les suivants :

  • courant collectiviste anti-autoritaire, 63 % des suffrages,
  • courant collectiviste marxiste, 31 % des suffrages, et
  • courant mutuelliste, dit encore « proudhonien », 6 % des suffrages.

Si vous additionnez, ça fait bien 100 %. Alors de quoi ça parle ? Et bien ça parle du quatrième congrès à Bâle de l’Association internationale des travailleurs encore appelée l’Internationale. Et l’Internationale aura vécu de 1864 à 1872 – et bien entendu la Commune de Paris sera passée par là, d’autres événements en Italie, en Suisse, en particulier. Et là, je vous parle des chiffres des représentations en 1869, donc on est à trois ans… – on est à cinq ans dans l’existence de l’Internationale – on est à trois ans de la scission et donc je vous répète les chiffres : le courant marxiste 31 %, le courant anarchisant, proudhonien, mutuelliste 6 % et le courant qui s’appelle lui-même « collectiviste anti-autoritaire », 63 %. Donc disons, un petit tiers pour les marxistes, un petit deux tiers pour les anti-autoritaires, et 6 % pour les proudhoniens mutuellistes.

Alors pourquoi est-ce que les anti-autoritaires s’appellent « anti-autoritaires » ? Eh bien essentiellement parce qu’ils s’opposent bien entendu aux marxistes. Et ça restera comme ça dans l’histoire.

Alors pourquoi est-ce que je vous cite ces chiffres ? Pour vous rappeler une chose essentiellement : c’est qu’un partage des voix à l’intérieur de la gauche – qui conduira d’ailleurs à la scission en 1872 de l’Internationale (de l’Association internationale des travailleurs) – ça ne date pas d’hier. Il y a eu des épisodes : il y a eu en 1981 – de 1981 à 1984 – il y a eu deux gouvernements Mauroy en France : on a eu à la fois des représentants du MRG, du Parti socialiste et du Parti communiste. Ça fait quoi ? ça nous fait trois ans. Trois ans ! Sinon il y a eu, d’un côté beaucoup moins rassurant, il y a eu la guerre d’Espagne. La guerre d’Espagne où le courant anti-autoritaire et le courant marxiste se sont déchirés : où ils ont perdu leur temps – et c’est assez abominable d’ailleurs – à se déchirer entre eux plutôt qu’à se battre contre leur ennemi commun.

Donc coexistence souvent. Bon, on pourrait parler aussi évidemment de la révolution russe où le courant marxiste élimine assez rapidement… les bolcheviks éliminent les mencheviks.

Relations difficiles. Relations difficiles à l’intérieur d’une gauche entre les marxistes et ceux qui s’appelaient donc à l’époque les anti-autoritaires et qu’on appellera par la suite « socialistes », « anarchistes » et ainsi de suite. Ça ne date pas d’hier, ça ne date pas d’hier qu’un rapprochement entre messieurs Hamon et Mélenchon ne soit pas dans l’ordre des choses.

Dans le pire des cas, c’est la guerre civile entre eux, comme on a vu en Espagne avec tous les coups tordus possibles : voir les films de Ken Loach sur le sujet, les rapports d’Orwell sur le sujet. Enfin bon, ça a été bien documenté. Ça, c’est dans le pire des cas. Dans le meilleur des cas, le gouvernement Mauroy sur une période de trois ans en France et le reste du temps des approches inconciliables : véritablement inconciliables sur les choses importantes.

Donc nous dire « La gauche est divisée » – bon il y a une manière de dire : « Il n’y a plus de gauche » – mais non : la gauche est divisée. La gauche a toujours été divisée ! Il y a eu des rivalités bien entendu.

Il y a eu des moments où des gens qui étaient à gauche sont passés à l’extrême-droite. Beaucoup des grands penseurs de l’extrême-droite sont malheureusement venus de la gauche à différentes époques. Il y a eu [Henri] De Man en Belgique, il y a eu des réflexions très intéressantes mais finalement assez ambiguës de Monsieur [Georges] Sorel en France et ainsi de suite.

Il y a malheureusement des communications entre l’extrême-gauche et l’extrême-droite. Il y a un monsieur avec qui j’ai discuté hier, je ne connais pas son nom : il intervient sous pseudo sur le blog. Et ce monsieur dit : « Si un courant comme celui de Monsieur Mélenchon n’est pas représenté [au second tour], eh bien moi, je préfère voter FN ! ». Je lui ai dit que malheureusement il était typique d’un certain type d’attitude qui est qu’entre la gauche marxiste – et que je n’hésiterai pas à appeler « autoritaire » par opposition à « anti-autoritaire » -, entre les courants marxistes et certains courants d’extrême-droite, il y a eu des… – voilà : il y a eu des canaux de passage. Et si les preuves manquaient, eh bien il y a ce monsieur avec qui j’ai discuté hier sur mon propre blog. Il n’est pas le seul ! Si vous regardez les intentions de vote en terme d’appartenance à des classes sociales, vous verrez maintenant que ce qu’on appelle la classe ouvrière – ce qu’il en reste – vote massivement en France pour le Front National.

Alors tout ça n’est pas très optimiste. Est-ce que ça veut dire qu’il ne faut pas essayer de faire quand même comme on a fait entre 1981 et 1984 ? Si, bien entendu ! Mais ça ne sera pas évident parce qu’il y a un passif de 150 années de division de la gauche entre marxistes et les autres, entre autoritaires et anti-autoritaires. Alors voilà, tout ça n’est pas joyeux, comme je vous le dis : ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas continuer d’essayer mais le passif est très lourd.

De quoi je voulais encore parler ? Je voulais parler un peu des États-Unis. Je vous dis souvent qu’il ne faut pas ignorer quand on est en France ce qui se passe aux États-Unis parce qu’il y a des rapprochements à faire. Si vous regardez… regardez d’ailleurs – avant que je ne parle de Monsieur Trump – je veux parler de la presse financière anglo-saxonne : là, on vous parle énormément d’une victoire de Madame Le Pen : c’est une chose à laquelle les marchés pensent, c’est une éventualité qu’ils prennent très au sérieux. À l’époque où Monsieur Fillon avait encore un peu le vent en poupe aussi on avait très peur du côté des marchés financiers (et pas seulement là, il faut quand même le dire !) de la possibilité qu’en France s’affrontent deux partisans de monsieur Poutine : Madame Le Pen et Monsieur Fillon.

Alors pour parler de monsieur Trump, eh bien, je crois que les nouvelles… si on lit la presse aux États-Unis, il y a des choses qui sont véritablement en train de se passer. Il y a deux possibilités : ou bien Monsieur Flynn – la démission de monsieur Flynn, enfin, exigée par les services secrets, le FBI, de Monsieur Trump – est la première quille dans un jeu de quilles qui est en train de s’effondrer – ou bien c’est crever l’abcès et se débarrasser d’une personne pour pouvoir avancer par la suite. Les deux hypothèses sont possibles.

Il est possible que quand les services secrets refusent de communiquer sur une base journalière à partir de maintenant (comme nous l’apprend la presse), ça peut vouloir dire peut-être qu’ils ont eux-mêmes déjà un dossier suffisant sur Monsieur Trump et sur ses contacts avec la Russie pendant la campagne et que Monsieur Trump a déjà été passé aux pertes et profits par le… je ne dirai pas par l’establishment parce qu’il s’agit plutôt, je dirais, de la structure administrative d’un État et comme vous le savez la police et le ministère de l’intérieur et les services secrets (qui s’occupent de l’extérieur) sont une partie absolument essentielle (ça n’a pas grand-chose à voir avec establishment / pas establishment), c’est un peu la structure – je dirais – de base des états. Vous voyez qu’ils ne sont pas forcément liés à un régime particulier, vous avez bien vu, par exemple, quand on passe de l’URSS à la Russie, eh bien on ne se débarrasse pas entièrement des services secrets : on leur donne une autre étiquette et on continue avec le même personnel.

Alors il se peut…  peut-être qu’ils ont déjà un dossier suffisant sur Monsieur Trump et qu’il reste sur sa lancée jusqu’à qu’on sorte… qu’on ait fini de rassembler le dossier. Ou bien on lui a dit : « Écoutez, débarrassez-vous quand même de celui-là parce qu’avec lui il n’y a pas moyen d’avancer et retombez sur les rails… remontez sur les rails ».

Il y a un petit signe de ça, hier effectivement, parce que Monsieur Trump a changé sa politique vis-à-vis de la Russie. Il est retombé en une seule journée dans une ligne plus classique : de se méfier de la Russie et de… (pour les États-Unis) et de soutenir les services secrets, la police quand ils parlent d’infiltration, de tentative de déstabilisation, etc.

Mais voilà, si on doit faire une hypothèse, je dirais : fifty-fifty. Il est possible qu’on l’ait mis au pied du mur en lui disant : « Maintenant vous rentrez dans l’ordre de ce qui est les États-Unis depuis quelques siècles ! » et là, il y a des signes pour cela ou bien le fait que les services secrets refusent de communiquer avec lui sur une base quotidienne est la preuve qu’il a déjà été passé aux pertes et profits. Alors je ne crois pas qu’il faudra très très longtemps – une semaine ou deux maximum – pour savoir laquelle de ces deux hypothèses là est la bonne.

Quoi vous dire encore ? Je vous ai parlé de cette vidéo faite au Cube dont je suis content. Je vous l’ai dit, parce que j’ai eu le temps de m’exprimer correctement sur les sujets qui sont des sujets essentiels et j’ai été pris au sérieux par mes interlocuteurs. Il y a même eu quelquefois… on a quelquefois même renchéri sur mes propos parmi les personnes qui m’interrogeaient, ce qui montre que nous étions sur la même longueur d’onde.

Alors dans douze jours, du point de vue de l’édition, quant à moi, il y a la sortie de Le dernier qui s’en va éteint la lumière en livre de poche. Donc il sera accessible à un prix en dessous de 10 € [8 €] avec une couverture optimiste avec une lampe allumée. Il y avait – je crois que je vous l’ai signalé – la première proposition, c’était une corde de pendu et là j’ai dit : « Non, ce n’est quand même pas ça le propos du livre ! ».

Et le même jour la sortie de « Se débarrasser du capitalisme est devenu…» – je ne sais plus comment ça s’appelle… « est devenu …nécessaire…» – Bon ça ne fait rien, je ne connais pas encore le titre de mon nouveau livre [Se débarrasser du capitalisme est une question de SURVIE] ! mais je mettrai la… vous avez déjà vu… la couverture et ça sort le 1er mars chez Amazon.fr. Donnez encore deux, trois jours de plus à votre libraire favori et vous allez le trouver et là ce sont, je le répète, ce sont mes chroniques dans Le Monde et dans L’Écho en Belgique qui reprend les chroniques du Monde et dans Trends-Tendances, qui est un magazine. Et on a mis ensemble toutes ces chroniques. Pas toutes : il y en a qui avaient perdu un peu d’actualité. On a fait un choix d’à peu près 80 sur les 100 et il y a une introduction générale qui parle du neuf, quelque chose de neuf, il y a en particulier un programme, un programme politique pour la gauche dans l’introduction et puis les chroniques ont été regroupées par thème et il y a souvent une introduction relativement longue sur chacun des sujets, pour faire le point.

Alors, je ne sais pas si les gens s’intéressent à des choses qu’ils ont déjà pu lire, ça dépend. Ça dépend s’il y a des gens qui ont envie de me lire et qui ne m’ont jamais lu. Ça dépend de combien de gens qui m’ont déjà lu sur dix années et ont envie de me relire. Et voilà, on va voir ! On va voir ce que ça donne. Il y a déjà quelques invitations. On en reparle.

Allez, à la semaine prochaine !

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