Billet invité.
Ministre de l’économie libéral d’un gouvernement socialiste appuyé par le parti communiste et l’extrême-gauche, Mario Centeno bénéficie d’un certain consensus dans son pays, le Portugal. Coup double, il a hier été élu dans un fauteuil président de l’Eurogroupe par ses pairs. Certains y voient déjà l’annonce d’un aggiornamento européen, d’autres qu’il sera prisonnier de sa fonction.
Le paysage européen est brouillé, les incertitudes politiques allemandes y contribuant particulièrement. Les négociations en vue de former une coalition entre le SPD et la CDU-CSU ne commenceront véritablement qu’en début d’année prochaine, et les protagonistes sont soumis à des pressions contradictoires. Les militants du SPD, peu favorables à la reconduction de la grande coalition, vont avoir leur mot à dire, tandis que la CSU est tétanisée à la perspective de perdre les élections régionales de Bavière de l’automne 2018 et opère un tournant à droite pour contrer la progression de l’AfD.
En ouverture du prochain sommet européen des 14 et 15 décembre, la Commission ne simplifie pas le jeu. Elle vient de formuler une proposition de reconfiguration du Mécanisme européen de stabilité (MES), appelé comme on sait à de grandes destinées, qui revient à le faire passer sous son giron. Ce qui ne va pas vraiment satisfaire les autorités allemandes qui voulaient au contraire voir réduit le rôle de Bruxelles.
Côté négociations avec les Britanniques, les choses ne vont pas au mieux, et il n’est pas acquis que le prochain sommet puisse considérer que « des progrès suffisants » ont été accomplis – pour reprendre l’expression de Donald Tusk – afin de passer enfin à la seconde phase de celles-ci et aborder les contours des relations futures du Royaume-Uni et de l’Union européenne. Un accord concernant la frontière entre l’Irlande du Nord et du Sud a capoté au tout dernier moment, à l’initiative du DUP, la petite formation nord-irlandaise indispensable à la majorité de Theresa May à Westminster.
L’émiettement et la recomposition des forces politiques, qui fait école dans toute l’Europe, n’en est pas à son premier méfait. Mariano Rajoy en fait les frais avec le PNV basque à l’occasion de la crise catalane, sans lequel il ne peut faire adopter son budget aux Cortes. Et les prochaines élections italiennes vont sortir le grand jeu, pouvant rendre le pays ingouvernable.
Une solution sera peut-être trouvée d’ici le sommet pour avancer, mais le vent commence à tourner à Londres. Les désaccords au sein des tories rendent la vie du premier ministre impossible, les négociations piétinent, et il est désormais évoqué par un membre de son cabinet, Jeremy Hunt, que l’on pourrait revenir sur le Brexit, donnant alors raison aux milieux industriels allemands qui n’y croient pas. Le scénario est tracé, Jeremy Corbin et le Labour pourraient en être les artisans si des élections les conduisaient au pouvoir avant mars 2019, l’échéance officielle de la séparation.
Après avoir craint l’évènement d’une coalition allemande incluant le FDP, une option qui leur était défavorable, les autorités françaises s’activent en coulisses, dans l’espoir qu’une grande coalition voit le jour. Mais celle-ci n’aura plus le poids politique électoral d’antan, ses composantes sur le recul, et il n’est pas exclu que la formule d’un gouvernement CDU-CSU minoritaire appuyé par le SPD soit au final retenue. Dans les deux cas, le contexte général allemand va dans l’avenir être fort peu favorable aux propositions françaises. Emmanuel Macron devra se contenter de ce qu’il lui sera octroyé afin de lui sauver la face.
Tout risque de traîner en longueur, non seulement en raison des élections européennes de 2019, mais aussi des successions de Jean-Claude Juncker et de Mario Draghi. Le calendrier à venir n’est qu’une succession d’échéances peu propices, tant qu’elles ne sont pas franchies, à ce que des décisions soient prises.
Je me méfie de lui comme de la peste ! 😉