Billet invité.
C’est triste à constater, mais les indépendantistes catalans ont montré que s’ils avaient du cœur au ventre, leurs dirigeants n’avaient rien préparé pour donner corps à la république catalane de leurs vœux une fois l’élan donné. Et leur mouvement est retombé face à l’offensive du gouvernement de Madrid, qui a mis sans coup férir la Catalogne sous tutelle.
Des élections régionales ont été convoquées le 21 décembre par celui-ci, et leur campagne officielle qui vient de commencer polarise désormais l’actualité catalane. Depuis Bruxelles, Carles Puigdemont continue sur sa lancée en ne doutant de rien, prétendant en cas de victoire peu probable de sa liste, Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne), être rétabli au pouvoir en tant que « président légitime ». Une marée de drapeaux de la Catalogne brandis par 45.000 manifestants venus l’écouter, selon le comptage de la police belge, a envahi pendant plusieurs heures les rues du quartier des institutions européennes de Bruxelles. Avec comme slogan central « Wake up Europe ! » (réveille-toi).
Oriol Junqueras, le chef de l’Esquerra Republicana de Catalunya (ERC) est en tête dans les sondages et entend diriger un prochain gouvernement séparatiste. Mais il ne fixe plus d’échéance pour une éventuelle indépendance, reconnaissant qu’elle est hors d’atteinte pour le moment faute de consensus en Catalogne.
Les sondages ne leurs sont pas globalement favorables, et les deux formations pourraient perdre la majorité qu’elles détenaient avec la CUP d’extrême-gauche au parlement catalan, d’autant qu’elles se présentent cette fois-ci désunies. Et les conditions ne semblent pas plus réunies chez les unionistes que chez les indépendantistes pour constituer une coalition majoritaire, laissant présager une période d’instabilité politique. Encore un gouvernement difficile à mettre en selle ! Si les indépendantistes devaient l’emporter, des négociations devraient cette fois-ci s’imposer, qui auraient un retentissement dans toute l’Espagne.
En attendant, la Catalogne reste sous la tutelle de Madrid et le mot d’ordre appelant à la résistance n’a pas eu d’écho significatif. Les principaux dirigeants indépendantistes font leur campagne en détention préventive ou depuis la Belgique où ils sont réfugiés.
Au niveau national, Mariano Rajoy peut se présenter à son avantage vis-à-vis de sa clientèle électorale et pourrait avoir l’intention de convoquer des élections anticipées pour en bénéficier, un pari semblant risqué, son gouvernement restant en attendant minoritaire. Mais le cap du 21 décembre doit d’abord être franchi.
Le budget 2018 n’est toujours pas voté, mais c’est le moindre des problèmes que rencontre l’Espagne. La Constitution datant de 1978 est en effet arrivée au bout du rouleau et devrait être réaménagée. Mais sa réforme impose de soulever des montagnes, et cela commence mal. En contrepartie de son appui au parti populaire au plus fort de la crise catalane, le PSOE lui avait arraché la constitution d’un comité destiné à étudier la réforme constitutionnelle, mais il ne se réunit pas.
L’enjeu est rien de moins que de redéfinir les relations entre les 17 régions espagnoles, dont le statut vis-à-vis de Madrid n’est pas homogène. Et l’on se souvient que l’essor du courant favorable à l’indépendance en Catalogne est la conséquence directe du coup porté par le Parti populaire au statut d’autonomie de 2006.
Qui collecte les impôts des régions ou du gouvernement central de Madrid, de quelles dotations les régions bénéficient-elles ? Aujourd’hui, elles ne sont pas soumises au même régime, la communauté autonome du Pays basque ayant le privilège – unique – de réaliser cette collecte avec ses moyens propres. Son leader, Iñigo Urkullu, a déjà proposé d’étendre à toutes les régions cette disposition, dont la logique est de faire de l’Espagne une entité plus confédérale que fédérale.
Moins audacieux, le leader des socialistes catalans Miquel Iceta propose que le gouvernement madrilène – qui la fait rouler depuis 2012 – renonce à la dette que les régions ont envers lui. Celle-ci n’a cessé de s’accumuler, le gouvernement central ayant déporté d’importantes charges vers les budgets régionaux pour atteindre ses objectifs de plafonnement de son déficit sans augmenter sa dotation aux régions.
Bref, il y du grain à moudre et d’interminables négociations à entamer, mais Mariano Rajoy fera tout pour ne pas ouvrir la boîte de Pandore, au nom de l’Espagne unie, grande et éternelle. Il est loin le temps où la Catalogne se voyait octroyé un statut d’autonomie dont les principales mesures ont été censurées par le Tribunal constitutionnel, car c’est la Constitution elle-même qu’il faut changer, imposant une grande enjambée. La similitude avec la situation de l’Europe est frappante.
Quoique : ladite illustration mime tant bien que mal les couleurs de tanins qui révèlent la trop grande maturité de…