La parabole des mines, par Madeleine Théodore

Billet invité.

La « parabole des mines » que l’on trouve chez Luc, souvent présentée comme une variante de la « parabole des talents » que l’on trouve chez Mathieu, bien qu’elle soit plus élaborée que celle-ci, est une des réflexions les plus éclairantes de l’Evangile au sujet de l’argent.

Dans la foule qui salue sa venue et acclame Jésus à Jericho se trouve Zachée, un publicain aisé, si enthousiaste qu’il s’est perché sur un arbre pour voir passer Jésus. Son engouement est productif, puisque Jésus lui demande de descendre car « il doit demeurer dans sa maison ». C’est donc un hommage qui se veut ostentatoire de la part de Jésus à celui qui ensuite proclame donner aux pauvres la moitié de ce qu’il gagne et réparer ses injustices de la manière la plus gratifiante qui soit pour celui qui les a subies.

Cependant, Jésus nuance pour le moins la valeur des propos de Zachée en racontant une parabole à la foule qui l’entoure. Il y est question d’un maître détesté, craint de ses sujets, obligé de quitter le lieu de l’exercice de son pouvoir pour recevoir l’investiture de sa charge. Ses sujets tentent de s’opposer secrètement à celle-ci et échouent. Lorsqu’il revient, auréolé de la gloire de son règne, il demande des comptes à ses aides par rapport à l’argent qu’il leur a confié. Sur les trois, deux ont fait fructifier l’argent et se voient largement récompensés de leur mission par des charges politiques importantes, la gestion de villes en l’occurrence.

Il n’est pas superflu de mentionner que le maître ne réclame aucun intérêt pour lui-même des sommes confiées et rétribue très largement ses serviteurs en leur abandonnant l’équivalent de la somme initialement placée. Quant au troisième, il se voit insulté car il a caché l’argent sans le faire fructifier grâce aux banques et le remet tel qu’il l’a reçu. Il reproche à son maître ses vols et sa cruauté, celui-ci le punit en attribuant la somme au serviteur déjà le plus gratifié, malgré la protestation des témoins.

C’est bien à un tableau de la société contemporaine que nous avons affaire grâce à la parabole de Jésus : le règne du despotisme politique grâce à la corruption financière, la difficulté de l’opposant à agir dans un régime de terreur, le dépouillement du peuple et ses tentatives avortées de se débarrasser du tyran : c’est bien à cette symbolique que renvoient les paroles de conclusion, selon lesquelles « on donnera à celui qui a déjà ; au pauvre, on ôtera même le peu qu’il a ».

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Luc 19:1-27

1 Jésus, étant entré dans Jéricho, traversait la ville. 2 Et voici, un homme riche, appelé Zachée, chef des publicains, 3 cherchait à voir qui était Jésus; mais il ne pouvait y parvenir, à cause de la foule, car il était de petite taille. 4 Il courut en avant, et monta sur un sycomore pour le voir, parce qu’il devait passer par là. 5 Lorsque Jésus fut arrivé à cet endroit, il leva les yeux et lui dit : Zachée, hâte-toi de descendre; car il faut que je demeure aujourd’hui dans ta maison. 6 Zachée se hâta de descendre, et le reçut avec joie. 7 Voyant cela, tous murmuraient, et disaient : Il est allé loger chez un homme pécheur. 8 Mais Zachée, se tenant devant le Seigneur, lui dit : Voici, Seigneur, je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et, si j’ai fait tort de quelque chose à quelqu’un, je lui rends le quadruple.9 Jésus lui dit : Le salut est entré aujourd’hui dans cette maison, parce que celui-ci est aussi un fils d’Abraham. 10 Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.

11 Ils écoutaient ces choses, et Jésus ajouta une parabole, parce qu’il était près de Jérusalem, et qu’on croyait qu’à l’instant le royaume de Dieu allait paraître. 12 Il dit donc : Un homme de haute naissance s’en alla dans un pays lointain, pour se faire investir de l’autorité royale, et revenir ensuite. 13 Il appela dix de ses serviteurs, leur donna dix mines, et leur dit : Faites-les valoir jusqu’à ce que je revienne. 14 Mais ses concitoyens le haïssaient, et ils envoyèrent une ambassade après lui, pour dire : Nous ne voulons pas que cet homme règne sur nous. 15 Lorsqu’il fut de retour, après avoir été investi de l’autorité royale, il fit appeler auprès de lui les serviteurs auxquels il avait donné l’argent, afin de connaître comment chacun l’avait fait valoir. 16 Le premier vint, et dit : Seigneur, ta mine a rapporté dix mines. 17 Il lui dit : C’est bien, bon serviteur; parce que tu as été fidèle en peu de chose, reçois le gouvernement de dix villes. 18 Le second vint, et dit : Seigneur, ta mine a produit cinq mines. 19 Il lui dit : Toi aussi, sois établi sur cinq villes. 20 Un autre vint, et dit : Seigneur, voici ta mine, que j’ai gardée dans un linge; 21 car j’avais peur de toi, parce que tu es un homme sévère; tu prends ce que tu n’as pas déposé, et tu moissonnes ce que tu n’as pas semé. 22 Il lui dit : Je te juge sur tes paroles, méchant serviteur; tu savais que je suis un homme sévère, prenant ce que je n’ai pas déposé, et moissonnant ce que je n’ai pas semé; 23 pourquoi donc n’as-tu pas mis mon argent dans une banque, afin qu’à mon retour je le retirasse avec un intérêt ? 24 Puis il dit à ceux qui étaient là : Otez-lui la mine, et donnez-la à celui qui a les dix mines. 25 Ils lui dirent : Seigneur, il a dix mines.- 26 Je vous le dis, on donnera à celui qui a, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a. 27 Au reste, amenez ici mes ennemis, qui n’ont pas voulu que je régnasse sur eux, et tuez-les en ma présence.

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