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Le système forme ainsi une boucle. D’un côté, le citoyen a besoin de l’État pour lui garantir une vie sûre, juste et bonne pour qu’il puisse véritablement adhérer à la transformation radicale nécessaire de nos sociétés. De l’autre côté, l’État a besoin de la force du citoyen pour se mettre en marche massivement en vue d’une transition écologique. Comment enclencher cette dynamique de l’action collective ?
C’est le citoyen qui a la première réplique. Le citoyen possède la connaissance implicite de l’urgence avant l’État. Il sent le problème au plus profond de lui-même avant même que ce soient des mots, des arguments et des conclusions bien articulés.
Greta Thunberg, par ses textes est révélatrice de cette conscience spontanée de l’urgence. Elle ressent avant tout l’absurdité du moment au plus profond d’elle-même :
« Comment suis-je censée me sentir en sécurité alors que nous affrontons la plus grave crise de l’histoire de l’humanité ? Quand je sais que si nous n’agissons pas maintenant, tout sera bientôt trop tard ? La première fois que j’ai entendu parler du réchauffement climatique, j’ai pensé que ça ne pouvait pas être exact qu’il ne pouvait pas y avoir quelque chose d’aussi grave qui menace notre existence. Parce que sinon, nous ne parlerions pas d’autre chose. Aussitôt que nous allumerions la télé, tout serait consacré à ce sujet. La radio, les journaux, nous ne pourrions rien lire ou entendre qui ne soit consacré à ce phénomène. Comme si guerre faisait rage. »
Mais le point commun entre ces différentes expressions citoyennes déjà mentionnées dans des billets précédents, c’est in fine l’absence de proposition très claire chez ses participants, comme tout mouvement social. La volonté commune est certes l’action climatique mais qu’est-ce que cela implique précisément ? Quels changements de comportement cela implique ? Quel cadre sociotechnique doit remplacer l’ancien ? Quel modèle de société ? Quel système économique compatible avec la transition écologique ? Ce sont des questions de cadrage général de la transformation qui se posent quand on exige une bifurcation aussi radicale. Et pourtant sur ces questions, le citoyen renvoie la balle aux gouvernements. Au Forum économique mondial de janvier 2019, Greta Thunberg utilise ces termes :
« Notre maison brûle. […] Je veux que chaque jour vous ayez peur comme moi. Et je veux que vous agissiez. Je veux que vous agissiez comme si vous étiez en crise. Je veux que vous agissiez comme si notre maison était en feu. Parce qu’elle l’est. »
Elle somme avant tout les grands décideurs du monde, que ce soient les entreprises et les États, d’agir pour le climat. Elle les renvoie à leurs responsabilités et non à celles du citoyen, a fortiori à sa génération encore trop jeune pour véritablement agir.
Le citoyen attend que la réponse viennent des décideurs, car seul, comme nous l’avons vu, il ne peut rien. Le citoyen attend aussi que l’État explicite sa demande et prépare concrètement le plan adéquat pour atteindre cet objectif. Le citoyen dresse les objectifs, l’État doit en fournir les moyens. Les appareils étatiques et administratifs ont le savoir-faire pour dresser de tels plans d’attaque. Ils ont accès aux experts les plus compétents et aux modèles les plus perfectionnés. Entre 1946 et 2006, la France était dotée du Commissariat général au plan directement rattaché au chef du gouvernement pour diriger la reconstruction puis le développement de l’économie française. Ses plans triennaux puis quadriennaux ont façonné les politiques publiques françaises à la lumière de ses objectifs de long terme pendant six décennies. Il est grand temps que les États reprennent ces prérogatives planificatrices et les mettent au service de la plus grande transformation que l’humanité ait eu à réaliser en si peu d’années.
Ces plans d’actions devront atteindre les objectifs écologiques de l’Accord de Paris, sinon plus ambitieux, en assurant la pleine adhésion des citoyens au projet. Les aspirations fondamentales du citoyen doivent rester une préoccupation aussi importante que la transition écologique. À défaut, la transition écologique rencontrera nécessairement des résistances et sera un échec.
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